Collection DIBICA Classique

Tous les articles créés ou soumis au cours des vingt premières années du projet, de 1995 à 2015.

Ramanandraibe, Joseph

1900-1973
Église Réformée de Jésus-Christ À Madagascar (FJKM)
Madagascar

Ramanandraibe et sa famille

Joseph Ramanandraibe est issu d’une famille protestante originaire du village de Manohisoa-Anjeva, situé à une trentaine de kilomètres à l’est d’Antananarivo. Il est né le 2 mai 1900 dans cette localité. Son père, Rakotomanga, s’occupait du commerce du bois et de charroyage et sa mère s’appelait Razafindrahanta. Son prénom, Joseph, lui a été donné à la dernière minute lors de l’enregistrement de sa naissance au service de l’état civil. [1]

Il continua ses études au Collège protestant d’Ambohijatovo Avaratra à Antananarivo. Comme ses parents n’arrivait pas à payer ses frais de pension, on lui loua une petite chambre à Antananarivo. Tous les week-end, il rentrait à pied à Manohisoa, pour s’approvisionner pour la semaine. Puis il retournait à Antananarivo, après avoir suivi le culte du dimanche dans sa paroisse à Manohisoa. C’est là aussi qu’il fut aussi baptisé et devint membre de la Sainte Cène.

Comme tous les parents à l’époque, le père de Ramanandraibe souhaitait que son fils, une fois ses études terminées, devienne fonctionnaire. Très vite pourtant, Ramanandraibe décida de se lancer dans les affaires et le commerce. Il commença par le commerce des brèdes [2] et des légumes qu’il achetait dans les environs de son village puis acheminait vers le port de Toamasina puisque Manohisoa était à proximité de la gare d’Anjeva qui dessert la ligne de chemin de fer vers la côte est ; il revenait ensuite avec du sel et d’autres produits qu’il revendait à Antananarivo. Il se déplaçait ainsi deux ou trois fois par semaine.

Vers les années 1918 il a commencé à ouvrir à Toamasina sa propre maison de commerce, à partir d’un petit fonds qu’il avait emprunté auprès du grand-père du pasteur Daniel Ratefy.

Malgré les difficultés rencontrées à la suite du fameux cyclone de 1929 qui a détruit toute la ville, la Maison Ramanandraibe a beaucoup prospéré et s’est spécialisée dans la collecte de produits, le commerce du tabac, et l’importation de diverses marchandises. Ramanandraibe investit ensuite une partie de sa fortune dans l’immobilier à Antananarivo et Toamasina. Il devint par la suite un riche propriétaire de rizeries de renom après la Seconde Guerre mondiale, son entreprise connue sous le nom d’Etablissements Ramanandraibe, dont le siège social se trouvait à Tsaralalàna au centre même de la ville. Ces établissements devaient leur renom à l’exportation d’une variété de riz de luxe, le vary lava (riz à long grain) de Madagascar. Sa remarquable capacité d’adaptation dans les affaires et son esprit d’entreprise, ainsi que sa bonne gestion l’aidèrent à surmonter les épreuves.

De 1950 à 1970 Ramanandraibe fut le trésorier de la chambre de commerce d’Antananarivo. Le 30 novembre 1936, il épousa Razafitsara Félicie, de religion catholique. Leur mariage fut célébré dans sa maison à Anjeva par le pasteur Henri Peyrot. Ramanandraibe, un ancien élève de la mission protestante, avait une foi profonde et ne négligeait pas l’enseignement religieux de ses enfants. Ainsi, lui et sa famille étaient membres de la paroisse de langue française d’Andohalo à Antananarivo, où ses enfants suivirent l’école du dimanche ; quatre d’entre eux y furent confirmés.

Comme un malgache attaché à la terre ancestrale, il ne manquait pas d’aller prier à la paroisse de son village natal à Manohisoa, au moins une fois par mois. Il y construisit aussi sa première maison. Il y apporta un soutien continu, ainsi qu’aux trois paroisses rurales avoisinantes de Falihary, Anjeva, et Imerikasinina–toutes les quatre étant sous l’unique responsabilité du pasteur Ramangalahy. En cas d’empêchement de ce dernier ou des pasteurs stagiaires du Collège théologique d’Ambatomanga, Ramanandraibe était toujours disponible pour les suppléer, notamment pour prêcher, afin que les cultes se déroulent normalement le dimanche. Il représentait aussi sa paroisse aux réunions du “Comité de l’Isan’Efabolana” [3]–en abregé I4B–qui réunissait les délégués des paroisses groupées au sein d’un même district.

