Collection DIBICA Classique

Tous les articles créés ou soumis au cours des vingt premières années du projet, de 1995 à 2015.

Rahidy, Basilide

1839-1883
Église Catholique
Madagascar

Le Rév. Père Basilide Rahidy est le premier prêtre catholique Malgache du XIXe siècle et l’un des premiers écrivains de Madagascar. L’importance de sa figure réside aussi dans le fait que sa famille de princes Sakalava (Royaume au nord-est de Madagascar), résume à elle seule une page assez dense de l’histoire intérieure de ce pays.

Quelques données chronologiques générales, situant le P. Rahidy dans ce cadre sont nécessaires avant de présenter son œuvre écrite.

Les dates extrêmes de son existence encadrent une période agitée et complexe.

1839: sa famille fuit vers l’Ile de Nossi-Bé (nord-ouest) sous la poussée des armées Mérina. Il naît pendant la traversée, le 1er janvier.

1883: il meurt à Tananarive, capitale du royaume Mérina, et centre géographique du pays.

Pendant le XIXe siècle ce royaume entreprend l’unification de Madagascar alors partagé en de nombreuses royautés et principautés féodales. Ce mouvement d’unification, répondant à une unité culturelle de fond existant dans le peuple malgache, s’appuie sur des méthodes militaires, et prend l’aspect d’une expansion coloniale, ce qui est évidemment rejeté par les diverses entités politiques des côtes peu désireuses d’être absorbées dans un seul état.

La mort de Rahidy (avril 1883) coïncide avec le déclenchement de la première guerre entre la France et Madagascar. L’existence d’un protectorat français sur différents points des côtes et l’expansion Mérina, partant du centre vers ces mêmes régions côtières, constituent la motivation principale de cette guerre.

Le père de Basilide Rahidy, Linta, reprend, à la fin des années 30 du XIXe siècle, les combats contre les Mérina qui avaient occupé divers points du royaume Sakalava. Battu, il est amené captif à Tananarive. Il rachète sa liberté et rentre à Nossi-Bé. La reine de Nossi-Bé, Tsiomeko, demande protection d’abord au sultan de Zanzibar, ensuite à la France. En 1841 l’Île devient protectorat français (cf. détails de ces événements dans Ralaimihoatra, pp. 138-145 et Rajemisa, p. 360 - bibliographie à la fin de cette notice).

L’enfance du P. Rahidy est donc marquée par ce nationalisme Sakalava résistant au projet d’unification Mérina. Cette marque l’accompagnera jusqu’à sa maturité. Le 12 février 1874, déjà prêtre jésuite et citoyen français, il écrira de France au Père Ailloud qui travaille à Tananarive: “Comment serai-je reçu à Tananarive en ma qualité de Sakalava et d’Antandrona? M’ouvrira-t-on la porte? Je me mets sous votre protection, préparez les voies, car j’ai entendu des bruits sinistres.” (Lettre autographe, Archives Andohalo, Tananarive, C. 48, c. - souligné dans le texte).

Avec un groupe de jeunes (dont plusieurs esclaves) Basilide Rahidy avait été emmené par les missionnaires catholiques faire des études à la Réunion, où il arriva en 1846. La revue Resaka résume ainsi le contenu de ces études: “Écriture, mathématiques, géographie, latin, grec, musique…il apprend très bien tout cela.” (no. 112, avril 1883, p. 109)

Dans les registres de l’évêché de Saint-Denis, le nom de Basilide Rahidy apparaît, à la date du 24 mai 1851, à la tête d’une liste de trente-six garçons et filles (dont plusieurs malgaches), qui recevaient la première communion. En 1857 il est admis comme candidat à la Compagnie de Jésus. C’est en 1865 qu’il prononce ses vœux religieux et “revêt la soutane.” En 1870, il part en France pour faire ses études de théologie; il est ordonné prêtre en 1874. La même année il rentre à Madagascar, en s’arrêtant d’abord à Nossi-Bé pour visiter sa famille.

Quelques passages d’une lettre du Père Lacomme (missionnaire jésuite à Madagascar à l’époque), écrite le 19 juin 1874, soulignent la solennité de ce retour du P. Rahidy à sa terre natale: “…dès que le navire qui le portait a été signalé, une foule de chrétiens, parmi lesquels quelques-uns de ses parents, sont venus l’attendre à la mission ou sur la jetée. Tous avaient revêtu leurs habits de fête. N’était-ce pas une fête pour ce peuple, d’entendre et de voir cet ampidzourou (prêtre), le premier que les îles malgaches aient jamais donné? Et c’est à Nossi-Bé qu’en revenait la gloire. Beaucoup semblaient aussi se demander s’il était encore Malgache, ou si, étant Malgache, il était vraiment prêtre. Ce qui est sûr, c’est qu’on l’a reçu avec autant de respect que d’amitié. (Les visiteurs) ont pu se convaincre, à leur grande joie, que leur ancien prince, bien qu’il soit devenu vazaha (blanc, Européen), est resté Malgache et que, loin d’avoir renié sa nation, il l’aime plus que jamais. Pour les malgaches le P. Rahidy est à la fois ampandzaka (roi) et ampidzourou (prêtre). Nos blancs aussi le voient avec plaisir; ils s’étonnent que de la race malgache il ait pu sortir un homme comme lui.” (dans Les Missions Catholiques, 18 déc. 1874, p. 617).

