Collection DIBICA Classique
Tous les articles créés ou soumis au cours des vingt premières années du projet, de 1995 à 2015.Rafaralahy, Andriamazoto
Rafaralahy Andriamazoto était un homme riche, marié et père de plusieurs enfants. Son nom, Rafaralahy, indique qu’il était le cadet de sa famille et son autre nom Andriamazoto (“prince plein de zèle”), a été donné par ses amis chrétiens, durant la période de persécution.
Rafaralahy est né dans les dernières années du règne du roi de l’Imerina, Andrianampoinimerina–qui signifie “prince au cœur de l’Imerina”. [1] Rafaralahy et Rasalama étaient de la même génération. Sous l’influence d’un ami chrétien nommé Rafiakarana, Rafaralahy devint chrétien. Comme il n’y avait pas encore des paroisses aux alentours de son quartier en 1831, on choisit sa maison à Anjanahary pour y prier. Il apprit à lire afin de bien comprendre la Bible.
Le 31 mars 1835, la reine Ranavalona I proclama l’interdiction du christianisme dans son royaume. Tous chrétiens furent obligés d’abjurer et de renier leur foi en public, sinon ils étaient condamnés à mort. Rafaralahy eut peur et reprit sa vie d’antan, faisant le commerce les dimanches.
Il se convertit réellement au christianisme à la suite de deux événements. D’abord, son frère bien aimé fut déporté dans la partie nordouest de l’île, dans la région du Sakalava où il mourut. Ensuite, Rafaralahy tomba malade. Son corps fut couvert de sept furoncles douloureuses correspondant aux sept dimanches pendant lesquels il avait fait le commerce. Il était convaincu que Dieu le punissait. Il se repentit et reprit sa vie de chrétien, allant, en cachette, avec les autres chrétiens dans des cellules de prière. Comme sa maison à Anjanahary se trouvait un peu à l’écart de la ville, les chrétiens s’y rendaient pour des séances de prières.
Durant la période de persécution (1835- 1861) Rafaralahy ne prit pas la fuite, mais mit son zèle et sa richesse au service des chrétiens en fuite en consacrant une partie de ses biens pour les aider. Des revenus de ses trois rizières, il dédiait la plus grande partie à aider les chrétiens, la deuxième moins grande aux pauvres, et la troisième, la plus petite , à ses propres besoins. Il fit construire, près de chez lui à Anjanahary, une autre maison un peu plus en retrait, pour que les chrétiens puissent y prier tranquillement sans être vus ni entendus. Il fit même creuser tout près une grotte pour qu’ils puissent s’y cacher en cas de besoin.
Il prenait aussi soin de trois lépreux et leur construisit une maison près de chez lui à Anjanahary. Il prêchait l’évangile à sa femme Ratsimindrana, à son entourage, et à ses esclaves à qui il apprenait aussi à écrire.
Il réconfortait ceux qui étaient dénoncés, comme Rafaravavy Marie lors de son emprisonnement. Il accompagna et encouragea la martyre Rasalama jusqu’à Ambohipotsy, lieu de son exécution. Rafaralahy enviait le martyre de Rasalama en la voyant pleine de foi et de courage, chantant en cours de route et avant son exécution, demandant aux exécuteurs quelques minutes pour prier. Elle était calme et en paix, “Si c’était comme cela la mort pour Christ,” se disait-il, “j’aimerais bien suivre sa voie”.
Un jour Rafiakarana, celui qui l’avait converti au christianisme, mais qui, plus tard, renonça sa foi, se trouvait dans la nécessité. Sentant une dette morale envers lui, Rafaralahy le prit comme associé dans son commerce. Mais celui-ci le jalousait et le volait. Ayant peur d’être démasqué pour sa mauvaise posture, Rafiakarana dénonça Rafaralahy au gouverneur Rainiharo qui arrêta Rafaralahy et l’enchaîna. Rainiharo ordonna de le battre et de le malmener afin qu’il dénonce les autres chrétiens, mais en vain. Rafaralahy leur répondait toujours ainsi: “C’est moi que vous avez arrêté. Faites de moi ce que la reine voudrait faire, mais je ne dénoncerai pas mes amis.” Après trois jours de détention, on proclama sa mise a mort.
