Collection DIBICA Classique

Tous les articles créés ou soumis au cours des vingt premières années du projet, de 1995 à 2015.

Tumsa, Gudina

1929-1979
Église Évangélique Éthiopienne Mekane Yesus
Ethiopie

Gudina Tumsa

La voix d’un prophète éthiopien

En juin 1979 Gudina Tumsa, secrétaire général de l’église éthiopienne évangélique Mekane Yesus, a été arrêté par le gouvernement révolutionnaire de l’Ethiopie. Par crainte pour lui, le président de la fédération luthérienne mondiale à l’époque, l’évêque Josiah Kibira, accompagné du chef de l’église (Oberkirchenrat) Krause, est allé voir le président Nyerere en Tanzanie pour demander de l’aide. Nyerere est arrivé à le faire sortir de prison et lui a offert la possibilité de s’échapper, mais Gudina Tumsa a refusé en disant ceci: “Mon église et mon assemblée sont ici. Comment pourrai-je, comme leader de l’église, quitter mon troupeau en ce moment d’épreuve? J’ai si souvent demandé à mes pasteurs de rester.” Il a ensuite cité II Corinthiens 5:15: ‘Et il est mort pour tous, afin que les vivants ne vivent plus pour eux-mêmes, mais celui qui est mort est ressuscité pour eux.’ Je ne fuirai jamais.” [1]

Le 28 juillet 1979, Gudina Tumsa a été enlevé et tué par strangulation. Son meurtre a mis fin à la pensée théologique visionnaire et créative dans l’église dont l’Ethiopie avait tant besoin à l’époque. [2] C’était un coup dur pour la théologie africaine ainsi que pour l’église mondiale. Sa théologie, qui a poussé en terre africaine, provoque encore beaucoup d’intérêt. Dans cet article les thèmes majeurs seront présentés.

On trouve un prélude à la théologie du révérend Gudina dans le “Rapport sur la croissance de l’Eglise en Ethiopie,” qu’il a présenté à Tokyo en 1971: “Même s’il ne faut pas négliger les facteurs sociaux et politiques, si l’aspect religieux n’est pas la considération capitale, les mouvements de masse ne seront pas compris…Les gens sont tourmentés par la crainte des esprits et ils veulent accepter la nouvelle religion d’amour et de justice.”

L’évangile, comme son peuple le comprenait, était une “religion d’amour et de justice.” Il est possible que cette interprétation soit la plus globale et la plus durable de la théologie du révérend Gudina. De bien des manières, c’est une interprétation contextuelle de la signification de “l’amour et de la justice” par rapport à deux étapes critiques dans l’histoire de l’église éthiopienne évangélique Mekane Yesus (EEEMY, ou en anglais, EECMY) et dans l’histoire éthiopienne. Avant la révolution éthiopienne, la liberté et l’identité de l’église étaient en question. Les textes du révérend Gudina qui datent de la période d’avant 1974 sont surtout concernés par les rapports de pouvoir entre l’EEEMY et les missions/agences de soutien. [3] Après la révolution éthiopienne, à partir de 1974, c’est la survie de l’église elle-même qui est en question. Le rapport entre l’église et l’état se trouve donc au centre de sa pensée. Dans une situation comme dans l’autre, il raisonnait avec beaucoup de compassion et sur le fondement d’une interprétation africaine holistique de la vie humaine et de l’évangile.

Sources

Quand on considère le sujet de la “théologie holistique” on pense à la fameuse lettre de 1972 de l’EEEMY intitulée “Sur la corrélation entre la proclamation de l’évangile et le développement humain.” [4] Même si ce document comprend la contribution de plusieurs auteurs, il est assez évident que cette lettre est marquée par les perspectives théologiques du révérend Gudina. On pouvait entrevoir ces perspectives l’année d’avant lorsqu’il a exprimé les mêmes idées dans un texte sur la croissance de l’église à la consultation de la commission sur la coopération dans l’église à Tokyo.

S’ajoutant à la lettre de l’EEEMY, l’auteur dispose de huit textes par Gudina et trois autres qui sont clairement écrits par lui, mais qui sont signés en coopération avec le président de l’église ou ses officiers. [5] Deux textes ont été écrits avant la lettre de l’EEEMY, et neuf après. La lettre de l’EEEMY a amené à une consultation de la fédération luthérienne mondiale (LWF) sur “La proclamation et le développement humain” qui a eu lieu à Nairobi en 1974. C’est au cours de cette consultation que Tumsa Gudina, dans une allocution, a plus profondément élaboré la perspective théologique qui avait amené à la création de la lettre de l’EEEMY. Ce discours est une source importante parce qu’elle montre comment il interprète le sens de la lettre de l’EEEMY par rapport à la fois à la missiologie traditionnelle et aux débats courants dans les assemblées œcuméniques. On aperçoit encore plus l’élaboration de sa théologie dans cinq documents importants qui datent de la période de la révolution éthiopienne, dont: la “Lettre Pastorale” (1975), le “Mémorandum” (1975), “Le débat du moratorium et l’EEEMY” (1976; écrite avec Paul Hoffman), “L’incroyance” (1976), et “Le rôle d’un chrétien dans la société” (1979). [6]

Malheureusement, toutes ses notes, ses papiers et ses livres datant de la période d’études aux Etats-Unis ont été perdus dans le Canal de Suez pendant la Guerre des Sept Jours en 1967. D’autres sources importantes, dont ses discours, ont apparemment été perdues suite au déménagement de son appartement au bureau central de l’EEEMY le 13 novembre, 1981. Pour présenter le contexte de sa vie, il a fallu compter sur d’autres sources diverses, soit orales ou écrites. Les détails se trouvent dans les notes et dans la bibliographie du présent article. Pour une présentation de plus grande envergure, consulter le livre de l’auteur, Revolution and Religion in Ethiopia: The Growth and Persecution of the Mekane Yesus Church 1974-1985 [La révolution et la religion en Ethiopie: la croissance et la persécution de l’église Mekane Yesus 1974-1985], qui est dédié à la mémoire de Gudina Tumsa, et dans lequel l’auteur présente quatre de ses textes.

Les Années Formatives

Les Premières Années, 1929-1963

Gudina Tumsa était Omoro; il est né en 1929 à Bojjii en Ethiopie occidentale, dans le territoire du berceau de l’EEEMY. [7] Ses premières expériences ont eu lieu dans une culture indigène dans laquelle le christianisme évangélique avait interagi avec le point de vue traditionnel Oromo et avait crée une nouvelle culture chrétienne vigoureuse. Il a aussi fait l’expérience des effets locaux de la culture religieuse et politique de l’état féodal impérial. Toute interprétation de la théologie de Gudina doit prendre en compte les expériences sociales, ethniques, religieuses et politiques de ses années formatives. Nous ne pouvons que faire allusion à certains facteurs déterminants comme la structure féodale de l’empire éthiopien, sous lequel les gens étaient sujets à l’expropriation sévère des ressources au profit des propriétaires et des autorités centrales. Pour la paysannerie, l’expérience générale de la vie à l’époque était donc celle de la subjugation et de l’humiliation, si ce n’était pas celle de la lutte commune pour la survie. A cet égard, un des facteurs très importants était celui de l’expérience de tous les jours par rapport à l’église orthodoxe éthiopienne, car elle faisait partie du système oppressif. [8]

La Bible avait été traduite en oromo en 1898, posant le fondement de l’interprétation indigène de l’évangile. Avec le temps, cette interprétation a donné lieu à une plus grande compréhension culturelle, à la fierté du vernaculaire, au réveil social, au dialogue interculturel, et au renouveau religieux. [9] L’anthropologie qui s’exprimait dans l’attitude, la vie et l’œuvre des messagers de l’évangile aux Oromo, qu’il s’agisse d’éthiopiens ou de missionnaires étrangers, a donné aux gens un sentiment de dignité humaine. [10] Dans la vie de tous les jours, le christianisme évangélique allait au-delà des barrières de l’ethnicité et du statut, et créait une conscience morale ainsi qu’une conscience des besoins des pauvres. C’est là le contexte qui explique le mieux la lettre de l’EEEMY et la théologie de Gudina. Le révérend Gudina a reçu son éducation de base à Wallagga et a fait des études en théologie sous l’égide de la mission évangélique suédoise à Najjoo de 1955 à 1958. [11]

Les études théologiques aux Etats-Unis, 1963-1966

En 1963, ayant reconnu sa capacité intellectuelle et ses qualités de leadership, l’EEEMY l’a envoyé à la faculté théologique de Luther, à St. Paul, Minnesota, aux Etats-Unis, pour qu’il reçoive plus de formation théologique. C’est là qu’il a obtenu la license (B.D.) en religion. Lors d’une visite dans cette institution en 1999, l’auteur a eu l’occasion de parler à deux de ses camarades de classe, le professeur Darrell Jodock, qui avait partagé une chambre avec Gudina, et le professeur Dennis Everson, qui a servi comme missionnaire dans l’EEEMY plus tard. [12] Ils ont fourni deux informations d’importance particulière. La première est que le révérend Gudina avait étudié l’œuvre de Reinhold Niebuhr, qui est généralement considéré le théologien de l’éthique le plus influent du milieu du vingtième siècle. [13] Les papiers de Gudina révèlent l’influence de Niebuhr, et surtout son modèle herméneutique et son éthique.

