Collection DIBICA Classique

Tous les articles créés ou soumis au cours des vingt premières années du projet, de 1995 à 2015.

Fahmī, Ahmed

1800s
Presbytérien
Egypte

Ahmed Fahmī était un musulman égyptien qui s’est converti au christianisme, ce qui a marqué un progrès important pour la mission presbytérienne américaine en Egypte.

Le seul fragment d’information concernant l’âge d’Ahmed Fahmī est celui qui le décrit comme “jeune homme” en 1875, l’année où les premiers événements de ce drame se déroulent. Ahmed avait deux frères, Mohammed, l’aîné, et Mahmud. Leur père était chef greffier à la cour d’appel musulmane. [1] On note que la famille était “bien placée” dans la société, “d’une certaine richesse,” [2] et par réputation, étaient “des musulmans très dévots.” [3]

Ahmed et ses deux frères étaient élèves dans “l’école de garçons du Caire,” [4] aussi appelée “l’école de la Mission au Caire,” [5] et c’est là qu’Ahmed a appris l’anglais et le français. Il voulait apprendre beaucoup de choses sur le monde, et on dit qu’il avait accumulé une petite bibliothèque chez lui. Il n’a pas pu cacher l’effet de ces livres sur sa vie. Alors qu’il était toujours à l’école de la mission, toujours musulman, il a reçu quelques éléments d’éducation religieuse à al-Azhar. [6]

Après qu’Ahmed a obtenu son diplôme en 1875, la mission l’a embauché pour enseigner l’arabe aux nouveaux missionnaires. [7] Mesdemoiselles Smith et Thompson étaient alors toutes les deux de nouvelles enseignantes dans l’école. La lecture d’un chapitre de la Bible tous les jours faisait partie du programme d’études de langues, mais nous ne savons pas si cette lecture de la Bible se faisait en arabe, en anglais ou en français. Nous pouvons supposer, néanmoins, qu’elle était en arabe, car il s’agissait d’enseigner l’arabe aux missionnaires. Quoi qu’il en soit, cette lecture journalière de la Bible embêtait Ahmed. Il était encore plus embêté quand la lecture était suivie de longues discussions. Il n’arrivait pas à cacher son mécontentement, car selon Mlle. Smith, “A part les autres livres, nous lisions un chapitre de la Bible chaque jour. Il essayait de ne pas penser au sens du texte, et si quelqu’un argumentait en faveur du christianisme, cela l’irritait tellement qu’il se fâchait et demandait qu’on ne dise plus rien à ce sujet.” [8]

On continua cependant de lire la Bible tous les jours, mais sans commentaires ni de discussions, comme Ahmed le demandait. Les missionnaires continuèrent de prier pour lui, et Dieu répondit à leurs prières. Ahmed avait l’impression d’être harcelé par une vérité solennelle qu’il ne pouvait plus ignorer, et il décida que la seule alternative était de se soumettre au Christ - ce qu’il fit le 16 octobre 1877. Selon Elizabeth Kinnear Kelsey, “Comme Ahmed lisait le Nouveau Testament avec Mlle. Smith, il a décidé qu’il voulait devenir chrétien. C’était là le début d’un des plus passionnants récits de l’histoire de la mission.”[9]

Cet événement a provoqué des remous dans la communauté musulmane, qui a tout mis en œuvre pour convaincre Ahmed d’abjurer. Il décrit ainsi la lutte qu’il ressentait en lui lors du processus qui l’a amené à faire sa profession : “J’étais comme un homme ballotté par les vagues furieuses de la mer, quelqu’un près de se noyer; près de moi, il y avait un bateau qui aurait pu me sauver, mais j’avais l’impression que je préférerais périr plutôt que d’être sauvé par ce bateau.” [10] Watson explique la situation d’Ahmed ainsi : “Son âme était très tourmentée. Il y avait d’un côté l’honneur de ses amis et de sa famille, et le déshonneur terrible qui s’abattrait sur lui et ses bien-aimés (car il aimait beaucoup ses parents, ses frères et sœurs); de l’autre côté, il y avait non seulement la persécution terrible et peut-être même la mort, mais aussi l’amour au sein de sa famille qui serait remplacé par la haine. Bien sûr, il pensait aussi à l’amour du Christ et à la promesse du salut qui ne se trouvait qu’en Lui.” [11]

Ahmed fut baptisé le 25 novembre 1877, peu après sa conversion. Il existe très peu d’informations sur cet événement à part les quelques observations du journal de Mlle. Thompson. Elle dit qu’Ahmed a été baptisé et reçu dans l’église par le professeur Julius Lansing, un des missionnaires presbytériens sur place depuis longtemps. Elle ajoute que “Beaucoup de personnes présentes pleuraient, mais certains n’étaient pas contents qu’il n’avait pas pris un nouveau nom chrétien.” [12] La famille, les amis, et d’autres musulmans de la communauté locale, cependant, étaient extrêmement perturbés par cette conversion et essayèrent en vain de la renverser. Comme les missionnaires savaient que la vie d’Ahmed était en danger, et ils décidèrent qu’il devrait vivre chez M. Lansing. C’est de là qu’il a continué son travail comme enseignant d’arabe.