Ainsi le 19 février 1838 Rafaralahy fut exécuté à Ambohipotsy à coups de sagaie [2] comme Rasalama. Il était le second martyr après elle. En chemin, il ne chantait pas comme l’avait fait Rasalama mais il rayonnait de joie, prêt à mourir. Avant son exécution, il demanda quelques minutes pour prier, s’agenouilla sur le sol, pria, et dit en se relevant : “Je suis prêt”. Il demanda à ses exécuteurs de ne pas lui bander les yeux mais s’étendit de lui-même sur le sol et reçut le coup fatal de la mort. Son vœux de mourir comme Rasalama avait été exaucé.
Après sa mort, sa femme faillit être tuée aussi mais on l’épargna à cause de sa grossesse. Ses enfants tombèrent dans la misère. Sa mère, affligée par sa mort, perdit la raison. Quant aux lèpreux, n’ayant plus personne pour les aider, ils moururent de chagrin et de misère.
Des années plus tard, en souvenir du martyre de Rafaralahy, on construisit une école dédiée à sa mémoire à laquelle on donna son nom, dans son quartier natal à Anjanahary.
La reine Ranavalona I pensait que la persécution des chrétiens mettrait fin au christianisme et à sa propagation mais, au contraire, l’exécution des martyrs ravivait la foi des chrétiens. Beaucoup d’autres martyrs suivirent ceux de Rasalama et de Rafaralahy comme ceux qu’on précipita dans le ravin à Ampamarinana et d’autres qu’on brûla vifs à Faravohitra.
Berthe Raminosoa Rasoanalimanga
Notes:
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Dates de son règne : 1740- 1810.
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Lance ou javelot.
Bibliographie
William Ellis, _Faithful Unto Death: The Story of the Founding and the Preservation of the Martyr Church of Madagascar _ (London: John Snow and Co., 1876).
Pasteur Rabary, Ny daty Malaza: na ny dian’I Jesosy teto Madagasikara [Les dates mémorables sur la trace de Jesus à Madagascar ]. (Antananarivo: Trano Printy Fiangonana Loterana Malagasy, 2004).
John W. Mears, _The Story of Madagascar _(Philadelphia: Presbyterian Board of Publication, 1873).
Mission and Martyrs in Madagascar (New York: American Tract Society, 1864).
Madagascar: Its Mission and its Martyrs (London: London Missionary Society, 1863).
William Ellis, The Martyr Church: A Narrative of the Introduction, Progress and Triumph of Christianity in Madagascar with Notices of Personal Intercourse and Travel in that Island (Boston: Congregational Sabbath School and Publishing Society, 1869).
Revue protestante Teny Soa [La bonne parole] No. 806, février 1938, pp.27-30.
Raboatoandro Andriamiarana, “Rafaralahy Andriamazoto,” mémoire de fin d’études SETELA [Enseignement Theologique pour les laïcs, donné par la Faculté de Théologie FJKM-Ambatonakanga], 1998.
Cet article, reçu en 2008, est le produit des recherches de Madame Berthe Raminosoa Rasoanalimanga, directrice du Centre National des Archives FJKM (1984-2007), récipiendaire de la bourse du Projet Luc en 2008-2009.
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[1] Consolation d’un chrétien enchaîné dans John W. Mears, The Story of Madagascar (Philadelphia: Presbyterian Board of Publication, 1873) au frontispiece.
[2] Des chrétiens précipités dans le ravin à Ampamarinana, dans Mission and Martyrs in Madagascar (New York: American Tract Society, 1864) page 148.
[3] Des chretiens brules vifs à Fravohitra, dans Madagascar: Its Mission and its Martyrs (London: London Missionary Society) page des titres.
[4] L’exécution de Rasalama à coups de sagaie dans Mission and Martyrs in Madagascar (New York: American Tract Society, 1864), page 114.