La deuxième est le fait qu’il a fait ses études aux Etats-Unis à l’époque des débats intenses et des luttes qui se passaient dans le mouvement des droits civils, qui était surtout mené par le Dr. Martin Luther King, Jr. Ce mouvement s’est développé entre 1955 et 1968, à partir de la conscience croissante des afro-américains, qui se trouvaient exclus de la participation sociale, économique et politique. Le mouvement était unique dans le sens qu’il tentait d’établir un nouveau sens de l’identité particulière et collective parmi les noirs par moyen de la participation et de la mobilisation politique. Le Dr. Martin Luther King employait la stratégie de la confrontation “non-violente.” Sa force et sa vision venaient de sa foi chrétienne. Il proclamait ouvertement qu’il n’y avait pas de rapport entre l’évangile de Jésus Christ et l’oppression. Gudina a passé trois ans aux Etats-Unis dans la période intense de manifestations, de violence et de débat. Le prof. Joddock a expliqué à quel point Gudina, les autres étudiants et lui-même étaient profondément engagés du côté des noirs. Il est très probable que cet engagement a eu un impact profond sur Gudina et sur sa compréhension de l’injustice structurelle et de la philosophie et de la stratégie de la non-violence. Il n’y a pas de références aux années qu’il a passées aux Etats-Unis dans ses papiers, et cette partie de ses années formatives a largement été négligée.

Le débat œcuménique sur la missiologie, à partir de 1966

Au sein du mouvement œcuménique, les débats sur la question du rapport entre les missions et la justice sociale ont atteint un sommet lors de l’assemblée du Conseil Mondial des Eglises (WCC) à Uppsala, en 1968. Comme l’EEEMY était membre de la fédération luthérienne mondiale (LWF), la participation de celle-ci nous aidera à comprendre l’engagement de Gudina. Au cours de la période pendant laquelle Gudina était secrétaire général de l’EEEMY (1966-1979), l’église luthérienne est devenue de plus en plus consciente de sa responsabilité sociale. Cette conscience venait des expériences de la deuxième guerre mondiale qui lui ont coûté cher, surtout dans le domaine de la responsabilité chrétienne vis-à-vis de la liberté et de la justice dans l’ordre social. [14] L’assemblée générale qui a eu lieu à Evian en 1970 marque un point tournant à cet égard. A partir de là, la question n’était plus “oui où non?” mais plutôt “comment faire?” car l’église allait s’engager dans la promotion des droits de l’homme et de la justice sociale. [15] C’était justement le sujet central lors de la réunion de l’assemblée de la WCC à Nairobi en 1975, ainsi que pendant la réunion de l’assemblée de la LWF à Dar es Salaam en 1977. Il faudrait aussi mentionner la réunion de la commission sur l’évangélisation et les missions mondiales (CMWE - Commission on World Mission and Evangelism) à Bangkok en 1973, et les documents de Vatican II, car elles ont eu un impact majeur sur le débat œcuménique. [16] Les plus importantes discussions du mouvement évangélique, dans lesquelles bien des missions coopératives ont pu se sentir mieux à l’aise, se sont passées dans le mouvement de Lausanne au cours des quinze années allant de 1974 à 1989. Le congrès de Lausanne qui a eu lieu en 1974 était le point culminant de toute une série de congrès plus modestes sur la missiologie.

Le révérend Gudina a participé aux assemblées d’Evian et de Dar es Salaam. A Evian, il a été élu membre du comité sur la politique et la référence, et il a proposé une recommandation supplémentaire dans le domaine des droits de l’homme. [17] Il a aussi participé à de nombreuses autres consultations internationales de l’église et des missions. Selon ses papiers, ces discussions ont compté pour beaucoup dans sa pensée. Un concept critique dans les débats œcuméniques des années 1970 peut se résumer par l’expression “le développement humain intégral.” La missiologie du révérend Gudina met en relief plusieurs questions, dont quatre qui sont d’importance particulière: les droits de l’homme et la LWF, le rôle des missions dans la médiation du salut, les missions comme quête de justice, et l’évangélisation et la responsabilité sociale. [18]

La Révolution Ethiopienne, 1974-1979

On peut distinguer deux phases de la révolution éthiopienne: la première, qui commence par les insurrections politiques du 18 février, 1974, et qui va jusqu’au coup d’état de Mengistu Haile Mariam, le 3 février, 1977; la deuxième, qui va du coup d’état jusqu’à la chute de Mengistu le 28 mai, 1991. [19] Le gouvernement révolutionnaire se trouvait face à deux défis de base: comment sauvegarder l’unité de l’Ethiopie, et comment faire en sorte que le droit au pouvoir réclamé par les Derg (le gouvernement révolutionnaire) soit légitime? Pour résoudre ces problèmes, le gouvernement a cherché une alliance politique et militaire avec l’Union Soviétique et a ensuite équilibré le nationalisme Amhara/Ethiopien avec le Marxisme/Léninisme. Ces choix politiques ont ultimement conduit au conflit avec les églises évangéliques.

La première phase de la révolution éthiopienne avait l’air prometteuse. La charte initiale de la révolution, qui a été publiée le 20 décembre, 1974, envisageait un pays uni sans différences ethniques, religieuses, linguistiques, ou culturelles. La charte a été suivie par les grandes réformes socio-économiques de février et mars 1975. Elles ont crée un soutien, de l’espoir et de grandes attentes pour une société plus juste. Cependant, les tensions ethniques ont été mises en relief par la révolution éthiopienne à cause de ce que l’on a appelé “la question des nationalités.” La question de l’auto détermination nationale pour les groupes ethniques est restée ouverte au forum du débat politique public jusqu’à l’automne de 1978. Après, tout engagement de la question était d’un ordre criminel. [20]

Dans l’EEEMY, le révérend Gudina était le premier à comprendre les éléments essentiels de la révolution éthiopienne. Pendant toute la période allant de 1975 à 1979, il était le personnage proéminent de la force spirituelle et intellectuelle des changements que l’église a tenté de faire pour répondre à la révolution. Sa “Lettre Pastorale” (mars 1975) est un exemple de réflexion socio-éthique de pertinence importante. Le “Mémorandum” (août 1975) s’aligne plus avec la réflexion pastorale théologique qui aborde le problème de la transformation de la théologie holistique en ce que l’on appelait une “approche fonctionnelle” du développement et de la construction d’une nation. Les deux textes sont visionnaires et font preuve d’un souci profond pour l’être humain. Cependant, la question critique, celle du conflit entre la philosophie athée et la foi chrétienne, a plutôt été présentée dans son texte majeur intitulé “L’incroyance,” qui a été livré à l’assemblée générale de Najjoo en 1976.

Une théologie de l’amour et de la justice

Praxis - théorie - praxis

Les écrits du révérend Gudina expriment aussi son intérêt pastoral, et on peut citer en exemple, justement, la “Lettre Pastorale” de l’EEEMY. Ce texte a été développé à partir de trois éléments: l’expérience du vécu et du souci pratique, le manque d’équilibre dans les critères de l’aide qui vient des missions et des agences de donateurs, et la possibilité d’un évangile déformé qui peut en résulter. La lettre approfondissait l’aspect théorique du problème et suggérait une nouvelle approche fondée sur une compréhension théologique différente de l’homme et du salut. Dans le “Mémorandum,” Gudina expliquait son approche: “Il faut que la théologie vienne des expériences de tous les jours, de notre façon d’aborder les affaires ordinaires et journalières de la vie telles que notre situation, que notre milieu culturel, que notre vie économique, que notre expérience politique, que notre pratique sociale nous les présente…Une théologie indigène dans le contexte éthiopien peut se définir comme une traduction des sources bibliques…vers le modèle des habitudes de notre peuple, au point ou l’évangile de l’amour lui est familier.” [21]

Il s’est donc détaché du modèle herméneutique dominant de la théologie européenne et nord américaine, qui se base sur le modèle théorie-pratique, et a proposé un modèle pour la théologie qui est basé sur la raison et la pratique selon le modèle praxis-théorie-praxis. Cette approche s’aligne fondamentalement avec le modèle herméneutique de Niebuhr qui relie le récit chrétien et la raison pratique. [22] Les questions posées par le révérend Gudina ont été formées par son histoire et ses expériences personnelles. Le simple fait d’avoir identifié ces questions était un acte herméneutique de grande importance.

Une compréhension d’ensemble du salut

Dans le “Rapport sur la croissance de l’église en Ethiopie” du révérend Gudina, qui a été présenté à Tokyo en 1971, deux ans avant la lettre de l’EEEMY, nous pouvons voir une illustration qui montre comment sa compréhension du salut s’est développée sur le modèle praxis-théorie-praxis. C’est dans l’écoute de son peuple qu’il a pu discerner comment l’évangile se traduisait au modèle de leur pensée: “Au centre de la proclamation et du témoignage des croyants il y a l’idée que Jésus sauve…Il n’y a aucune distinction entre la guérison de la malaria, ou de la pneumonie, et le salut [qui sauve] du péché. ‘Jésus Christ sauve’ - cela veut dire littéralement qu’il guérit les gens qui ont des maladies aussi bien qu’il les guérit du fardeau du péché. La simple prédication de l’évangile était très souvent accompagnée par la guérison, l’exorcisme ou par d’autres signes et on comprenait que le nouveau Dieu faisait preuve de son pouvoir.” [23] La référence au “pouvoir” nous avance un peu plus vers l’interprétation indigène du sens de l’évangile, et se réfère à l’arrière-plan de la cosmologie africaine traditionnelle ainsi qu’à son intérêt au monde de l’esprit - l’accent, donc, est mis sur le Christ vainqueur.

