Collection DIBICA Classique

Tous les articles créés ou soumis au cours des vingt premières années du projet, de 1995 à 2015.

Rakotomalala, Jérôme

1914-1975
Église Catholique
Madagascar

Le 28 mars 1969, Monseigneur Jérôme Rakotomalala était nommé Cardinal par le Pape Paul VI. La nomination du premier Cardinal malgache marque une date importante dans l’histoire de l’Église Catholique à Madagascar et il est intéressant de suivre les différentes étapes de la carrière religieuse du Cardinal Jérôme Rakotomalala.

Né le 14 juillet 1914 dans l’Ile Sainte-Marie, Jérôme Rakotomalala était le troisème d’une famille de huit enfants dont le tombeau ancestral se trouve à Alasora, dans la banlieue est de Tananarive. Ses parents étaient de ces premiers chrétiens ayant reçu des missionnaires une formation solide et mettant en conformité leur vie et leurs convictions religieuses. Son père, Paul Razafy, mourut en 1939 emporté par la peste alors que son fils Jérôme était au grand séminaire, tandis que sa mère, Cécile, eut la joie de voir son fils accéder à l’épiscopat.

Très tôt, il avait manifesté le désir d’être admis au petit séminaire d’Ambohipo, mais Mgr. de Saune, le jugeant trop jeune, lui avait demandé d’attendre un an. Entre-temps, il fit ses études chez les Frères des Écoles Chrétiennes à Andohalo où il obtint le C.E.S.D. (Certificat d’Études du Second Degré), diplôme qui couronnait alors les études dans les établissements d’enseignement malgache.

En 1935, il fut admis au Grand Séminaire d’Ambatoroka. Il prit goût pour les sciences et les mathématiques qu’il étudia seul. Ses connaissances furent telles qu’au cours de ses années de philosophie et avant d’avoir commencé lui-même le cycle des études théologiques, il fut chargé, à partir de 1939, de l’enseignement des sciences et des mathématiques au séminaire. Dès cette époque se manifestèrent certains traits dominants de son caractère. Dur et austère envers lui-même, il se montrait également exigeant envers ses élèves, exigences dont la valeur éducatrice n’était pas toujours comprise. Jérôme Rakotomalala fur ordonné prêtre le 31 juillet 1943, un an avant la date régulière, en raison des services qu’il avait rendus comme professeur.

Pendant les quatre années qui suivirent son ordination, il continua ses activités d’enseignant au séminaire d’Ambatoroka, mais surtout, il assura en même temps un ministère paroissial comme vicaire à la cathédrale d’Andohalo. C’était le banc d’essai de son futur programme pastoral: responsabilité donnée aux laïcs, sessions de formation sociale aux chrétiens, etc.

En 1947, le Père Jérôme Rakotomalala fut chargé du vaste district d’Ambohimiadana, au sud-est de Tananarive. Les évènements de cette année avaient jeté bien des perturbations dans ce secteur. Pendant sept ans, il appliqua son programme pastoral transposant en milieu rural l’expérience acquise dans une paroisse urbaine. Tout en s’intéressant au mieux-être des habitants, aux intérêts économiques et sociaux des paysans, il s’attachait au développement de l’enseignement religieux et au catéchuménat. Dans son esprit, il ne devrait pas y avoir de coupure entre la vie de foi et la vie ordinaire; le progrès spirituel devait bénir les mariages des jeunes que si ceux-ci avaient une maison, un terrain de culture, une rizière; en relevant le niveau des études dans les écoles de la Mission, il s’efforçait d’enrayer l’exode rural: pour entretenir l’esprit d’union et d’entraide qui est dans la tradition malgache et pour autofinancer l’Église locale, il imposait aux chrétiens des travaux communautaires. Par ailleurs, s’il compta à son actif le baptême de plusieurs centaines d’adultes, et il se montra particulièrement exigeant dans la formation de ces derniers.

En 1953, il se vit confier la responsabilité du Collège Saint-Pierre Canisius à Ambohipo, établissement qui forme les futurs instituteurs de la Mission Catholique. Il fit de cette École Normale un des meilleurs centres d’instruction de l’Ile tant par la valeur de l’éducation qui y est dispensée, que par les succès remportés aux examens. Tout y concourait pour donner à de futurs éducateurs une formation chrétienne de qualité: niveau élevé des études, exigences spirituelles profondes, entraînement physique vigoureux par le sport et la vie dure.

Au mois d’août 1959, le Père Jérôme Rakotomalala fut désigné par Mgr. Sartre, archevêque de Tananarive, pour les fonctions de vicaire général. C’était la première fois qu’un prêtre malgache accédait à une charge aussi importante dans le diocèse.

