Collection DIBICA Classique
Tous les articles créés ou soumis au cours des vingt premières années du projet, de 1995 à 2015.Ranavalona II
La reine Ranavalona II succéda à la reine Rasoherina, sa cousine, après son décès survenu le 1er Avril 1868. Ses quinze ans de règne introduisirent différentes innovations dans la vie quotidienne des Malgaches qui perdurèrent jusqu’à nos jours comme, par exemple, l’abandon par la royauté des croyances religieuses ancestrales, jadis le fondement du pouvoir politique.
Ranavalona II est née en 1829 sous le nom de Ramoma dans le palais d’Ambatomanoina, quartier de Masombahiny. Elle est la fille du prince Razakaratrimo qui était prince d’Ambohitrambo de par sa femme. Sa mère, la princesse Rafarasoa Ramasindrazana était la fille de la sœur d’Andrianampoinimerina, ce qui lui conférait la légitimité du pouvoir, selon la règle de succession érigée par le grand roi. Elle appartenait à la dynastie Merina.
On lui donna comme époux le premier ministre Rainilaiarivony, fils de Rainiharo et de Rabodomiarana, car il était le représentant des Hova.[1] Il épousa successivement les trois femmes régnantes : Rasoherina, Ranavalona II, et Ranavalona III. Il était premier ministre de Madagascar entre 1864 et 1895.
Ranavalona II n’a pas eu de descendant, mais ses frères Ramboasalama, Ramahatrarivo, et Ramonjamanana jouissaient d’une nombreuse postérité.
Ramoma grandit dans un milieu proche des premiers chrétiens et elle prit même part à des réunions de prières clandestines pendant les persécutions. Elle fut élevée par Rainiasivola.[2] Son frère Ramonjamanana, appelé aussi Ramonja, était un prince chrétien. Ramoma était parmi les élèves d’Andriantsiamba,[3] qui était un ami de son frère Ramonja. C’était chez son frère, à Imarivolanitra, qu’elle avait fait sa connaissance. Andriantsiamba lui demanda de se convertir au christianisme. Razafinirina [4] lui a donné une Bible. Dès avant son accession au trône Ramoma s’était déjà convertie au christianisme. C’était une femme active et intelligente.
Dès qu’elle fut nommée reine, elle n’oublia pas d’envoyer aux missionnaires de la London Missionary Society (L.M.S.)[5] travaillant à Madagascar une lettre de réconfort en leur promettant qu’elle ferait le nécessaire pour les aider.
La nuit de la veille de son couronnement, elle pria en privé avec le premier ministre et les pasteurs Andriambelo, Andrianaivoravelona, Rainimanga Rahanamy, Ratsilainga, et Rainitavy–tous de grands pasteurs mûris par la persécution–pour placer entre les mains de Dieu la lourde charge qu’elle allait entreprendre.
Le 3 septembre 1868, sur la place d’Andohalo, eut lieu le couronnement de la princesse Ramoma, sous le nom de Ranavalona II, la première à se faire couronner en tant que reine chrétienne à Madagascar. À la place des idoles royaux, la population vit une Bible à la portée de sa main, placée sur une table, tandis que trois pasteurs, dont Andriambelo, l’assistèrent.
Sur les quatres côtés du baldaquin où se tenait la reine, étaient écrits en lettres d’or le texte biblique de Luc 2 v.14: Sur le côté sud: “Voninahitra any ny Andriamanitra amy ny Avo Indrindra” (Gloire à Dieu dans les lieux très hauts); sur le côté ouest: “Fiadanana amy ny tany” (Et paix sur la terre); sur le côté nord : “Fankasitrahana amy ny olona” (parmi les hommes qu’il agrée!); sur le côté est: “Andriamanitra no antsika” (Dieu est avec nous).
Lors de son avènement, Ranavalona II promulgua le Code des 101 articles, qui stipula entre autres que la pratique religieuse était désormais libre dans son royaume. Elle abrogea tout ce qui, dans les anciennes coutumes, était en contradiction avec les principes généraux de la morale chrétienne, comme la polygamie. Elle publia un décret rendant obligatoire l’éducation des jeunes, y compris des jeunes filles, jusqu’à l’âge de quatorze ans. Cela favorisa l’extension de la scolarisation jusqu’à la région du Betsileo et dans les différents milieux sociaux entrepris par les missionnaires de la L.M.S.