Les recherches sur la croissance de l’église à Wallagga ont révélé que la guérison de toutes sortes de maladies et la libération des esprits néfastes comptait pour quatre-vingt trois pour cent de la croissance en nouveaux membres. [24] Quand on considère l’interprétation traditionnelle Oromo de la maladie et de la mauvaise fortune comme si ces choses sont des punitions qui viennent des esprits, ou bien sont l’œuvre des forces néfastes, on se rend compte combien l’image du Christ et du Saint-Esprit symbolise la puissance qui peut les combattre. Cela explique que l’accent traditionnel missionnaire qui est mis sur le Christ comme celui qui a été sacrifié pour nos péchés, ainsi que le modèle interprétatif conséquent du péché et de la grâce est enrichi quand on souligne le modèle qui va de la mort vers la vie.

L’expérience africaine du salut se trouve à la base de son approche théologique holistique. L’holisme et tout ce qu’il implique s’est développé en deux étapes. On entrevoit la première de ces étapes dans la lettre de l’EEEMY, où l’interprétation théologique de “l’homme et ses besoins” occupe la plus grande partie du texte: “Nous croyons qu’un développement humain intégral, où les besoins spirituels et matériels font un, est la seule approche correcte de la question du développement dans notre société…La division entre le témoignage et le service, ou entre la proclamation et le développement…nuit à l’église et amène ultimement au christianisme déformé…Le développement de la personne intérieure est la condition préalable au développement sain et durable de la société.” [25]

La lettre met en question les valeurs sous-jacentes de la technologie et de l’économie, et les voit comme “un danger menaçant les valeurs qui donnent un sens à la vie.” La lettre indique l’enchaînement de la volonté qui est décrit dans l’Epître de St. Paul aux Romains (7:15-20) et souligne le besoin de libération spirituelle comme “condition préalable au développement sain et durable.” [26]

Il faut noter, cependant, que l’expression “développement humain intégral” qui se trouve dans la lettre de l’EEEMY ne comprend pas l’obligation de changer les “structures déshumanisantes” ni de travailler de manière particulière pour la “justice.” La lettre se concentre sur le besoin de conjoindre les deux dimensions: le spirituel et le matériel, le témoignage et le service. Autrement dit, le lettre de l’EEEMY ne comprend pas la troisième dimension: le bien-être politique de l’homme. Ceci dit, il faut ajouter que l’EEEMY se souciait de la dimension sociale des droits de l’homme. Cela se voit dans la lettre adressée au gouvernement ou elle demande que celui-ci s’adresse au système du bail des terres, un des plus grands problèmes de l’Ethiopie rurale sur le plan social et économique. Le temps n’était pas encore venu pour que l’EEEMY s’adresse à “l’injustice structurelle” dans sa lettre. [27]

Deux ans après, au cours de l’année révolutionnaire de 1974, Gudina Tumsa a davantage élaboré l’aspect prophétique de la théologie holistique. Pour lui, une approche biblique intégrée devait forcément inclure l’aspect prophétique. Dans le texte qu’il a livré à Nairobi, intitulé “Servir l’homme dans son ensemble,” il a développé sa théologie d’une manière importante en posant la question: “A quoi ressemble un ministère responsable de l’église chrétienne dans le monde d’aujourd’hui dans une situation culturelle, sociale et politique donnée?” La réponse qu’il a donnée à ce point est essentielle à la compréhension de sa position: il est allé au-delà de la lettre de l’EEEMY et a pris position entre les deux extrêmes courants dans les débats missionnaires et les forums œcuméniques:

D’un côté, certains ont une définition étroite du ministère et l’église est réduite à l’insignifiance dans la société, car elle est aliénée de l’homme moderne, qui la trouve non pertinente. De l’autre côté, il y a ceux qui voudraient que l’église s’identifie pleinement au monde et qu’elle s’engage activement dans la lutte pour la justice sociale, pour l’élimination des structures déshumanisantes, et pour la libération des opprimés. Entre ces deux extrêmes il y a ceux qui représentent les positions plus modérées vis-à-vis de la compréhension de ce que c’est qu’un ministère responsable. Réclamer qu’il faut appliquer certaines positions de manière universelle, c’est avoir une attitude paternaliste. [28]

L’éthique sociale

La réflexion théologique sur toutes ces questions a amené à ce qu’il a appelé “un ministère intégré et stratégique.” Il faut qu’un tel ministère soit marqué par l’éthique théologique s’il veut vraiment atteindre les vies des gens. Par l’expression “éthique théologique” le révérend Gudina entendait une sorte de théologie nuancée par le contexte, et pertinente au besoin du peuple éthiopien et de l’église éthiopienne. On peut voir de quoi il s’agit dans l’adresse qu’il a donnée lors de la consultation de la LWF à Nairobi en 1974: “Une église responsable doit toujours grandir dans le contexte d’une ‘situation d’action,’ et on pourrait même dire que la vraie théologie biblique et évangélique doit toujours permettre une interprétation contextuelle de l’évangile…” [29]

Il exprime cette interprétation dans les catégories sociales et éthiques dans la “Lettre Pastorale” (1975) où il dit: “Nous [l’église] aspirons à la justice, au respect des droits de l’homme et au gouvernement par la loi.” Dans le contexte de la lettre, la justice et les droits de l’homme sont cités comme normatives de la politique de l’état et de la manière dont elle impose de l’ordre à la vie d’une société. Les droits de l’homme sont d’importance capitale parce que ces droits donnent des critères éthiques à l’état et montrent comment celle-ci doit sauvegarder la justice dans le monde et contribuer à la lutte contre le mal. Les trois concepts de la justice, des droits de l’homme et du gouvernement par la loi sont, en tant que tels, des instruments de la création continuelle de Dieu et du maintien de la vie dans le monde.

Les racines de cette réflexion éthique se trouvent dans l’éthique théologique de Reinhold Niebuhr et de Dietrich Bonhoeffer. [30] Niebuhr a attiré l’attention au fait qu’une éthique raisonnable vise la justice, tandis que pour l’éthique religieuse, l’idéal, c’est l’amour. Les tentatives de résoudre cette tension dans l’éthique chrétienne ont pris deux formes différentes: l’éthique religieuse, avec l’amour comme idéal, s’est exprimée clairement dans la tradition piétiste et dans les autres traditions religieuses. Le fait d’appuyer l’idéal de l’amour a parfois causé l’individu ou le groupe à se retirer du monde. Inversement, l’éthique raisonnable qui vise la justice, tel qu’on peut le voir dans le mouvement œcuménique, encourage les croyants à s’engager dans la société par égard pour leur prochain. Dans le mouvement œcuménique, le motif prophétique a dominé et l’éthique raisonnable qui vise la justice est plus puissant que l’éthique religieuse de l’amour.

L’éthique religieuse de l’amour, selon Niebuhr, fera lever l’idée de la justice et l’empêchera de devenir purement politique, sans élément éthique. L’éthique de Niebuhr a eu un grand impact sur le christianisme social dans le mouvement œcuménique. Son éthique nous rappelle la référence de Bonhoeffer à la “tentation séculariste” qui ferait un parallèle entre le royaume de Dieu et un objectif terrestre quelconque. Par contre, Bonhoeffer voyait le danger de la position évangélique sur l’appel de l’église par rapport à la justice dans la société. [31] Dans sa “position centrale,” le révérend Gudina cherchait justement à trouver cet équilibre entre l’amour et la justice.

Dans l’adresse de Nairobi (1974) il a fait allusion au “contraste entre le concept de la vie traditionnel africain et celui qui vient de l’occident.” Guérir, par exemple, ce n’est pas simplement une question de soins médicaux, mais “il s’agit de la restauration de l’homme à la liberté et à la complétude”: “Dans le ministère de Jésus, nous notons que le pardon des péchés et la guérison du corps, donner à manger à ceux qui ont faim et nourrir spirituellement, s’opposer aux structures déshumanisantes et s’identifier aux faibles - n’ont jamais été divisés ni mis en compartiments différents. Il voyait l’homme comme un ensemble et il était toujours prêt à aider là où le besoin était le plus évident.”

Cette citation rappelle un point de l’adresse qu’il a livrée à Tokyo en 1971. En observant la croissance de l’église d’un point de vue politique, il a souligné que les nouveaux chrétiens “comprennent leur humanité véritable d’une nouvelle manière.” Il a illustré ce point en citant un cas qui a eu lieu à Gemo Gofa: les chrétiens évangéliques s’étaient unis pour amener en justice un propriétaire qui avait pris leur terres. Ils ont plaidé ce cas jusqu’à la cour suprême et ils ont obtenu un jugement favorable.

Dans la “Lettre Pastorale” (1975), où il raisonne à partir de l’éthique théologique, nous voyons une fois de plus la compassion et le souci qu’il avait pour son peuple: “En raison des pauvres, l’église se consacre de nouveau à la vie pour autrui, au service de l’être humain intégral, à la réponse aux besoins physiques et spirituels.” Vu dans ce contexte, ce serait une grossière erreur d’interpréter l’intention de Gudina vis-à-vis de son engagement avec les questions brûlantes du jour comme un acte purement politique.