Contrairement aux craintes qu’il avait manifestées auprès du Père Ailloud et malgré sa qualité de citoyen français, il est bien accueilli à Tananarive où il va diriger la paroisse d’Ambavahadimitafo et s’occuper des travaux d’imprimerie. La reine et le peuple accepteront avec respect ce premier jésuite Sakalava, malgré les tensions encore existantes entre les deux royaumes. “Les principaux témoins de cela, ce sont les chrétiens catholiques d’Ambavahadimitafo eux-mêmes. Il était poussé par l’amour de Dieu et du prochain: point sur lesquels il avait fondé la réalisation du travail, facile ou difficile, qu’on lui avait confié.” (revue Resaka, loc. cit., p. 111)

L’œuvre écrite du P. Rahidy concerne surtout la langue malgache et l’Écriture Sainte. Pendant son séjour en France il donnait des cours de malgache aux futurs missionnaires de Madagascar. Sollicité par ces derniers il écrivit ses leçons qui restèrent lithographiées pendant une vingtaine d’années (édition élégante de 116 pages, avec de nombreux dessins de paysages malgaches, Vals 1872, que nous avons sous nos yeux). C’est en 1895 que ce premier ouvrage sera imprimé (cf. liste des œuvres à la fin de cette notice). La préface écrite par les éditeurs de 1895, en présente les qualités et les limites: “…l’auteur ne songeait nullement à l’impression de son ouvrage: il ne prétendait pas faire œuvre savante, mais utile et pratique. Laissant de côté les recherches d’érudition sur les origines, les caractères philologiques et les rapports du malgache avec d’autres langues orientales, il s’est contenté d’en exposer les éléments au fur et à mesure de ses leçons, s’expliquant et multipliant les exemples, plutôt en maître disert parlant à ses élèves, qu’en grammairien profond et concis.” (p. II)

Dès son retour à Madagascar, il collabore à la revue Resaka (causerie) que les jésuites de Tananarive venaient de fonder. Il publie de nombreux articles et chroniques. Mais sa contribution principale consiste dans la rubrique (non signée) dont il est responsable, qui paraît régulièrement et porte comme titre: Fanoharana (fables). Il s’inspire de La Fontaine; mais donne à ses pages une saveur, un style et un cadre malgache, dont la lecture nous charme encore. Ces fables ont été recueillies et publiées en un volume de 180 pages en 1889, seize ans après sa mort.

Son travail apostolique, sa qualité de pasteur d’âmes et ses confrères missionnaires, lui demandaient un travail encore plus consistant auquel il ne se refuse pas: la traduction de certains livres de la Bible en malgache. Il publie d’abord les Évangiles du dimanche (1876). Deux ans après il termine la traduction des Actes des Apôtres, des Livres de Judith et de Tobie qui paraissent presque en même temps (1878). L’année suivante c’est le tour du Livre des Maccabées. Un an avant sa mort, en 1882, il achève la traduction des Épitres de Saint Paul.

À côté de ces travaux il faut citer aussi la traduction de l’Imitation de Jésus-Christ (Kempis), parue la première fois en 1877.

L’œuvre du R. P. Basilide Rahidy a marqué le catholicisme malgache de la fin du XIXe siècle. Un article non signé de la revue Les Missions Catholiques résume ainsi son caractère et son œuvre: “Doué d’un rare bon sens, de beaucoup de douceur de caractère, possédant tous les secrets de la langue et même par ses ancêtres, allié à la fameuse Rasalimo, épouse de Radama I, le P. Rahidy a rendu à la Mission de véritables services. Ses paroissiens d’Ambavahadimitafo l’aimaient et le vénéraient comme leur père. Il s’est éteint le 10 avril vers deux heures de l’après-midi, et n’a été enseveli dans le caveau de la Mission, auprès du P. Finaz, dont il fut le premier élève à Nossi-Bé, que le 12 au matin, au milieu des larmes et des prières des fidèles et de presque tous les Pères de l’Imerina. Réunis dès la veille, le second mercredi du mois, comme d’habitude à Tananarive, ils ne s’attendaient guère à être mis si tôt en présence de la tombe de leur confrère malgache, mort à quarante ans, dans toute la force de l’âge et à peine au milieu de sa course.” (29 juin 1883, p. 312).

Pietro Lupo


Œuvres:

Principes de la langue malgache, Vals, 1872, in-8º; pp. 116-IV-CXX.

Ny Evanjely amy ny isan’Alahady, (Les Évangiles du dimanche) Tananarive, 1876, in-16º pp. 94.

Fianarana any Jeso-Kristy (Imitation de Jésus-Christ) ibid.1877, in-32º, pp. VII-404.

Ny Asa ny Apostoly, (Les Actes des Apôtres), ibid, 1878, in-12º, pp. 99.

Jodita, ibid., 1878, in-16º, pp. 36.

Ny Macabeo, ibid., 1879, in-12º, pp. 156.

Plusieurs lettres dans Lettres de Vals, 1866 (mai) pp. 18-20. 1870 (mars), pp. 13-15.


Bibliographie

Le Père Basilide Rahidy, dans Resaka, no 112, avril 1883, pp. 109-111.

Le Père Basilide Rahidy, dans Les Missions Catholiques, 18 déc. 174, p. 617; ibid, 29 juin 1883, p. 312.

Ralaimihoatra (E.), Histoire de Madagascar, Tananarive.

Rajemisa-Raoelison, Dictionnaire historique et géographique de Madagascar. Fianarantsoa 1966 (Rahidy).


Cet article, réimprîmé ici avec permission, est tiré d’Hommes et Destins: Dictionnaire biographique d’Outre-Mer, tome 3, publié en 1977 par l’Académie des Sciences d’Outre-Mer (15, rue la Pérouse, 75116 Paris, France). Tous droits réservés.