Collection DIBICA Classique

Tous les articles créés ou soumis au cours des vingt premières années du projet, de 1995 à 2015.

Rabesihanka

Noms alternatifs: Rabetrena
1848-1928
Protestant
Madagascar

La carrière multiforme de Rabesihanaka illustre non seulement les aptitudes diverses et la force de caractère de cet homme, mais aussi les liens qui existaient au XIXe siècle à Madagascar entre l’État et l’Église, les contacts culturels entre les provinces, et même quelques aspects locaux de la politique coloniale de la France à cette époque.

Rabetrena, comme il s’appelait d’abord, était né le 27 février 1848 dans la province centrale de l’île. La plus grande partie de sa jeunesse se passa néanmoins sur la côte ouest où sa famille avait été reléguée en 1852 après que son père, Ramamonjy, condamné en tant que chrétien, eût passé d’abord quelques années en prison. Quand la situation changea, la famille retourna à Tananarive et Rabetrena devint l’un des premiers élèves de l’école fondée par Stagg de la LMS (London Missionary Society ou Mission de Londres). Ses capacités furent reconnues rapidement et il devint instituteur bien avant d’avoir vingt ans. Sa désignation, en 1867, comme “évangeliste,” suscita l’intérêt de la société malgache de l’époque, car si c’était la seconde fois qu’on envoyait un agent de l’Église (Protestante) avec des responsabilités étendues sur une population importante, c’était la première où il s’agissait d’une région aussi vaste que l’Antsihanaka, c’est-a-dire toute la région du lac Alaotra. Une désignation de ce genre avait en effet déjà été faite pour une zone des Plateaux au sud de Tananarive, mais cette fois-ci, il s’agissait d’une province qu’on regardait comme distante et tout à fait distincte de la province centrale, l’Imerina. A ce titre, il fut donc bien le “premier évangéliste malgache” envoyé par l’Église, réorganisée après la période des persécutions. Ce fut aussi l’un des premiers témoignages de l’intérêt manifesté par l’Église du Centre pour les populations périphériques. Il faut aussi remarquer que Rabetrena était patronné par une seule communauté (l’église d’Avaratr’Andohalo), avec les encouragements et l’aide du missionnaire R. G. Hartley. De ce fait, il devança de plusieurs années la longue liste des “évangélistes” qui, dans les premières années 1870, furent envoyés par l’Isan’Enim-Bolan’Imerina (la Semestrielle d’Imerina) qui était la société d’évangélisation intérieure fondée en 1868. Rabetrena travailla en pays sihanaka pendant trois ans (1867-1870). Mais il s’était si bien identifié avec son apostolat qu’on l’appela Rabesihanaka, nom qui lui resta par la suite.

Il serait probablement resté plus longtemps si un Institut théologique n’avait été fondé en 1869. Rabesihanaka y entra, parmi les premiers étudiants et, à cette occasion, devint le pasteur de la paroisse d’Ankadibevava (Ambavahadimitafo maintenant). En 1877, il passa plus de trois ans à faire une visite officielle aux églises et aux écoles entre Mahanoro et Vangaindrano (côte est), revenant par Fianarantsoa et acquérant ainsi une connaissance directe de très nombreuses communautés et d’autres dialectes provinciaux, comme il écrivit dans les rapports de voyage qu’il publia. Il devint l’un des consultants malgaches du Comité qui, sous la présidence de W. Cousins et la compétence de Lars Dahle, regroupait les missions chrétiennes non-catholiques à l’œuvre dans l’île, pour réviser la traduction de la Bible.

En 1883, Rabesihanaka démissionna de son ministère à Ankadibevava, ayant été nommé par le gouvernement malgache comme aumônier pour accompagner l’armée lors de la guerre franco-malgache. En 1885, il reçut l’ordre de rester à Anorotsangana comme gouverneur-adjoint, poste alors important sur la côte nord-nord-ouest. En 1896, aux termes du très bref Protectorat français imposé à la reine Ranavalona III il fut nommé “gouverneur-général du District d’Anorotsangana,” et il était formellement stipulé dans le Journal officiel, que lui seul dans ce district avait le droit de correspondre directement, avec le gouvernement central. Mais il n’occupa pas ce poste bien longtemps, car, au début de 1897, selon la politique française qui tenait à écarter les fonctionnaires mérina des hauts postes des Provinces, il dut rejoindre Tananarive où une autre affectation lui fut attribuée.

Ensuite, pendant deux ans (1902-1904), il fut agent de la Compagnie Occidentale dans le nord-ouest, tout d’abord à Madirovalo, puis à Marovoay. Il devint même commerçant à son compte. Cependant, il aida toujours tant qu’il put les églises locales partout où il se trouvait, dans le même esprit qui lui avait fait accepter dans sa jeunesse, de partir évangéliser l’Antsihanaka.

Rabesihanaka mourut en 1928, le 29 septembre (et non le 28, comme on le dit souvent).

J. T. Hardyman, L. Molet


Principales Publications:

“Antsihanaka” Tananarive, Antananarivo Annual, 1877 2e édition, pp. 309-329.

“Ny Tany Atsinanana Atsimo Aminy Madagaskara,” [Les pays du sud-est de Madagascar]. Tananarive, Isanketintaona, 1878, pp. 26-45.

Ny Vokatra tsyn misy Mpiasa [La moisson sans ouvriers] (Rapport de voyage, 1877), Tananarive, 1878.

En collaboration avec J. J. Rabearivelo, “Discours rituels des Sihanaka.” Tananarive, 18º Latitude Sud, nº. 8 (1927), pp. 17-20.

Voir également:

J. T. Hardyman, Tantaran-d’Rabesihanaka [(Brève) Biographie de Rabesihanaka, (avec un portrait)], Tananarive, 1967.


Cet article, réimprîmé ici avec permission, est tiré d’Hommes et Destins: Dictionnaire biographique d’Outre-Mer, tome 3, publié en 1977 par l’Académie des Sciences d’Outre-Mer (15, rue la Pérouse, 75116 Paris, France). Tous droits réservés.