L’identité et la liberté de l’église africaine

Le révérend Gudina est devenu secrétaire général de l’EEEMY en 1966. A l’époque, elle était en train d’intégrer les programmes et les institutions des agences missionnaires avec lesquelles elle avait un partenariat. Cette tâche s’est officiellement terminée en février 1969. Cependant, L’EEEMY s’est bientôt rendue compte que même si elle dirigeait les choses nominalement, c’était toujours les missions et les agences de donateurs qui contrôlaient l’église par moyen de leur politique budgétaire. Ainsi, le premier grand problème qui s’est présenté à son bureau était celui d’exercer l’intégrité et l’indépendance de l’église par rapport aux missions et aux agences en partenariat.

Cette question a crée une tension difficile et très émotionnelle entre l’église et les missions partenaires, que l’on entrevoit dans le texte de Gudina présenté à la consultation de Hanovre en novembre 1973. C’est là qu’il s’est fortement attaqué à une des missions qui n’avait pas respecté l’intégrité de l’EEEMY. Ensuite, il a posé la question des critères existants pour les donations d’aide. On voit à quel point la situation était sérieuse quand on considère les phrases suivantes: “Ce qui est en jeu, à présent, dans la vie de l’EEEMY, c’est l’identité de l’église nationale…Il faut être clair afin que tous le comprennent: l’EEEMY n’est pas l’agent d’exécution des politiques et des décisions qui sont prises en Europe ou aux Etats-Unis, et l’EEEMY n’est pas prête, non plus, à accomplir l’objectif des organisations internationales qui, apparemment, est contraire à ce qu’elles maintiennent.” [32]

Son argument voulait appliquer les points de base de la lettre de l’EEEMY qui avait été publiée l’année auparavant, et, en tant que tel, c’est un commentaire sérieux sur les politiques des missions et des agences apparentées. Selon son raisonnement, si les choses ne changeaient pas, “le résultat ultime serait un christianisme déformé.” [33]

L’ancien manque d’équilibre - l’héritage du piétisme

La lettre de l’EEEMY et le texte de Nairobi étaient critiques des missions et des agences de donateurs pour le manque d’équilibre qui existait entre la proclamation verbale de l’évangile et les questions de développement. Il se réfère, dans les deux documents, à l’accentuation “ancienne” et “nouvelle.” L’expression “ancienne accentuation,” indique la missiologie traditionnelle des missions protestantes. Les racines de celles-ci remontent aux réveils en Allemagne, en Grande-Bretagne et en Scandinavie, et commencent par le renouveau piétiste allemand, vers 1700, et le renouveau évangélique sous les Wesley en Grande-Bretagne, quelques années après.

Pour les piétistes, le salut de l’individu a toujours été d’importance fondamentale, mais ils ont aussi fait de grands efforts dans les domaines de la santé et de l’éducation. Au niveau théorique, le rapport entre les dimensions évangéliques et sociales de la mission chrétienne a toujours été compliqué, et cela se voit dans l’histoire du piétisme. Le piétisme primitif, qui était formé par des hommes comme Spener, Francke et Zinzendorf, était une “compréhension globale et dynamique du règne de Dieu - dans lequel il ne devrait y avoir aucun divorce entre le salut et la santé, l’âme et le corps, la conversion et la charité.” [34] La “cure d’âmes” et la “cure du corps” dépendaient l’un de l’autre et aucun ministère spirituel ne pouvait ignorer le côté extérieur. Les activités piétistes dans le domaine social venaient de leur théologie. Un point important de leur missiologie: on considérait que l’assemblée des croyants était responsable du domaine des missions. A quelques exceptions près, elles rejetaient tous liens avec les églises de l’état ainsi que leur engagement politique et colonialiste. [35]

Au cours du dix-neuvième siècle il y a eu des contributions importantes par rapport à la compréhension des missions, surtout en Allemagne. [36] Pour tous ces contributeurs, la théologie des missions dépendait de près sur la théologie du salut. L’envergure du salut était le facteur déterminant de l’envergure de l’entreprise missionnaire. Le “motif sotériologique” était au cœur de la missiologie parce qu’il s’agissait de la question la plus fondamentale pour l’homme. [37]

Avec l’arrivée du Siècle des lumières, on a vu la séparation entre le monde public de la politique et le monde privé de la religion et de la morale. Les développements dans l’église occidentale conduisaient de plus en plus à une séparation entre la personne du Christ et son œuvre. Vers la fin du dix-huitième siècle on distinguait le milieu civique et le milieu religieux, et ce fait a eu un certain effet sur la missiologie. [38] Le ministère que l’église exerçait ex cathedra se limitait surtout au travail dans les domaines de la santé et de l’éducation. A l’époque, il aurait été presque totalement inacceptable que les dirigeants politiques remettent en question les structures sociales injustes.

Les sociétés missionnaires qui travaillaient avec l’EEEMY, comme la Mission Hermannsburg (1849), la Mission Evangélique Suédoise (1856), la Société Missionnaire Norvégienne (1842), et plus tard, la Mission Luthérienne Norvégienne (1891), étaient toutes sorties des mouvements de renouveau qui étaient de souche piétiste et de théologie conservatrice. [39] C’est ainsi que le “motif sotériologique” est devenu proéminent dans les églises qui sont nées de leurs efforts.

Du point de vue historique - ou bien selon l’expression de la lettre de l’EEEMY, dans “l’ancienne accentuation” - les domaines techniques, éducatifs et médicaux étaient considérés d’importance secondaire. Ils servaient seulement à accomplir un autre but, ou comme “avenues par lesquelles le message atteindrait les gens.” L’ancienne accentuation est caractérisée par la “fausse piété.” Comme il est admis dans la lettre de l’EEEMY, les missions dépensaient de grandes sommes d’argent sur leurs activités sociales, mais ce fait n’était pas évident dans leurs rapports. Par conséquent, les missions elles-mêmes étaient largement responsables de la situation qui s’était développée.

Souvent, l’évangile n’était pas compris comme la bonne nouvelle pour la personne intégrale, et on donnait au salut une interprétation individuelle étroite qui était étrangère à notre compréhension du rapport Dieu/homme…Dans le passé, les missions n’ont pas prêté l’attention qui convient aux besoins matériels et physiques de l’homme et se sont seulement souciées du salut des âmes, faisant très peu pour changer le fonctionnement d’une société. [40]

Les missions, qui ont largement gardé le silence sur ces questions à la fois en Europe et dans le champ missionnaire, ont été obligées de se demander si l’église elle-même n’avait pas servi comme instrument de l’oppression. “Est-ce que l’église s’est tellement affairée à sauver les âmes qu’elle a ignoré les besoins matériels et politiques de l’homme? Est-ce que cela n’a pas amené à l’idée que la conduite chrétienne idéale est celle de la servitude passive, laissant ainsi le champ ouvert au colonialisme?” [41]

On pourrait se demander, cependant, si la lettre de l’EEEMY n’en dit pas trop. La recherche de l’auteur sur les effets à long terme de l’œuvre des missions et des églises en Ethiopie, et plus particulièrement sur l’effet qu’elle a eu sur la compréhension des droits de l’homme et de la dignité humaine, indique que les pensées et les attitudes des gens ont énormément changé. Ce fait est reconnu dans la “Lettre Pastorale” qui a paru trois ans après: “Par moyen de ses services éducatifs, médicaux et autres, l’EEEMY a contribué de manière importante au développement de l’Ethiopie, et en même temps, elle a préparé les gens au changement.” [42]

Le nouveau manque d’équilibre - l’héritage du modernisme

Au cœur de la tradition prophétique de l’Ancien Testament, on trouve la justice sociale. Amos et Jérémie pouvaient lancer le défi aux rois parce qu’ils avaient foi commune avec eux. L’église primitive se trouvait en position différente, car elle était, au mieux, tolérée, et au pire, persécutée. Les chrétiens ont donc adopté l’idée que le Nouveau Testament s’intéresse surtout aux choses spirituelles. Cependant, la dimension innée de la justice dans le Nouveau Testament se trouvait, en partie, dans la métaphore et dans la symbolique. [43] Quand le christianisme est devenu la religion dominante de l’empire romain au quatrième siècle, la nouvelle situation a donné lieu au compromis, surtout dans le domaine de la justice sociale.

La philosophie du Siècle des lumières a mis l’accent sur les capacités du raisonnement. La séparation de l’être humain de son environnement lui a permis de jeter un regard objectif et scientifique sur le monde. On a éliminé l’ancienne idée que la création existait pour une raison et on commencé à penser que l’homme pouvait en fait contrôler son destin lui-même. L’homme a donc commencé à croire fermement au progrès. [44]

Ces idées ont amené à la création d’une sotériologie alternative, une compréhension du salut dans laquelle l’homme est agent actif et responsable qui se sert de la science et de la technologie pour réaliser l’amélioration matérielle et le changement sociopolitique. En 1928, au congrès de Jérusalem, l’idée d’une approche compréhensive du salut s’est formée. Depuis les années 1960, le mouvement œcuménique s’engage de plus en plus au développement, et dans l’assemblée de la FME (WCC) à Uppsala (1968), et le congrès de la CWME à Bangkok (1973), le salut à été défini en termes exclusivement séculiers. [45]

La déclaration de la réunion de Bangkok déclarait que: “…les luttes pour la justice économique, pour la liberté politique et pour le renouveau culturel comme éléments de la libération totale du monde à travers la mission de Dieu…” doivent avancer. La question du développement a amené aux questions sur le fondement théologique de la mission de l’église. On cherchait, dans ce contexte, une “théologie du développement.” Par conséquent, il y a eu une croissance de l’intérêt théologique porté aux questions de la justice, du pouvoir, de l’utilisation de la violence, de la domination, des droits de l’homme et de la dépendance économique.