Son règne fut marqué par de grands événements historiques qui relancèrent le christianisme à Madagascar, après la longue période de persécution des chrétiens sous Ranavalona I (1835-1861), qui n’était autre que sa tante. Il laissa une lourde empreinte dans le changement des mœurs malgaches pour adopter une morale plus chrétienne dans la société ; pas une seule vie humaine ne fut supprimée par sentence énoncée par la reine seule.
La reine Ranavalona II faisait beaucoup pour asseoir la religion chrétienne dans le pays. Durant toute l’année 1869, le pouvoir se lança dans la destruction des sampy (idoles)–à commencer par ceux du souverain–puis ordonna la liquidation collective de ces talismans que détenaient les familles et les clans. La religion protestante gagna du terrain parmi les dignitaires du régime et dans la population dans son ensemble.
Ainsi, le dimanche 29 février 1869, la reine et son époux, le premier ministre Rainilaiarivony furent baptisés par le pasteur Andriambelo, à Imanampisoa, une des maisons royales bâties dans l’enceinte du palais. L’assistance, qui comprenait la famille royale, les dignitaires du royaumes, ainsi que les dirigeants des églises à Antananarivo et même le pasteur Andriambelo qui la baptisa était émus, les larmes aux yeux, en voyant la reine faire sa promesse devant Dieu, au cours du sacrement, que Dieu serait son seul maître jusqu’à sa mort. Le baptême d’une reine aurait été inimaginable dix années auparavant. Leur mariage fut aussi célébré religieusement en même temps. Ils devinrent membres de la Sainte Cène, le 4 juillet 1869, après quatre mois d’études du catéchisme.
Ranavalona II oeuvrait pour l’évangélisation en versant tous les ans, à l’occasion de Noël, de fortes sommes au trésor de l’église protestante pour l’entretien des neufs paroisses à Antananarivo et de leur filiales dans les zones rurales aux alentours. Sa contribution permettait d’envoyer des évangélistes dans des régions non encore atteintes par le christianisme.
En juin 1868 la reine Ranavalona II promulgua une loi qui permit de construire en pierre et en brique, alors que jusque-là, les résidences étaient en matériaux “vivants” ou périssables comme le bois ou le bambou. Le Rova (le palais) et toute la ville changèrent de physionomie. La façade extérieur du Rova fut aussi recouverte de pierre. Dans la capitale, entre 1867 et 1870 furent inaugurés les temples encore appelés trano vato (“construits en pierre”), dédiés au souvenir des martyrs à Ambatonakanga, à Ambohipotsy (Rasalama, martyr), à Faravohitra (des martyrs mis au feu), et à Ampamarinana (ceux précipités dans les ravins). D’autres furent construits en brique, dans la ville même, dans tout l’Imerina et le pays Betsileo. Du point de vue urbain, le règne de Ranavalona II modifia considérablement le paysage de la ville, faisant apparaître des constructions de plus en plus massives et résistantes.
Le monument le plus important laissé à la postérité par Ranavalona II fut le temple d’Anatirova (le Temple du Palais), construit en pierre, dont l’architecture était conçue par William Pool, missionnaire de la L.M.S. et qui en dirigea aussi les travaux de construction. La première pierre fut posée le 20 juillet 1869. Ce temple inauguré le 8 avril 1880 marquait aussi une véritable révolution dans la conception de l’espace des Malgaches.
Le règne de Ranavalona II fut marqué par une occidentalisation rapide du pays grâce, notamment, à une intense coopération avec les missionnaires britanniques. Cette occidentalisation conduisit aussi à l’adoption d’un Code des 305 articles, paru en 1881, qui abolit la polygamie et de manière plus générale, réglementa l’ensemble de la vie politique et sociale des Malgaches. Elle poursuivit également la politique de sa cousine et prédécesseur, la reine Rasoherina, en interdisant le commerce de l’alcool et celui des esclaves.