Lorsque l’année suivante Mgr. Sartre offrit à Rome sa démission pour permettre au clergé autochtone d’accéder aux plus hautes responsabilités de l’Église, ce fut le Père Jérôme Rakotomalala qui fut nommé archevêque de Tananarive. Il reçut la consécration épiscopale des mains mêmes de Jean XXIII, le 8 mai 1960, en même temps que d’autres évêques africains et asiatiques. En tant qu’évêque, il entendait exercer pleinement ses responsabilités: le clergé malgache prenait la charge du diocèse tandis que les missionnaires s’effaçaient pour devenir des auxiliaires.

Neuf ans plus tard, le Pape Paul VI procéda à la désignation de nouveaux cardinaux afin que la composition du Sacré Collège fut davantage à l’image de l’Église dans le monde. C’est ainsi que le 28 mars 1969, Mgr. Jérôme Rakotomalala fut promu au rang de prince de l’Église. De grandioses cérémonies consacrèrent les nouveaux cardinaux à Rome, le mois de mai suivant.

Le Cardinal Jérôme Rakotomalala avait un tempérament entier et exigeant et on a parfois critiqué sa sévérité et son autoritarisme. Il savait endosser critiques et jugements sévères sans se départir de la ligne de conduite qu’il avait jugé bonne et il tenait fermement à ce qu’il estimait être son devoir, mais il n’hésitait pas à revenir, en toute humilité, sur un jugement ou une prise de position s’il s’apercevait qu’il s’était trompé ou que les circonstances l’exigeaient.

Il avait une haute conscience de la mission dont il était chargé (de propager l’Évangile), et il avait pris comme devise de Cardinal Opus fac evangelistae (Sois dévoué jusqu’au bout à l’Évangile). Il eut à appliquer les réformes préconisées par Vatican II afin de donner à l’Église de Madagascar un visage authentiquement malgache.

Il était d’un grand attachement et d’une soumission sans réserve à l’égard du Saint-Siège. Il le montra notamment au sujet de l’œcuménisme. A la lumière des rivalités qui opposèrent dans le passé catholiques et protestants à Madagascar, il avait dénoncé, lors du Concile Vatican II, le scandale que constituait aux yeux des païens la division des chrétiens. Conscient des difficultés du mouvement œcuménique, il estimait toutefois prématuré son application à Madagascar, mais, devant l’insistance de Rome, il s’inclina. Donnant l’exemple, il assista personnellement au sacre de deux évêques anglicans à Tananarive, en octobre 1975.

Il était d’une grande austérité et d’une grande simplicité de vie et sa nomination de Cardinal n’avait rien modifié en cela. Lors de ses tournées en brousse, il n’hésitait pas à aller à pied ou à bicyclette et on le voyait circuler dans les rues de Tananarive au volant de sa 2 cv.

Lors des événements qui endeuillèrent la capitale malgache au mois de mai 1972 et provoquèrent le changement de Gouvernement, le Cardinal Jérôme Rakotomalala intervint avec les autres chefs spirituels chrétiens auprès du Gouvernement afin de mettre un terme aux troubles et pacifier les esprits.

Comme le premier évêque malgache Mgr. Ramarosandratana, le premier Cardinal malgache mourut en plein travail apostolique et dans des circonstances semblables. Le Cardinal était rentré de Rome le 31 octobre 1975 et le lendemain 1e novembre, il se rendit à Ikazolava pour visiter le district et administrer la confirmation. Après la messe solennelle de la Toussaint, il répondit aux discours de bienvenue et se rendait à la maison des Sœurs quand il se plaignit brusquement de violents maux de tête et s’effondra sur le gazon. Quelques minutes après, il expirait. Il avait soixante-et-un ans.

Les funérailles du Cardinal Jérôme Rakotomalala furent célébrées le 5 novembre par Mgr. Cecchini, nonce apostolique, entouré des évêques des dix-sept diocèses de Madagascar. Le Président de la République Malgache, M. Didier Ratsiraka, était présent ainsi que les membres du corps diplomatique, l’évêque anglican et les présidents de la Fédération Protestante, et Adventiste. Le corps du Cardinal fut inhumé dans la cathédrale, à côté des anciens vicaires apostoliques, NN.SS. Cazet, de Saune, et Fourcadier.

Raymond Delval


Bibliographie

B. Leurent, Le Cardinal Jérôme Rakotomalala, Archevêque de Tananarive Chine-Madagascar, 1976, Lille.

P. Rémy Ralibera s.j., Le Cardinal Jérôme Takotomalala. Maduré-Madagascar, Nº 159, avril 1976, Paris.


Cet article, réimprîmé ici avec permission, est tiré d’Hommes et Destins: Dictionnaire biographique d’Outre-Mer, tome 3, publié en 1977 par l’Académie des Sciences d’Outre-Mer (15, rue la Pérouse, 75116 Paris, France). Tous droits réservés.