De plus en plus, le besoin de participation au processus de développement a été considéré comme un facteur clé. Les églises ont commencé à donner la primauté à trois objectifs interconnectés: la croissance économique, l’autogestion, et la justice sociale - et la justice sociale prenait le dessus. Au début des années 1970, l’approche intégrale dans laquelle l’aspect humain du développement était souligné, a pris la place d’honneur: “Les gens ne demandent pas seulement à manger; ils demandent, et ils ont aussi besoin, de la liberté, de la dignité, de la justice, et de la participation. Ce qu’ils veulent, c’est le développement humain intégral.” [46]

Gudina reconnaissait certains points discutés dans les forums œcuméniques, et les intégrait ouvertement à sa théologie, mais il appelait l’attention au “nouveau déséquilibre.” Dans la “nouvelle accentuation,” qui était représentée dans les forums œcuméniques et par les agences de donateurs, la proclamation de l’évangile était de plus en plus marginalisée. Le service chrétien était pratiquement devenu une fin en soi. Ce “nouveau déséquilibre,” selon la lettre de l’EEEMY, était considéré comme une réaction à la culpabilité qui a été ressentie quand l’injustice et l’exploitation du colonialisme a fait surface. Mais la nouvelle accentuation, dans laquelle le vrai ministère du service était vu comme une fin en soi, s’est avérée aussi destructive pour l’église africaine que l’ancienne. Elle se caractérisait par une réaction exagérée aux anciennes erreurs et par une “tendance néo paternaliste que l’on retrouvait dans les critères et les procédures de sélection pour les demandes ainsi que dans les contrôles de la mise en œuvre.” Les agences de donateurs étaient en train d’obliger l’église africaine à suivre des priorités qui n’étaient pas les siennes. Pour l’EEEMY, cette accentuation imposait le même genre de dichotomie qui avait été présent dans les approches traditionnelles, et elle amenait, en fin de compte, au christianisme déformé. L’EEEMY a donc posé une question perspicace: “Pourquoi donc faut-il que le développement historique et théologique occidental soit le seul facteur déterminant dans le rapport d’entraide entre les églises plus anciennes et les églises plus jeunes?”[47]

Les capacités extraordinaires du révérend Gudina se voient quand on considère l’approche qu’il a eue vis-à-vis des missions et des agences. Il a su analyser la situation en profondeur, formuler les questions pertinentes et penser à l’ensemble de manière théologique. On voit une fois de plus cette capacité rare quand on considère l’approche qu’il a eue aux questions brûlantes de la révolution.

Le défi de la révolution

Gudina Tumsa en dialogue critique avec le marxisme et le socialisme

Les églises qui doivent confronter les formes diverses du marxisme et du socialisme en divers contextes culturels semblent réagir, en général, de quatre manières différentes: le retrait, le conformisme, l’opposition, ou l’engagement critique. Il est évident que Gudina Tumsa a choisi la dernière des quatre, mais il a aussi clairement établi des normes pour l’engagement critique du socialisme éthiopien. [48]

Le retrait: le modèle hérité par la mission aurait été celui du retrait fondé sur une attitude apolitique et sur le refus d’un engagement d’ordre institutionnel. Selon la critique de la missiologie traditionnelle de Gudina, cette option aurait comme résultat l’aliénation de la société.

Le conformisme: semblerait être la réaction la plus naturelle de la part d’une église qui connaît la culture politique autoritaire et qui dépend de la bienveillance du monarque. C’est de toute apparence l’option qui a été choisie par l’église pendant la présidence de Francis Stephanos, lorsqu’il a participé, en 1986, à la rédaction de la nouvelle constitution, et en 1987, quand il a été élu membre du parlement. Cette politique a apparemment été adoptée par la FLM (LWF) quand, après 1985, elle n’a rien dit par rapport aux violations grossières des droits de l’homme.

L’opposition: était évidemment une possibilité en vue de la philosophie athée du gouvernement et de sa persécution des églises.

Le dialogue critique: En fait, la position de Gudina Tumsa était celle de l’engagement critique mais positif de la révolution qui était en cours. Le fondement du dialogue critique avec le gouvernement et le processus révolutionnaire avait été posé par la théologie holistique. Une des conséquences de cette approche théologique, c’est que la signification du concept du péché s’élargit et comprend les structures sociales qui emprisonnent l’homme et l’abusent. La tâche prophétique vis-à-vis des questions de la droiture et de la justice dans la société était devenue une question importante à la veille de la révolution éthiopienne, et se voit dans la lettre de l’EEEMY au gouvernement impérial par rapport à la question des terres. Gudina Tumsa offrait au gouvernement socialiste la coopération de l’église pour certains critères.

Néanmoins, l’état socialiste de Mengistu n’était pas prêt à laisser à qui que ce soit la possibilité de définir leur vision politique ni de leur permettre de la pratiquer indépendamment de la structure du pouvoir de l’état. Par conséquent, on pensait que Gudina Tumsa établissait la position de l’église pour faire la compétition au gouvernement socialiste et au parti socialiste.

Une question de justice, de droits de l’homme et de l’autorité de la loi

La première déclaration de l’EEEMY concernant le changement révolutionnaire était sous forme de lettre adressée au gouvernement en mai 1974. Cette lettre soutenait l’établissement d’un état séculier qui pouvait garantir l’égalité des droits aux groupes religieux. [49] La lettre, en fait, est une déclaration radicale très importante sur le plan politique et idéologique. Un an plus tard, en 1975, la “Lettre Pastorale” donnait à l’EEEMY une voix dans le milieu public. L’église était prête à aller loin dans le domaine de la participation active tant qu’elle pouvait avancer la bienveillance du peuple. “En raison des pauvres,” (origines paysannes, prolétaires) “l’église se consacre de nouveau à la vie pour autrui,” (elle est toute aussi désintéressée qu’un militant socialiste) “au service de l’être humain intégral, à la réponse aux besoins physiques et spirituels” (l’église ne sera pas reléguée au ghetto culturel où elle ne répondrait qu’à des besoins religieux privés.) [50]

Gudina Tumsa comprenait que si on prend la perspective socialiste au sérieux en tant que défi politique, l’église peut servir d’exemple à l’état et être paradigmatique pour le besoin de la société. Voilà pourquoi il a élargi son approche holistique au point de comprendre la dimension politique. Cependant, le point critique de la lettre, c’est la question de la justice. “[L’église] aspire à la justice, au respect des droits de l’homme et à l’autorité de la loi…” Pour la première fois dans les écrits du révérend Gudina, le concept de la justice est appliqué par rapport à la question du pouvoir. Il a suivi les conséquences de l’holisme jusqu’au bout, et a basé son raisonnement théologique sur la théologie de la création et de l’incarnation:

La théologie holistique, c’est une tentative de redécouvrir la vie humaine dans son ensemble. La vie apolitique n’a aucun mérite, et le retrait est une renonciation de la bonté de la création et de la réalité de l’incarnation…Ce qui est répandu dans notre continent, c’est la base de la définition de la politique économique, du développement agricole, des relations extérieures: “C’est la politique qui décide de qui vivra et de qui mourra.” Il faut que la théologie africaine développe une théologie politique qui est pertinente à la vie politique africaine. [51]

Ces déclarations de portée considérable étaient clairement alignées avec les développements principaux du mouvement œcuménique de l’époque. Elles ont été formulées quelques mois seulement avant l’assemblée générale de la FME (WCC) qui a eu lieu à Nairobi en novembre 1975. Dans ces réunions, il y a eu une percée: la priorité accordée aux droits de l’individu a été remplacée par la priorité accordée aux droits sociaux et collectifs. [52]

On peut aussi voir ces déclarations comme une critique de l’interprétation traditionnelle luthérienne de la doctrine des deux royaumes. Si la vie et la société sont divisées en deux sphères, la justice et les droits de l’homme se retrouvent en dehors de la sphère de l’évangile et deviennent une question purement séculaire. Par contre, si la vie et la société restent un dans une conception globale, alors tout ce qui fait partie de l’expérience humaine est lié à l’évangile. [53] On peut comprendre ces déclarations comme des manifestations d’une compréhension du rôle de l’église qui la voit engagée dans le domaine de l’action sociale du genre politique. Mais si on considère les réponses et les actions du révérend Gudina de l’époque, on retient une compréhension plus modérée de ce que la théologie politique (qui est pertinente à la vie politique africaine) peut être. [54]

Deux points semblent venir à la surface: le premier se voit surtout dans la réponse du révérend Gudina à la politique sociale et économique du gouvernement révolutionnaire. Sur ce point, il a proposé une nouvelle politique de l’église concernant la question du développement et de la croissance. [55] Cette action implique la critique des politiques de développement des missions ainsi que la politique de l’église qui permet la croissance des grandes institutions qui sont impossibles à contrôler. Le deuxième point est lié à la question de l’idéologie athée qui est en conflit avec sa foi chrétienne.