D’autre part, en cherchant à abroger le traité franco-malgache de 1868 qui impliquait une reconnaissance implicite de la mainmise de la France sur les terres du royaume, Ranavalona II attisa le mécontentement des Français qui, en représailles, bombardèrent les principaux ports du pays, Tamatave et Majunga, en 1883.
Ranavalona II mourut quelques mois plus tard, le vendredi 13 juillet 1883, à l’âge de 54 ans. Le lundi 16 juillet, on emmena sa dépouille mortelle au Temple du Palais, dans l’enceinte même du palais, pour un culte d’actions de grâce. Le premier ministre et les hauts dignitaires du royaume ainsi que les missionnaires de la London Missionary Society, Friends’ Foreign Missions Association (F.F.M.A.), Norwegian Mission Society (N.M.S.), Society for the Propagation of the Gospel (S.P.G.) et d’autres représentants étrangers étaient présents. Son corps fut inhumé dans la tombe royale, dans l’enceinte du palais à Anatirova.
Sa cousine Ranavalona III lui succéda et régna entre 1883 et 1896. Elle était la dernière reine de Madagascar avant l’occupation française, le 6 août 1896, date à laquelle Madagascar est déclaré colonie française.
Berthe Raminosoa Rasoanalimanga
Notes:
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Les Hova sont une des classes sociales chez les Merina (un des tribus parmi les dix-huit existants à Madagascar).
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Le martyr Rainiasivola était un ancien devin renommé qui s’ést converti au christianisme. Il fut jeté dans le grand ravin d’Ampamarinana le 28 mars 1849.
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Le martyr Andriatsiamba était un chrétien provenant d’Itanjombato. Il fut capturé le 20 février 1849, en même temps que Rainiasivola. Il ne voulait pas renier sa foi; appartenant à la caste noble, il fut brûlé vif à Ifaravohitra.
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La martyre Razafinirina fut tuée pendant la première vague de la persécution de 1835 à 1861.
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La London Missionary Society était la première mission protestante arrivée à Madagascar en 1818, représentée par les missionnaires David Jones et Thomas Bevan.
Bibliographie:
Richard Lovett, The History of the London Missionary Society: 1795-1895, vol. 1. (London: Oxford University Press Warehouse, 1899). Accessible sur le site Internet : http://books.google.com/
Revue protestante Mpanolotsaina [Le Conseiller], N° 18, avril 1908, pp. 111-124.
Revue de Mcar, N° 9, sept- déc. 1911, pp. 1028-1043.
Pasteur Rabary, Ny daty Malaza: na ny dian’I Jesosy teto Madagasikara [Les dates mémorables sur la trace de Jesus à Madagascar ]. (Antananarivo: Trano Printy Fiangonana Loterana Malagasy, 2004).
James Raoloson, Dictionnaire Historique et Géographique de Madagascar (Ambozontany: Imprimerie Catholique, 1966) .
Lucile Rabearimanana, professeur d’histoire contemporaine, “Ranavalona II : christianisation, innovation et culture malgache (1868- 1883)” in L’Express de Madagascar, journal quotidien, 7 mai 2005.
Cet article, reçu en 2008, est le produit des recherches de Madame Berthe Raminosoa Rasoanalimanga, directrice du Centre National des Archives FJKM (1984-2007), récipiendaire de la bourse du Projet Luc en 2008-2009.
Photos:
[1] La reine Ranavalona II : photo des Wikimedia Commons, the free media repository.
[2] Rainilaiarivony, Premier Ministre : photo de http://freepages.genealogy.rootsweb.ancestry.com/–Recherche sur Google Images.
[3] Photo du palais de la reine à Anatirova, entouré de maisons. Special Collections. Yale Divinity School Library. [Collections spécialisées de la bibliothèque de la Faculté de Théologie de Yale]. Photo dans la série des “Photographies de la mission” de la Yale Divinity Library Special Collections, New Haven, Connecticut. Date: env. 1880-1950. Série “Cartes postales missionnaires.”
[4] Le Temple du Palais à Anatirova-Antananarivo, in The Madagascar Mission, : Sibree, p. 51.
[5] Un guérisseur avec ses talismans, in Fifty years in Madagascar, Sibree, p. 41.
[6] Une idole malgache, in Fifty years in Madagascar, Sibree, p. 41.