Collection DIBICA Classique

Tous les articles créés ou soumis au cours des vingt premières années du projet, de 1995 à 2015.

D’Leindre, Marie

Noms alternatifs: mère marie de jésus crucifié
1852-1926
Église Catholique
Madagascar

La future fondatrice et prieure du premier Carmel de Madagascar, Louise, Désirée, Marie d’Leindre naquit à Paris le 12 février 1852 et fut baptisée en l’église Saint Eustache le lendemain. Sa famille était apparentée à Monseigneur Affre qui trouva la mort sur les barricades lors de la Révolution de 1848.

Haut fonctionnaire de la Direction des Postes, son père, M. d’Leindre, reçut successivement différentes affectations en province: Chartres, Vesoul, Mezières; aussi la jeune Marie resta à Paris, confiée à ses grands-parents, les Bourgeois d’Orvanne, qui se chargèrent de son éducation selon les traditions en usage dans les bonnes familles de l’époque: instruction complète, musique, chant et peinture pour laquelle on appréciera plus tard ses talents. Malgré les mondanités auxquelles elle était associée, Marie se sentit attirée par la vie contemplative et fit des visites aux Carmélites de la rue d’Enfer. Elle prit contact avec la Supérieure qui encouragea sa vocation en lui conseillant une longue patience car ses parents craignaient pour leur fille l’austérité d’un cloître carmélitain. Elle devait attendre sa majorité.

La guerre de 1870 réunit toute la famille au Havre où M. d’Leindre avait été nommé Directeur Départemental des Postes; Marie revint ensuite à Paris.

En 1873, Marie avait atteint sa majorité et se présenta au Carmel. C’est à Compiègne qu’elle entra le 12 mai 1875 et reçut le nom de “Marie de Jésus Crucifié”. Vingt-et-un ans plus tard, en 1896, elle fut nommée sous-prieure du Carmel de Compiègne. Sa vie monastique jusque là sédentaire allait se transformer en une existence plus mobile.

Deux ans après, en 1898, Mère Marie de Jésus fut nommée sous-prieure à Notre-Dame du Thil à Beauvais où une communauté avait été créée peu d’années auparavant. La situation politique en France inspirait des inquiétudes et l’on estimait prudent d’avoir une fondation à l’étranger qui puisse servir d’asile en cas d’expulsion. Précisément, une offre était proposée à Himmerlau, en Autriche. Mère Marie de Jésus s’y rendit en 1902 pour créer une nouvelle communauté dont elle fut la prieure.

En avril 1907, une fondation fur créée à Boussu les Mons, dans le diocèse de Tournai en Belgique et Mère Marie de Jésus en fut la sous-prieure. Elle en devint la prieure en 1911; elle était alors âgée de 59 ans. La guerre de 1914 éclata; ce fut l’occupation allemande avec les pénibles privations pour la communauté, qui traversa bien des épreuves. La fin de la guerre permit de renforcer les effectifs de la communauté.

C’est alors que Mère Marie de Jésus se mit à préparer la création d’un Carmel à Madagascar. Avec ses 68 ans d’âge, elle avait l’expérience des fondations et ce projet n’était pas l’aboutissement d’une décision imprévue mais le résultat d’un long cheminement. Depuis des années, elle pensait au rôle des Carmélites missionnaires et les circonstances allaient la servir.

En 1914, le R. P. Capdevielle, Jésuite missionnaire à Tananarive, de passage en France, fit savoir à la Prieure du Carmel de Libourne son désir et celui de son Évêque de voir un Carmel se constituer en terre malgache. La Supérieure de Libourne était en correspondance avec celle de Boussou et lui fit part de ce projet. Mère Marie de Jésus écrivit aussitôt au R. P. Capdevielle pour lui demander de nombreux renseignements sur le pays; la réponse vint rapidement mais l’intervention de la guerre imposa une attente de cinq ans.

Dès que la guerre fut terminée, les relations reprirent: l’Evêque de Tananarive, Mgr de Saune, souhaitait la création d’un Carmel dont la présence serait un précieux réconfort pour tous les missionnaires, mais il se heurtait à bien des difficultés. Il pensa à Mgr Givelet de Fianarantsoa. Ce dernier, tout en étant très favorable, rencontrait les mêmes problèmes: l’insuffisance des effectifs missionnaires ne permettait pas d’assurer l’aumônerie d’un Carmel.