Une question de vie ou de mort pour l’église

Etant donné la réalité sérieuse de l’Ethiopie socialiste émergente, le révérend Gudina considérait qu’il était absolument nécessaire de faire en sorte que l’église devienne plus Ethiopienne. Pour lui, c’était une question de vie ou de mort. Là encore, on voit comment il était capable d’analyser une situation et de se concentrer sur les points critiques: l’argent et le pouvoir. [56] Il reconnaissait à quel point l’EEEMY dépendait des missions et qu’il fallait garder le contact avec elles pour bien partager les ressources. Sa critique était plus généralement faite par rapport aux principes, à la compréhension de la “mission,” par exemple, et encore plus sur les questions du salut, de la justice, et de complétude humaine. Par conséquent, il a lutté fort pour établir l’indépendance de l’EEEMY vis-à-vis des nouvelles formes de paternalisme. [57 Il se rendait compte, aussi, que l’église ne serait jamais libre tant qu’elle dépendait des donations qui venaient de l’étranger et non pas sur les ressources de son propre peuple. Ces questions ont fait surface lors du débat important sur le “moratoire” qui a eu lieu dans l’EEEMY de 1974 jusqu’en 1976.

Le “moratoire” était devenu un slogan mondial lors de la CWME à Bangkok en 1973, et provoquait le débat partout en Afrique à cause de l’appel fait par l’assemblée de Lusaka, du congrès des églises de l’Afrique entière, en 1974. Le moratoire en question voulait qu’il y ait un arrêt temporaire de tous fonds et de tout personnel étrangers. Il a été proposé afin de permettre aux “églises missionnaires” de trouver l’identité et le fonctionnement qui leur était propre, sans intervention de personnel étranger. Il avait été proposé que le moratoire ait lieu pour une période de cinq ans.

Gudina a rejeté l’idée du moratoire pour des raisons pratiques et théologiques. [58] Il ne doutait pas que l’EEEMY “puisse se libérer de toute sorte de domination étrangère.” L’argument théologique était le suivant: l’église est universelle, et l’église nationale fait partie de l’église universelle - elles dépendent donc forcément l’une de l’autre. A l’époque, l’EEEMY avait toujours besoin de l’aide des églises sœurs étrangères. Même si la réponse de l’EEEMY à la question du moratoire était en principe négative, le révérend Gudina voulait que l’église soit moins dépendante des ressources étrangères. Il a vu clairement qu’il était insuffisant de faire la critique des critères d’aide, car cela n’amenait à rien. Il fallait plutôt que l’EEEMY prenne sa propre situation en main. Il a donc proposé dix mesures à suivre, allant des questions de l’identité théologique et de la louange jusqu’à l’identité économique et l’activité missionnaire.

Dans les deux mesures principales, Gudina proposait de réduire le nombre d’employés au bureau central et de réduire le montant des salaires d’employés de l’église en général. Il voulait que les pasteurs et les évangélistes soient employés par les assemblées et non pas par les synodes, car c’est ainsi que l’assemblée deviendrait l’unité administrative fondamentale de l’église. Cette proposition a complètement remis en question la structure de l’EEEMY. Au fil des années, le nombre d’employés et le barème des salaires avaient évolué de manière à rendre la possibilité d’autonomie quasiment impossible. L’église dépendait entièrement de l’aide étrangère, et les employés étaient aliénés des autres membres de l’église.

C’est dans son “Mémorandum” que le révérend Gudina a mis la question au point. Il est important de noter que son argument de base fait référence au rôle prophétique de l’église dans la société. Il voulait interpréter les signes des temps et aussi, par moyen du témoignage de l’église, rappeler au gouvernement que certaines questions étaient importantes pour la vie de l’église ainsi que pour le pays en général. Entre autres, les temps demandaient que l’on “favorise une révision dramatique des pratiques de la rémunération.” L’argumentation de Gudina procédait de la théologie holistique, et il voyait l’église comme un exemple pour les autres: “Voilà ce que cela veut dire, être l’église pour autrui…A mon avis, c’est le prix à payer si on veut être disciple de l’évangile et servir d’exemple au pays.” [59] Le comité exécutif a poursuivi la question par la résolution suivante: “Aucune église ne peut se permettre d’avoir une existence qui est séparée de celle de son pays…Il faut donc que l’église fasse des efforts sacrificiels pour arriver à être autonome en général et financièrement en particulier.” [60] Par conséquent, l’assemblée générale qui s’est rencontrée à Najjoo en 1976 a décidé d’adopter une baisse progressive du soutien extérieur, dans le but d’arriver à l’autonomie financière en vingt ans, c’est-à-dire, en 1996!

La foi ou l’incroyance? Le conflit fondamental de la foi

Gudina Tumsa a limité le défi du socialisme au domaine politique. La “Lettre Pastorale” (1975) s’exprimait clairement sur les limites des réclamations idéologiques totalitaires de la philosophie athée et du socialisme scientifique: “On ne peut pas considérer qu’une idéologie quelconque soit absolue. L’allégeance complète revient à Dieu et à Dieu seul.” [61] Dans le texte majeur sur “L’incroyance” qu’il a lu à l’assemblée générale de Najjoo en 1976, Gudina a fait le point sur le conflit essentiel qui existe entre l’interprétation chrétienne et l’interprétation athée de l’homme et de l’humanité:

L’homme est crée à l’image de Dieu, et il en découle la liberté, la créativité, l’honneur et la dignité. Avoir une compréhension résolue du monde et une compréhension matérialiste de l’homme, c’est renier certains éléments essentiels de la science et de la nature humaine…Le témoignage le plus efficace vis-à-vis de l’incroyance, c’est une vie vécue par la foi.

L’opposition violente du révérend Gudina à son frère Baro lors de cette même assemblée donne un résumé de la base de sa critique de l’idéologie marxiste:

Il faut comprendre qu’il ne peut y avoir ni réconciliation ni compromis entre le matérialisme et ce que croit l’église. Le marxisme-léninisme et l’église ne pourront jamais être amis. Le matérialisme réfléchit et vit à partir de ce qui est en bas, à partir de la matière, mais l’église vit de l’Esprit de Dieu, qui vient d’en haut. [62]

En 1976, un forum oecuménique pour les églises en Ethiopie a été établi, le Conseil pour la Coopération des Eglises en Ethiopie (CCCE, soit: Council for Co-operation of Churches in Ethiopia). L’église catholique a participé activement, et de bons contacts ont été établis avec l’église orthodoxe éthiopienne. Le révérend Gudina a été élu premier président du conseil. [63] Ce forum a été crée pour former une opposition concertée au conflit fondamental de la foi qui viendrait inévitablement du changement de politique idéologique du gouvernement. Le forum se voulait aussi être défenseur du croyant contre l’oppression de l’état par rapport au droit de l’homme fondamental de la liberté religieuse. Dans le conflit, il fallait que les églises aient un front commun et qu’ils aient une même voix. C’est par intérêt profondément spirituel qu’il a écrit ceci dans son “Mémorandum” de 1975:

L’évangile de Jésus Christ, c’est le pouvoir de Dieu qui sauve tous ceux qui y croient. C’est le pouvoir qui sauve de la condamnation éternelle, [qui libère] de l’exploitation économique, de l’oppression politique, etc. En vue de sa dimension éternelle, l’évangile ne pourrait jamais être remplacé par les diverses idéologies que l’homme a su inventer au fil des siècles. C’est la seule voix qui parle d’un Père aimant qui a donné son Fils en rançon pour beaucoup. Elle parle du pardon des péchés et de la résurrection du corps…on n’abandonne pas un tel trésor (Matthieu 13:4). [64]

L’idéologie athée du gouvernement qui était en train de se développer a beaucoup servi à motiver le nouveau conseil. Le CCCE venait juste d’être formé lorsque l’église éthiopienne orthodoxe a soudainement coupé tout contact sans donner de raison. [65] Lors de la première arrestation du révérend Gudina, en octobre 1978, l’interrogation s’est concentrée sur le CCCE, parce que le gouvernement soupçonnait qu’il avait créé une opposition. [66] L’expérience de la CCCE sert à illustrer les limites de la théologie holistique dans la situation que vivait l’Ethiopie en 1978. Même pour une question qui était centrale à la vie des églises, la question de la survie de la foi, il s’avérait qu’il était impossible d’en parler par rapport à la politique du gouvernement.