La nouvelle de la conversion d’Ahmed s’est répandue au Caire comme un feu de brousse, et a perturbé la ville entière. Beaucoup de ses amis et les érudits musulmans de la ville ont été appelés pour le dissuader d’être chrétien. Toutes tentatives paisibles ayant échoué, sa famille décida de le kidnapper. Les circonstances de l’enlèvement sont brièvement décrites ainsi : “ Alors, le jeudi 20 décembre 1877, vers le coucher du soleil, son frère Mohammed et d’autres membres de la famille, habillés en fellaheen, ont attendu son retour de la maison de la mission, qui n’était qu’à quelques mètres de la maison du professeur Lansing. Ils ont sauté sur lui, lui ont collé la main sur la bouche pour l’empêcher de crier et l’ont fourré dans une voiture pour l’amener à la maison de son père.” [13]

Alarmés par la disparition d’Ahmed, les missionnaires ont essayé de s’informer sur ce qui aurait pu lui arriver. Les voisins qui savaient ce qui s’était passé n’osaient pas parler par peur des représailles, et l’anxiété a grandi dans la communauté missionnaire. Comme ils craignaient pour sa sécurité, les missionnaires ont parlé de l’affaire aux consuls américains et britanniques, qui ont éventuellement appris où il était et qu’il était encore en vie. Les membres de sa famille, cependant, l’ont gardé prisonnier pendant cinq semaines. Pendant sa détention, “on a fait venir un certain Gamal ed-Deen, spécialiste du débat reconnu, plus un infidèle qu’un Musulman et qui est devenu notoire par la suite en Perse, en Angleterre et à Constantinople, pour entrer en débat avec lui.” [14] On a tenté d’autres manières de l’obliger à renoncer le fait qu’il avait accepté le Christ : “Un cheik connu pour ses sortilèges de protection et de blessure est venu et a donné à la famille un petit sac en soie qui contenait une feuille de papier sur laquelle on avait écrit en arabe mystique. Cette feuille pliée en forme de triangle devait être mis sous son fez, car selon le cheik, soit il serait ainsi guéri de ses tendances infidèles, soit – s’il insistait à retourner chez les infidèles, elle le rendrait fou furieux.” [15]

Sa famille a même menacé de le tuer. Son frère Mohammed lui aurait montré les armes qui devaient servir à le tuer parce qu’il avait terni l’honneur de la famille en devenant chrétien. Ahmed, cependant, n’était pas intimidé par ces menaces, même si sa détresse était évidente. La situation était tellement tendue que sa mère est tombée gravement malade et était en danger de mort. Ahmed est revenu temporairement à l’Islam à cause de la gravité de cette situation. Il est revenu à sa nouvelle foi, cependant, dès sa libération. Suite à cet incident, le seul endroit où il pouvait vivre en sécurité était chez le professeur Lansing car il était constamment en danger de mort, et les autorités du gouvernement ne pouvaient garantir sa sécurité.

La tension s’est enfin dissipée quand Ahmed a quitté son pays pour aller faire des études supérieures en Ecosse. C’est là qu’il est devenu médecin à l’Université d’Edinburgh. La Société Missionnaire de Londres (L.M.S.) l’a ensuite envoyé travailler en Chine, comme surintendant de l’hôpital de la L.M.S. qui se trouvait à Chang Chew, Awoy, en Chine.

Les informations les plus récentes sur Ahmed Fahmī viennent d’une note indiquant que la mission avait approuvé sa demande de rentrer en Egypte, où on l’a chargé d’ouvrir une clinique à Tanta, en Egypte. [16] On peut sans doute trouver plus d’information sur sa vie dans les archives de la Mission Américaine à Tanta.

Tukei Kennedy


Notes:

    1. Earl E. Elder, Vindicating a Vision: The Story of the American Mission in Egypt 1854-1954 (La revendication d’une vision : l’histoire de la mission américaine en Egypte, 1854-1954) (Philadelphia : The United Presbyterian Board of Foreign Missions, 1958), 76.
  1. Charles R., Watson, In the Valley of the Nile (Dans la vallée du Nil) (New York : Fleming H. Revell Company, 1908), 305.

  2. Elisabeth Kinnear Kelsey, She Sat Where They Sat: A Memoir of Anna Young Thompson of Egypt (Elle s’est assise avec eux : un mémoire d’Anna Young Thompson d’Egypte) (Michigan : William B. Eerdmans Publishing Company, 1971), 38.

  3. Watson, 161.

  4. Ibid., 161.

  5. Ibid., 161.

  6. Kinnear, 38.

  7. Watson, 20.

  8. Kinnear, 38.

  9. Andrew Watson, The American Mission in Egypt: 1855-1896 (La mission américaine en Egypte : 1855-1896) (Pittsburg : United Presbyterian Board of Publication, 1904), 306.

  10. Watson, American Mission, 306.

  11. Kinnear, 39.

  12. Watson, American Mission, 307.

  13. Ibid., 308.

  14. Ibid., 308.

  15. Elder, 77.

Bibliographie

Earl E. Elder, Vindicating a Vision: The Story of the American Mission in Egypt 1854-1954 (La revendication d’une vision : l’histoire de la mission américaine en Egypte, 1854-1954) Philadelphia : The United Presbyterian Board of Foreign Missions, 1958.

Elisabeth Kinnear Kelsey, She Sat Where They Sat: A Memoir of Anna Young Thompson of Egypt (Elle s’est assise avec eux : un mémoire d’Anna Young Thompson d’Egypte) Michigan : William B. Eerdmans Publishing Company, 1971.

Andrew Watson, The American Mission in Egypt: 1855-1896 (La mission américaine en Egypte : 1855-1896) Pittsburg: United Presbyterian Board of Publication, 1904. Charles R. Watson, In the Valley of the Nile (Dans la vallée du Nil) New York : Fleming H. Revell Company, 1908.


Ce récit, soumis en 2006, est le produit des recherches de Tukei Kennedy, étudiant au programme de M.A.T.S. de la Faculté de Théologie Evangélique du Caire, pour satisfaire aux exigences d’un cours sur le christianisme au Moyen-Orient (III), sous la direction du professeur David Grafton, coordinateur de liaison du DIBICA.