Entre temps, Mgr Dantin, Evêque d’Antsirabe et Betafo, de passage en France, avait rendu visite à Corenc, près de Grenoble, à la Révérende Mère Jean Berchmans, une des premières fondatrices des maisons de la Providence à Madagascar. Cette dernière, lors d’un passage en Belgique, avait rencontré Mère Marie de Jésus et ensemble elles avaient examiné le projet de création d’un Carmel à Madagascar. Elle en fit part aussi à Mgr Dantin. Ce dernier entrevit aussitôt la possibilité d’établir un Carmel sur un terrain attenant à l’église de Betafo. Il se rendit lui-même à Boussu et, le 12 octobre 1920, rédigeait une lettre pour appuyer la demande d’autorisation auprès du Révérend Père Général des Carmes à Rome. Toutes les autorisations furent obtenues avec les plus chaleureux encouragements.

Les moyens matériels pour réaliser la fondation ne firent pas défaut; un article de Pierre l’Hermitte dans le Journal La Croix suscita notamment des dons généreux.

Le 19 mars 1921, neuf religieuses quittaient le Carmel de Boussu, auxquelles se joignit une dixième venue de Bruxelles. Elles s’embarquèrent à Marseille le 22 avril à bord du Dumbéa et rencontrèrent à Djibouti Mgr de Saune et Mgr Givelet qui se rendaient en France. Elles débarquèrent à Tamatave le 14 mai, elles arrivèrent à Antsirabe accueillies par Mgr Dantin et, le 21, elles étaient à Betafo où la population leur réserva un accueil joyeux.

Mère Marie de Jésus se mit aussitôt à l’œuvre pour créer son monastère; elle avait alors soixante-neuf ans. Son enthousiasme allait bientôt faire face à de nombreuses difficultés: l’altitude n’était pas favorable à son cœur fatigué; elle dut se ménager. L’argent se mit à manquer; on fit des appels en Belgique et en France. La construction allait au ralenti. Les Sœurs s’installèrent provisoirement dans de modestes locaux laissés disponibles par les Pères de la Mission. Les conditions d’hygiène étaient défectueuses; il manquait d’eau sur place; le paludisme se mit de la partie. Ce n’est qu’au mois d’août 1923 que la communauté s’installa dans une aile du nouveau monastère. Les premières vocations se manifestèrent et des témoignages attestaient le rayonnement spirituel de la nouvelle fondation.

De lourdes épreuves allaient cependant s’abattre sur elle. Les ressources manquaient sur place pour permettre à la communauté de vivre par ses propres moyens. Les Sœurs subirent bien des privations. En avril 1925, la sous-prieure, Mère Marie de l’Eucharistie, se trouva dans l’obligation de quitter Betafo laissant à regret la charge du monastère et du noviciat à Mère Marie de Jésus qui, malgré ses soixante-treize ans, supporta avec courage et abnégation ces revers. Ne trouvant plus auprès de Mgr Dantin tout le soutien espéré, elle demanda à Mgr de Saune le transfert du monastère à Tananarive.

Au début de 1926, Mère Marie de Jésus éprouva des ennuis de santé dont elle ne soupçonnait pas la gravité; c’était le début d’un cancer du foie qui allait évoluer rapidement. Ce mal devait l’emporter le 4 mai 1926.

L’année suivante eut lieu le transfert du Carmel à Tananarive, et le corps de Mère Marie de Jésus fut déposé dans le petit cimetière monastique d’Ampasanimalo.

C’est ainsi que pour répondre à l’encyclique pontificale sur la nécessité de créer un clergé indigène, Mère Marie de Jésus s’était lancée dans la création de la première fondation contemplative à Madagascar. C’était une aventure, un acte de la foi dans l’avenir car on ne savait pas si cette forme de vocation allait attirer les jeunes filles Malgaches. Peu après l’installation à Tananarive, les première postulantes Malgaches furent admises comme tourières et, en 1928, la première religieuse de chœur originaire de Madagascar, Thérèse Boureau, fut reçue sous le nom de Sœur Thérèse de Jésus. Après cinquante ans d’existence, on peut apprécier les résultats obtenus. Le Carmel de Tananarive a essaimé à Fianarantsoa en 1958 et à Tuléar en 1976. Dirigées par des Prieures malgaches, ces communautés sont en quasi totalité composées de religieuses Malgaches. Le Monastère de Fianarantsoa, très prospère, envisage de créer une fondation à Betafo, sur les lieux mêmes où le Carmel a vu le jour à Madagascar.

Raymond Delval


Bibliographie

“A la douce et sainte mémoire de notre vénerée Mère Marie de Jésus Crucifié, Prieure et Fondatrice du Carmel à Madagascar”, manuscrit du Carmel de Tananarive.


Cet article, réimprîmé ici avec permission, est tiré d’Hommes et Destins: Dictionnaire biographique d’Outre-Mer, tome 3, publié en 1977 par l’Académie des Sciences d’Outre-Mer (15, rue la Pérouse, 75116 Paris, France). Tous droits réservés.