Collection DIBICA Classique

Tous les articles créés ou soumis au cours des vingt premières années du projet, de 1995 à 2015.

Ludwig, Rufo Christian Paulus

1848-1871
Mission Protestante
Ethiopie

Premier traducteur de la Bible Oromo et “missionnaire noir” potentiel.

Rufo (ou bien Roofo, mais rarement appelé Rafa ou Rufoo) était un ancien esclave Oromo. En 1865, racheté par des missionnaires protestants, il a été envoyé au centre missionnaire de Kornthal, en Allemagne, en vue d’un projet de traduction de la Bible en oromo. Après avoir travaillé pendant deux ans, il a commencé à recevoir une éducation missionnaire à Bâle, et par la suite à Jérusalem et au Caire, mais il est mort lors du voyage de retour vers son peuple.

Rufo, qui venait de Guma-Oromo, avait à peu près onze ou douze ans lorsqu’il a été vendu par son peuple pour satisfaire à des obligations d’impôts pour la région de Gombata. Amené au royaume éthiopien, il s’est échappé, et a travaillé comme berger à Gojjam pendant deux ans. Par la suite, il a été rattrapé, et il est devenu esclave dans un ménage éthiopien. Plusieurs années après, on l’a amené dans un des plus grands marchés d’esclaves à la frontière de l’Ethiopie et du Soudan, à Metemma. A cette époque, la station missionnaire de St. Paul avait reçu un ordre de la part de Johann Ludwig Krapf de Kornthal, qui était un personnage clé de la mission protestante, qu’on lui envoie un jeune homme qui connaissait l’amharic et l’oromo, pour aider à faire la traduction de la Bible. Rufo a été acheté pour 80 souverains. Quand il est arrivé chez Krapf en 1866, il a reçu un peu d’éducation de la part des instituteurs locaux et s’est mis tout de suite à traduire les Actes des Apôtres et l’épître de Paul aux Romains. Le processus de traduction était très compliqué : Krapf travaillait d’après un texte grec, et Rufo d’après une copie (Vorlage) en amharic. Rufo parlait l’oromo, l’amharic, et un peu d’arabe, mais il a seulement apris l’allemand plus tard.

Ensuite, grâce à sa connaissance de l’amharic, Rufo a commencé à travailler dans l’imprimerie de la Pilgrim Mission à St. Crischona, près de Bâle. Quand Krapf est rentré d’une mission auprès de l’armée anglaise/indienne envahissante en Ethiopie en 1868, lui et Rufo ont continué leurs traductions, et l’évangile de St. Luc en oromo a été publié en 1870. Il a aussi aidé Krapf à réviser ses traductions oromo de l’évangile de St. Matthieu et de plusieurs chapitres de St. Jean, qui dataient déjà de vingt ans.

Il est évident, d’après les lettres de Krapf, que leur collaboration a été profondémant marquée par les conflits. Rufo, d’un côté, s’intéressait très vivement aux Ecritures et aux prières, mais Krapf pensait qu’il était toujours complètement païen, qu’il n’avait pas appris à “soumettre sa volonté,” et qu’il mettait l’accent plus sur sa liberté que sur son devoir auprès des missionnaires. Les rapports publiés, cependant, font une impression plus positive. En 1867 il a fourni des informations précieuses, qui seraient publiées, sur les pays oromo encore inconnus. Kober et d’autres soulignent que son travail était d’importance capitale par rapport à la création de la Bible oromo.

Rufo essayait incessamment de convaincre ses supérieurs qu’il fallait l’envoyer vers les oromo avec d’autres missionnaires. Cependant, Krapf a prévenu la Pilgrim Mission à St. Crischona qu’il ne faudrait pas le baptiser trop vite. En dépit de cela, et alors qu’il passait par les premières parties d’une maladie des poumons qui serait traitée à Bâle au cours de l’hiver 1868/69, il a réussi à persuader les missionnaires. En présence de beaucoup d’amis de la mission, il a été baptisé le 23 mai, 1869, et a reçu trois nouveaux noms de baptême. Plus tard dans la même année, il a été envoyé à l’orphelinat syrien de Jérusalem pour y recevoir une éducation missionnaire. On a proposé qu’il prenne un poste missionnaire dans la nouvelle mission oromo ouest-suisse, et il a été envoyé à la communauté protestante allemande du Caire, mais c’est là qu’il est mort le 23 janvier, 1871, des suites de sa maladie.

A l’aide des traductions de Rufo et d’un manuscrit du prêtre égyptien Zenneb, qui avait entamé son travail après Rufo en 1868, Krapf a préparé un manuscrit intégral du Nouveau Testament en oromo qui a enfin été publié en 1876. Comme il s’agit d’un mélange de manuscrits différents, - ceux de Krapf, de Rufo et de Zenneb - le langage est hétérogène et donc loué par certains, mais critiqué par d’autres. Parmi les critiques il faut mentionner le deuxième traducteur de la Bible oromo de la génération suivante, Onesimos, un ancien esclave qui a travaillé pour la mission suédoise. Il a basé sa traduction de la Bible sur l’œuvre de Krapf, de Rufo et de Zenneb. Dès 1870, les premières parties de la Bible oromo avaient atteint les oromo de Shoa, et le Nouveau Testament a suivi vers 1877. On ne sait pas si les portions de l’Ancien Testament en oromo, elles aussi, sont arrivées dans la région.

Wolbert G. C. Smidt


Bibliographie

L. Krapf, Debtera Saneb, Roofo, Wängeli Luqasi / The Gospel according to St. Luke [L’évangile selon St. Luc] (St. Chrischona, 1870).

Yohannis Luwis Krapf, Aläqa Zännäb, Rufo et al., Qulqulota mät’afota käku häräwa afan yonaniti gärä afan oromoti / The New Testament of our Lord and Saviour Jesus Christ translated into the Galla language [Le Nouveau Testament de notre seigneur et sauveur Jésus Christ traduit en Galla] (St. Chrischona, 1876).

Kober, Johannes, Anjama (Basel: C.F. Spittler, 1882), 77f.

Pankhurst, Richard, “The Beginnings of Oromo Studies in Europe,” [Le début des etudes oromo en Europe] Africa, no. 2, (Roma, 1976), 199-201.

Smidt, Wolbert, “The unknown first Oromo Bible translator Christian Rufo,” [Le premier traducteur de la Bible oromo inconnu, Christian Rufo] Proceedings of the 14th International Conference of Ethiopian Studies [2000] (Addis Ababa, à paraître).


Cet article, reçu en 2001, a été écrit par Wolbert G.C. Smidt, M.A., conférencier et assistant pour les recherches au département des études éthiopiennes, université de Hambourg, Allemagne.