Ramanandraibe a beaucoup fréquenté les pasteurs et les missionnaires protestants de différentes dénominations (LMS, FFMA, MPF). Le soutien permanent qu’il a apporté aux activités de l’église l’a amené, à la suite d’une élection le 12 juillet 1946, à accepter les responsabilités de trésorier de l’Isan’Enimbolana [4]–écrit en abrégé I6B–responsabilités tenues en grande partie jusque là par les missionnaires, et qu’il a assumées jusqu’en 1958. Le comité avait fait un bon choix, car dans les affaires, il était renommé pour sa rigoureuse comptabilité. Les documents comptables de cette période sont conservés auprès de la famille des Ramanandraibe.

Le développement de l’institution plus que centenaire de l’Isan’Enimbolana constitue une période où les paroisses malgaches ont progressivement pris en main la gestion des affaires communes, en apportant leur contribution financière pour l’expansion du christianisme à Madagascar.

Inutile de dire que tout au long de l’année un soutien logistique important était nécessaire et en tant que trésorier de l’Isan’Enimbolana, Ramanandraibe avait le souci constant de veiller à la recherche de contributions, notamment pour ce qui concerne l’assistance à apporter aux évangélistes, éparpillés à travers le pays. Souvent il était obligé de faire une forte contribution personnelle pour boucler les besoins.

Son domicile, situé à Tsaralalana, pourvu d’une grande pièce et de chambres d’amis, lui a permis d’accueillir pendant les réunions ayant trait à l’Isan’Enimbolana les missionnaires, tels que le pasteur Mondain qui travaillait à Diégo Suarez, les pasteurs de passage à Antananarivo. Même les élèves pasteurs originaires de différentes régions de Madagascar qui s’y arrêtaient avant de se rendre au Collège théologique d’Ambatomanga, situé à quelques kilomètres de Manohisoa y trouvaient à chaque fois un accueil chaleureux.

Ramanandraibe entretenait aussi le désir de voir se développer parmi la presse locale d’information générale, déjà florissante en son temps, un journal de tendance protestante, à tel point qu’il a fait partie de l’équipe des initiateurs du journal hebdomadaire de la Fédération des Églises Protestantes à Madagascar, intitulé Fanasina (“Sel”), dont il a été le principal promoteur.

Il importe également de mentionner que Ramanandraibe, sans appartenance politique déclarée, était un homme engagé. Lors des élections pour la députation de Madagascar auprès de l’Assemblée constituante française de 1945, il a fait partie du comité de soutien de la candidature du Pasteur Ravelojaona, grande figure du nationalisme malgache et de l’intelligentzia de l’époque, personnalité qui a été son compagnon de route pour toute la période de l’Isan’Enimbolana.

Pour comprendre la personnalité de Ramanandraibe, il faut noter, parmi ses livres de chevet retenus par ses enfants, les ouvrages du Pasteur Charles Wagner [5] “Un homme,” ouvrage qui porte en épigraphe: “Il y a plus grand qu’un grand homme, c’est un Homme” et “Les Miracles de la volonté.”

Ramanandraibe est décédé le 11 janvier 1973 à l’âge de soixante-treize ans. Son souvenir restera dans l’histoire de l’église protestante malgache, en particulier, au Département de l’Evangélisation FJKM, où il avait joué un rôle important pour la bonne marche de l’Isan’Enimbolana, aussi bien que dans sa paroisse à Manohisoa. Après les obsèques qui ont eu lieu à la paroisse internationale d’Andohalo, en présence de nombreuses personnalités, et où le pasteur Lucien Peyrot a terminé son homélie en larmes, il fut inhumé au caveau familial à Manohisoa.

Berthe Raminosoa Rasoanalimanga


Notes:

  1. Le responsable de l’état civil a insisté qu’on lui donne un prénom français, lors de son inscription à l’état civil et les gens avaient l’habitude, en ce temps là, de prendre les prénoms inscrits sur le calendrier.

