Collection DIBICA Classique

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Rainitsiandavana

-1834
Indépendant
Madagascar

Sans qu’il ait appartenu officiellement à une église quelconque Rainitsiandavana peut passer pour l’un des premiers Malgaches qui soit mort pour son enthousiasme inconsidéré.

Cet homme était un païen convaincu, gardien de l’idole “le dieu qui ne se couche jamais: Izanaharitsimandry,” et demeurait au sud de Mangatany en Imérina. Ayant rencontré par hasard un des premiers convertis chrétiens, Rainitsihova, lui-même ancien devin-guérisseur qui avait renoncé à ses amulettes et aux charmes, les deux hommes passèrent la nuit à discuter sur la foi chrétienne. Très impressionné, Rainitsiandavana monta à Tananarive pour rencontrer les missionnaires qui s’y trouvaient (J. J. Freeman, Baker, Griffiths, Cameron, etc.) et des chrétiens malgaches et il assista au moins à un service à Ambatonakanga, dans une petite chapelle. Dès son retour chez lui, il se mit à prêcher, disant que Dieu s’était montré à lui, qu’il lui avait donné l’ordre de parler en public et qu’il lui inspirerait ce qu’il aurait à dire. Il affirmait également que les morts allaient tous ressusciter et que tout le monde aurait le bonheur. Il aimait à répéter partout et sans cesse cette parole du Christ: “Faites aux autres ce que vous voudriez qu’on vous fasse à vous-même,” et il allait un peu partout dans les villages prêchant cette maxime.

Un jour, ses propres esclaves le prirent au mot et lui demandèrent de prendre lui-même au sérieux ce précepte à leur égard…et de les affranchir. “D’accord, leur dit-il, mais je vous ai payés cher et si je vous affranchis, je serai réduit à la misère. Je vais donc vous affranchir, mais de votre côté, ne me servirez-vous pas, en reconnaissance, une petite rente viagère?” “D’accord” dirent à leur tour ses esclaves, et l’affranchissement eut lieu dans les formes.

Toute la province du Mandiavato était en effervescence à cause de lui, sans que pour autant, il ait renoncé à servir l’idole Zanaharitsimandry, car il ne voyait pas d’incompatibilité entre elle et son message que les morts allaient ressusciter. Il y avait une nombreuse suite de disciples, habillés de blanc, comme l’était les chrétiens des églises.

Il demanda même audience à la reine Ranavalona 1re qui lui fixa une date. Au jour dit, avec deux acolytes et plus de deux cents personnes pour lui faire escorte, il monta, son idole en tête, vers le palais de Tananarive. Avant d’arriver, il fut arrêté, interrogé. Son message, enthousiaste mais confus, parut dangereux pour l’ordre public. Il fut aussitôt mis dans un trou la tête en bas et noyé avec de l’eau bouillante, ses acolytes de même, ses zélateurs subirent l’épreuve du tanguin (poison ordalique) et ceux qui réchappèrent furent vendus comme esclaves.

Son action inconsidérée contribua grandement à indisposer la reine contre les chrétiens et les missionnaires qu’elle tenait pour la source des propos échevelés d’un homme convaincu, mais qui n’avait saisi que des aspects accessoires du message libérateur.

Louis Molet


Bibliographie

Rabary, Ny Daty malaza, t. 1, Tananarive, 1930.

R.P. H. Callet, Tantaran’my Andriana, Tananarive, 1908, 2 vol., p. 846 et suiv.


Cet article, réimprîmé ici avec permission, est tiré d’Hommes et Destins: Dictionnaire biographique d’Outre-Mer, tome 3, publié en 1977 par l’Académie des Sciences d’Outre-Mer (15, rue la Pérouse, 75116 Paris, France). Tous droits réservés.