L’église comme sujet des forces du mal

Gudina Tumsa était très conscient du danger qui accompagnait tout ce qui allait au-delà des activités établies du témoignage et du service. L’église a tendance à croire que si elle accomplit l’œuvre du Seigneur, tout ira bien, tout est sain et sauf. Elle semble oublier que les éléments démoniaques sont à l’œuvre dans chaque événement: “Il est vrai qu’une définition contextuelle d’un ministère responsable de l’église est toujours une entreprise à risques, parce que dans chaque situation et dans chaque événement, les éléments démoniaques ainsi que les éléments divins sont à l’œuvre.” [67] On trouve dans cette dernière citation l’écho d’un point qui se trouve dans la déclaration de Barmen formulée par le théologien réformé Karl Barth. S’il est possible que l’église participe à la lutte menée par Dieu contre les forces du mal et leurs effets dans le monde, elle a besoin d’être consciente du point auquel elle peut être l’objet des forces du mal dans une situation donnée. [68]

Il est important de noter le fait que quand il parle du démoniaque, il souligne ce qu’il a à dire avec une citation pertinente du canon Burgess Carr, qui était à l’époque secrétaire général du congrès des églises de l’Afrique. Carr avait prévenu les églises qu’elles risquaient d’être utilisées par les gouvernements africains, tout comme les pouvoirs colonisateurs s’étaient servis des missionnaires. Si cela arrivait, la vocation prophétique de l’église et ses responsabilités auprès des nations africaines seraient perdues. La crédibilité et l’intégrité des églises en Afrique seraient sérieusement mises en péril. La pertinence de son avertissement a été mise à l’épreuve lorsque le gouvernement a invité les groupes religieux à un colloque en mars 1978. Le révérend Gudina n’a pas accepté l’invitation par crainte que le colloque serait exploité pour les fins du gouvernement. Comme il l’avait prédit, le colloque était une tentative organisée par le gouvernement pour tenter d’unir les communautés religieuses sous son pouvoir. [69] Six mois plus tard, au mois d’octobre, le révérend Gudina a été arrêté.

Une perspective de vingt ans

Du dialogue critique à la conformité

Ce qui a été vécu pendant la révolution a éventuellement influencé l’interprétation de l’église de la théologie holistique dans le contexte éthiopien. Rappelons ces développements:

Le destin du révérend Gudina: Lors de la recherche entreprise par l’auteur sur les raisons de l’exécution de Gudina Tumsa, la rumeur et la spéculation ont été rencontrées, surtout par rapport à son engagement présumé dans la soi disante question des nationalités. Il faut savoir que le révérend Gudina avait une base approuvée et légale, qui avait été établie par une proclamation du gouvernement, pour s’engager dans les débats sur la question des nationalités. Quand Mengistu s’est dirigé vers la centralisation politique traditionnelle en juillet 1977, tout engagement semblable est devenu criminel. Cependant, le révérend Gudina n’était pas considéré ennemi du gouvernement jusqu’à l’automne de 1978, lorsqu’il a refusé de coopérer avec Mengistu, contrairement aux dirigeants des communautés de l’église chrétienne orthodoxe et musulmane, qui l’avaient accommodé. La question des nationalités a donné au gouvernement le prétexte dont ils avaient besoin pour le tuer, mais il semble que son opposition au régime pour des raisons idéologiques et morales était plus importante. [70]

On voit dans son dernier document de juillet 1979 qu’il avait établi des normes éthiques élevées comme fondement pour la coopération avec le gouvernement éthiopien. La communauté internationale considérait que ce gouvernement enfreignait brutalement les droits de l’homme. Gudina Tumsa voyait que la coopération avec un gouvernement pareil limiterait sa liberté de dire la vérité lorsqu’il était question de justice et de préservation des droits de l’homme. Autrement dit, la coopération augmenterait le risque de devenir outil d’un gouvernement injuste. Le révérend Gerd Decke, qui a fait l’analyse du dialogue critique qui a eu lieu entre Gudina Tumsa et le régime marxiste, a fait le point sur la question:

Il est très clair qu’une dictature socialiste ne pouvait pas accepter le défi de Gudina Tumsa au niveau idéologique (théologique, philosophique), ni au niveau pratique (entraide sociale, développement), ni au niveau institutionnel (politique). Ils avaient besoin d’essayer de convaincre un homme pareil que leur vision politique et idéologique était acceptable, ou alors, d’éliminer sa position indépendante. Leur traitement brutal de ceux qui s’opposaient à eux, ainsi que le fait qu’il n’était pas disposé au compromis sur les questions de vérité et de fidélité à la foi ont amené à sa mort tragique et prématurée. [71]

La persécution des églises évangéliques: Il suffira peut-être de rappeler aux lecteurs quelques faits de base. Entre 1978 et 1991, plus de 2.500 églises évangéliques ont été fermées. L’église Kale Hiwett (KHC) a vu la fermeture de 1.700 églises et l’EEEMY, 540. Cependant, les assemblées de Wallagga sont plus nombreuses que les assemblées du KHC, et ces églises ont été fermées pendant plus longtemps. Il est possible que le nombre de personnes engagées n’ait pas beaucoup varié. En plus, il y a eu l’emprisonnement et la torture d’un grand nombre d’employés de l’église et de ses membres. [72]

La baisse de la théologie holistique: En considération des expériences de la révolution, les officiers de l’EEEMY ont décidé en mars 1986 d’accepter de participer à la rédaction de la nouvelle constitution, par invitation du gouvernement. En avril 1987, le président de l’EEEMY a été élu membre du Shengo National. [73] Il semble que ces événements représentent un changement de politique dans l’attitude de l’EEEMY vis-à-vis du gouvernement.

Le débat œcuménique sur la missiologie

Le mouvement œcuménique, qui représente la plupart des églises nationales, et le mouvement de Lausanne, auquel appartiennent beaucoup de missions, ont beaucoup cherché à résoudre l’énigme du rapport entre l’évangélisation et la responsabilité sociale. Une des tentatives consiste à faire une distinction entre deux mandats différents. [74] En exemple, le cinquième paragraphe de l’alliance de Lausanne affirmait que “l’évangélisation et l’engagement sociopolitique font tous les deux partie de notre devoir chrétien.” [75] La dichotomie, cependant, n’a pas été surmontée avant la consultation de la World Evangelical Fellowship (WEF, soit l’association mondiale évangélique) qui a eu lieu à Wheaton, Illinois, aux Etats-Unis, en 1983, et qui avait pour thème unique, “La réponse de l’église au besoin humain.” Cette consultation a donné la première déclaration officielle de la part d’un congrès évangélique international qui semble avoir pu résoudre la dichotomie qui existe entre les deux mandats: “Le mal existe non seulement dans le cœur humain mais aussi dans les structures sociales…La mission de l’église, c’est de proclamer l’évangile et de le mettre en pratique. Il faut donc évangéliser, répondre aux besoins humains, et appuyer la transformation sociale.” [76]

Depuis environ 1975, la mer est étale de manière semblable, mais dans la direction opposée, à la fois dans les milieux œcuméniques et dans l’église catholique. [77] Aujourd’hui, les évangéliques et les œcuméniques comprennent trois choses mieux qu’avant: l’étendue du mal dans le monde, le fait que l’homme est incapable d’établir le royaume de Dieu, et le besoin du renouveau personnel par l’Esprit de Dieu accompagné de la détermination d’engager le débat vis-à-vis des structures de la société. [78]

Suite à la deuxième guerre mondiale, il y a eu, dans ces milieux, un changement dans la perception de la réalité que l’on pourrait caractériser par les termes “holistique” et “œcuménique.” [79] Si l’œuvre du révérend Gudina est analysée du point de vue de la théologie systématique, il est évident qu’il s’est débattu avec les questions centrales du débat international. De bien des façons, sa théologie était un amalgame de l’héritage piétiste missionnaire, de la réflexion œcuménique - et, enfin et surtout, de son héritage chrétien africain.

Le prix du disciple chrétien

La théologie de la lettre de l’EEEMY, dont le thème a été développé ailleurs dans l’œuvre de Gudina, souligne l’importance de la question des rapports de pouvoir sur le fond de la nature pécheresse de l’homme. La volonté de l’homme, elle aussi, est asservie - et on en voit les conséquences dans “le racisme, l’oppression et la corruption,” ainsi que dans le néo paternalisme des agences missionnaires occidentales et l’injustice des structures de l’état. Par conséquent, l’homme et l’église sont vulnérables, dépendants, et incapables de prendre leur propre développement en main.

Les théologies de la libération de l’Amérique Latine, préconisées par des théologiens comme Gutierrez et Segundo, ont attiré l’attention aux mêmes questions en déclarant que le “développementalisme” ne s’attaquait pas aux sources du mal dominant. [80] “Son obsession avec le rationalisme et sa croyance à l’efficacité et à l’évolution l’ont aveuglé aux pouvoir intégral de la culture et de l’homme.” L’ennemi, ce n’était pas la nature humaine, ni l’ignorance du savoir-faire technologique, mais la structure du pouvoir humain qui exploitait et détruisait l’humanité du prochain. [81] En fin de compte, on peut revenir à la déclaration puissante du révérend Gudina, déjà citée ci-dessus, et selon laquelle, pour chaque situation et dans chaque événement, le pouvoir divin ainsi que le pouvoir démoniaque est à l’œuvre. [82]

Quel a été le résultat? Au niveau des agences de donateurs de l’église, il s’est avéré que les créateurs occidentaux du développement ne voulaient pas, et ne pouvaient pas, faire de transferts de pouvoir. Au sein de l’EEEMY, on a ignoré la plupart des conseils prophétiques du révérend Gudina. Au niveau de l’état, il y a eu l’exécution du révérend Gudina. Dans l’histoire de l’EEEMY, sa mort servira toujours à rappeler le prix potentiel de l’engagement à tous les niveaux de la théologie holistique. L’approche intégrée de Gudina Tumsa au développement humain et sa théologie de l’amour et de la justice pourront servir de guide à l’église lorsqu’il s’agit de réfléchir davantage à la tâche de l’église dans un continent ravagé par le conflit et la grande souffrance. Ses dernières paroles, prononcées le jour avant sa mort, pourront peut-être servir à résumer ce qu’il avait affirmé: “Quand on est appelé à suivre le Christ, on est appelé à mourir. Cela veut dire que le sens de la vie de quelqu’un prendra une autre direction, celle de la mort des désirs personnels, et celle de la satisfaction qui vient de vivre pour, et de servir, celui qui est mort pour nous et qui est ressuscité d’entre les morts. (II Corinthiens 5:13-14)”

Øyvind M. Eide


Notes:

  1. Entretien avec Krause, le 13 février, 1991. Voir Eide, 2000: 175-178.

  2. Eide, 2000: 175-179.

  3. Jusqu’en septembre 1978, l’église s’appelait Evangelical Church Mekane Yesus en Ethiopie (ECMY). Ensuite, le nom officiel a été changé pour devenir Ethiopian Evangelical Church Mekane Yesus (EECMY). Les références à l’église, si elles ne sont pas en citations directes, se feront selon la désignation courante. [EECMY, soit EEMY].