  2. On désigne par brèdes, les légumes vertes telles les cressons et les choux de chines.

  3. Le Isan’Efabolana, en abrégé I4B : organe de décision au sein de la Mission Protestante Française (MPF), où chaque paroisse du même district MPF est représentée par des délégués qui se réunissent tous les quatre mois (d’où son nom). C’est ce comité qui est responsable de l’organisation et de la prise de décision pour lesdites paroisses.

  4. L’Isan’Enimbolana, en abrégé I6B (se réunissant tous les six mois) fut créé en 1868, au lendemain des persécutions religieuses qui ont duré une trentaine d’années. C’était une institution protestante bien organisée, et avait pour mission d’évangéliser les autres régions de l’Île qui n’avaient pas encore reçu la Bonne Nouvelle. Les missions protestantes présentes en cette époque en étaient membres (LMS, MPF, FFMA) ainsi que l’Église du Palais, fondée par la reine Ranavalona II.

Tous les six mois l’Isan’Enimbolana tenait à Antananarivo, la réunion de son comité et faisait venir les évangélistes pour le rapport de leur travail ; en même temps, des cultes étaient organisés pendant la durée de la session, certains destinés aux jeunes, d’autres aux femmes. Les prédications étaient données par des pasteurs renommés et constituaient de véritables recyclages périodiques pour les communautés chrétiennes en train de se développer. On y annonçait aussi les besoins en matière d’évangélisation (Bibles ou portions de la Bible, tracts, manuels d’alphabétisation), de gestion des ressources humaines (évangélistes, pasteurs, instituteurs, en activité et à la retraite) et d’infrastructures (souvent ravagées par les cyclones qui frappent périodiquement Madagascar) dans les zones non touchées par l’Évangile. Ainsi, on faisait des collectes de dons, et on y retrouvait quelquefois, des boucles d’oreilles, des pendentifs, ou des bracelets en or. L’Isan’Enimbolana est devenu aujourd’hui le Département Evangélisation (AFF) au sein de l’Église de Jésus Christ à Madagascar (la FJKM).

  1. Charles Wagner (1852-1916) : Charles Wagner, est né en 1852 à Vibersviller en Lorraine, dans une famille de pasteurs luthériens. C’était un pasteur libéral français qui décida rapidement de créer sa propre paroisse et commença en utilisant une des pièces de son appartement comme lieu de réunion. Poète depuis sa jeunesse, et orateur captivant, il commença sa carrière littéraire en 1890. Il a écrit de nombreux livres, entre autres, en 1897 “Sois un homme.”

Bibliographie

Revue protestante Ny Gazety Fanavaozana - N°10, octobre 1958, pp 295 -31.

Andrianony, Ny Diarin’ny Fahazatotaonan’ny Isan’enimbolan’ Imerina: 1868-1858 [l’agenda du centenaire de l’ Isan’Enimbolana de l’Imerina] (Antananarivo: Imprimerie protestante- Imarivolanitra, 1958).

Archives de la famille Ramanandraibe.

Hermann Ravelomanana,* Ny lalana nombako* [“Le chemin que j’ai parcouru”] (Antananarivo: Imprimerie FJKM, 1991).

Sources non écrites:

Madeleine Ramaholimiaso Ramanandraibe, fille aînée, expert comptable Antananarivo, Madagascar.

Marcel Ramanandraibe, fils cadet, Chocolaterie Robert S.A. Antananarivo, Madagascar.


Photo:

Prise au cours de la célébration du 20è anniversaire du mariage de Ramanandraibe Joseph et de Razafitsara Félicie en 1956. Ramanandraibe est assis sur le banc, au centre, avec sa femme à sa gauche. Le couple est entouré de leurs enfants et de leurs amis : Pasteur Henri Peyrot et sa femme, Pasteur Lucien Peyrot et son épouse, Pasteur Jacques Vernier et son épouse, ainsi que leur pasteur de paroisse Ramangalahy, assis parterre devant.


Cet article, reçu en 2009, est le produit des recherches de Madame Berthe Raminosoa Rasoanalimanga, directrice du Centre National des Archives FJKM (1984-2007), récipiendaire de la bourse du Projet Luc en 2008-2009.

Joseph Ramanandraibe, Madagascar, Protestant réformé (FJKM)