  4. Le titre complet de la lettre: “Sur le rapport entre la proclamation de l’Evangile et le développement de l’homme.” La lettre est signée: le 9 mai, 1972. Les références à ce document ci-dessous seront désignées “la lettre de l’EEMY.” La lettre est publiée dans Eide, 2000: 263-268.

  5. Voir la bibliographie.

  6. Paul Hoffman et Gunnar Hasselblatt ont fait la première rédaction de la “Lettre Pastorale,” qui a ensuite été discutée dans un groupe. Gudina Tumsa a écrit la déclaration finale avant de la présenter aux officiers de l’église. [lettre de] Hoffman à Eide, 13.03.2001.

  7. Selon sa famille, la date serait 1929. Il y a encore quelques questions sur la date exacte de la naissance de Gudina Tumsa. Voir Eide, 2000: 59, n:22.

  8. L’expérience des gens de Wallagga est discutée en profondeur dans Eide, 2000: 40-53, 71-94.

  9. Sanneh, 1989:2.

  10. Pour apprécier pleinement ce récit, voir les deux volumes de Gustav Aren, publiés en 1978 et en 1999.

  11. Bakke, 1987:152.

  12. [Lettre de] Joddock et Everson à Eide, 19.10.1999.

  13. La référence est au livre de Niebuhr, Moral Man and Immoral Society [L’homme moral et la société immorale], (1932, 1960). Selon le dr. Knud Jorgensen, le révérend Gudina faisait souvent référence à Reinhold Niebuhr dans les discussions. [Lettre de] Jorgensen à Eide, 13.01.2001.

  14. L’exemple le plus frappant de la nouvelle attitude luthérienne d’après-guerre était celui de son opposition à l’apartheid en Afrique du Sud.

  15. Voir Grosc (1971) Sent Into the World [Envoyés dans le monde] Evian, 1970, et Leissner et al. (1978) A Lutheran Reader on Human Rights, LWF Report [Recueil de textes luthérien sur les droits de l’homme, rapport de la LWF].

  16. Bosch, 1991:371-372.

  17. Birgitta Kok, Archives de la LWF, à Eide, 05.02.2001.

  18. Pour les débats, voir Bosch, 1991:368-520, Stott, 1996:114-165.

  19. On trouve une présentation de l’EEEMY dans la révolution éthiopienne dans Eide, 2000:95-262.

  20. Eide, 2000:105.

  21. “Mémorandum” (1975), publié dans Eide, 2000:277sqq.

  22. Pour l’herméneutique de Niebuhr par rapport à la théologie pratique, voir Browning, 1991:140-165. Browning fait référence aux deux volumes de Niebuhr, The Nature and Destiny of Man [La nature et le destin de l’homme] (1941-1943). C’est, en principe, le même modèle utilisé par les théologiens de la libération de l’Amérique latine, tels que Gustavo Gutierrez et Leonardo Boff.

  23. Gudina Tumsa, Tokyo (1971).

  24. Oscar Nydal (1973) et Jürgen Wesenick (1974) ont fait des recherches approfondies. Voir Eide, 2000:71-84.

  25. Lettre de l’EEEMY (1972) dans Eide, 2000:263-268.

  26. Lettre de l’EEMEY (1972) dans Eide, 2000:265.

  27. Lissner, 1978:45a; Eide, 2000:65-67.

  28. Gudina Tumsa, Nairobi (1974).

  29. Gudina Tumsa, “Serving the Whole Man,” Nairobi, 1974.

  30. Tergel, 1998:44.

  31. Niebuhr, 1960:74; Browning, 1991:96sqq; Bosch, 1991:403.

  32. Gudina Tumsa, Hanover (1973).

  33. Lettre de l’EEEMY (1972) dans Eide, 2000:267.

  34. Bosch, 1991:254.

  35. Berentsen, 1990:37, 50. En particulier, la distinction est claire dans la théologie du Comte de Zinzendorf.

  36. Comme exemples, on pourrait mentionner: W. Löhe (1808-71), Th. Kliefoth (1810-95), G. Thomasius (1802-75), M. Kahler (1835-1912), et, en particulier, G. Wameck (1834-1910).

  37. Bosch, 1991:393.

  38. Voir K. Hertz, (1976) Two Kingdoms and One World, A Sourcebook in Christian Ethics [Deux royaumes et un monde, un recueil de ressources pour l’éthique chrétienne] Minneapolis. Selon le révérend Tasgara Hirpo, ce livre a influencé Gudina Tumsa à l’époque. [Lettre de] Tasgara Hirpo à Eide, 02.02.2001.

  39. Les noms importants à noter à ce sujet sont Louis Harms, en Allemagne, et C.O. Rosenius, en Suède; voir aussi Aren, 1978:105-126.

  40. Lettre de l’EEEMY (1972) dans Eide, 2000:266.

  41. Lettre de l’EEMEY (1972) dans Eide, 2000:266.

  42. “Lettre Pastorale” (1975), dans Eide, 2000:269.

  43. Pour le débat sur “La mission comme quête de justice” voir Bosch, 1991:400-408.

  44. Bosch, 1991:262sqq.

  45. Bosch, 1991:396.

  46. Itty, IDOC, International Bulletin No. 8 1974:113-114. Voir aussi Eide, 2000:69-70.

  47. Lettre de l’EEEMY (1972), dans Eide, 2000:267.

  48. Decke, 2001:8.

  49. Eide, 2000:115-116.

  50. Decke, 2001:10.

  51. Gudina Tumsa, “Mémorandum” (1975) dans Eide, 2000:277.

  52. Herz, 1976; Tergel, 1998:233.

  53. Tergel, 1998:266.

  54. Pour une discussion sur cette question, voir Stott, 1996:165-210.

  55. Eide, 2000:122.

  56. Duchrow, 1977:33 sqq. Il lutte, à ce point, avec un problème qui est semblable à celui des théologiens de la libération de l’Amérique Latine, qui avaient formulé une théorie de la dépendance. Selon celle-ci, les ordres nationaux et internationaux ne sont pas équilibrés, mais ils forment un modèle dans lequel la périphérie est contrôlée par le pouvoir au centre.

  57. Gudina Tumsa, Hanovre 1973.

  58. Gudina Tumsa et Paul E. Hoffinan, “Le débat du Moratorium,” Assemblée Générale de l’EEMY 1976.

  59. “Memorandum” (1975) dans Eide, 2000:278.

  60. Compte-rendu du comité exécutif de l’EEEMY, 19-24 août 1975:26. 21-25 octobre 1975:28.

  61. Gudina Tumsa, “Lettre Pastorale” dans Eide, 2000:269-270.

  62. Eide, 2000:127.

  63. Eide, 2000:127-128.

  64. Gudina Tumsa, “Memorandum” (1975) dans Eide 2000: 280.

  65. “Mémorandum” (1975) dans Eide, 2000: 280.

  66. Eide, 2000:128.

  67. [Lettre de] Tsehay Tolassa à Eide, 11 mars 1995, Eide, 2000:176.

  68. Gudina Tumsa, Nairobi (1974).

  69. Tergel, 1998:265.

  70. Bide, 2000:164-166.

  71. Bide, 2000:176.

  72. Decke, 2001:12.

  73. Eide, 2000:162-174, 183-199.

  74. Eide, 2000:241-243.

  75. Bosch, 1991:403.

  76. Pour une discussion de la question d’un point de vue africain, voir Bediako, 1989:52-68.

  77. La Déclaration de Wheaton, 1983, n.26. Bosch, 1991 :407, Bediako, 1989:52sqq.

  78. Voir le document de la WCC (CME), La mission et l’évangélisation 1982, et Evangelii Nuntiandi 1977.

  79. Bosch, 1991:408.

  80. Bosch, 1991 - les changements, selon lui, sont caractérisés comme un changement paradigmatique ou comme un nouveau modèle d’interprétation.

  81. Gutierrez, 1998:16sqq.

  82. Bosch, 1991:357-358.

  83. Gudina Tumsa, Nairobi (1974).


Bibliographie

Gudina Tumsa: sources non publiées

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Littérature supplémentaire:

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Cet article a été réimprimé, avec permission, de Swedish Missiological Themes (Svensk MissionsTidskrift), Vol. 89, No. 3 (2001), Institut Suédois de Recherches Missionnaires, Boîte postale 1526, SE-751 45 Uppsala, Suède.