Gudu, Wilfred

1880-1963
Église Ana A Mulungu (Église des Enfants de Dieu)
Malawi

Wilfred Gudu est probablement né vers la fin des années 1880, à Machiringa, un village près de la mission (Adventiste du Septième Jour) de Malamulo, au district de Thyolo. On ne sait rien sur ses premières années, mais on sait qu’il était jeune élève dans l’école primaire de la mission de Malamulo en 1906, et qu’il y a reçu une instruction rudimentaire. Il avait comme enseignants deux missionnaires pionniers noirs américains, Thomas Branch et Joel Rogers, ainsi que deux enseignants malawiens, Philip Masonga et Simon Ngaiyaye.

En 1911, Gudu est devenu membre de l’Eglise Adventiste du Septième Jour, et on lui a donné un poste d’enseignant dans une école primaire missionnaire. En 1918, alors qu’il enseignait dans une école au village de Msomera, près de Limbe, il est devenu malade mental pendant un certain temps et il a passé plusieurs semaines à errer nu dans la brousse. Plus tard, Gudu a été transféré à une autre école adventiste à Matandani, dans la région de Neno. C’est là qu’il s’est engagé dans la lutte contre la discrimination et l’injustice. Sans succès, il a protesté contre l’esprit de supériorité Ngoni et a essayé de les faire expulser avec le soutien des autres tribus dans l’école. Les missionnaires adventistes, comme beaucoup d’Européens à l’époque, ne permettaient pas aux Africains de porter un chapeau ou des chaussures en public - une interdiction que Gudu a amèrement critiquée car il voulait en finir avec ces règles. Par mesure de représailles, les autorités l’ont relevé de son poste d’enseignant pour lui donner un poste de menuisier, pour l’empêcher d’avoir une influence sur ses élèves.

Mécontent, Gudu est rentré chez lui et s’est installé à Mdere, à une vingtaine de kilomètres de la mission de Malamulo, et c’est là qu’il a passé neuf ans comme menuisier et prédicateur à mi-temps. Une fois de plus, les choses ont mal tourné pour Gulu quand il a été suspendu par la mission pour son intervention dans un cas d’adultère dans lequel un garçon de la mission était impliqué. Il avait argumenté pour un règlement juste dans l’affaire qui mettait en cause le garçon. Au lieu de suspendre le garçon, c’est lui qui a été suspendu. Il semblait que les missionnaires avaient l’habitude de favoriser certaines personnes, mais d’être durs envers les autres. Quand les cinq mois de sa suspension avaient pris fin, il a été surpris d’apprendre qu’il n’était plus membre de l’église. On lui dit que c’était pour la même raison de sa suspension, mais en plus parce qu’il n’avait pas payé la taxe ecclésiastique pendant sa suspension.

Suite à sa séparation de l’église adventiste, Gudu songea à l’idée de former de sa propre église. Selon les membres de son église, en 1934 Gudu a été saisi par l’esprit de Jéhovah. Il s’est retiré dans la brousse, où il a passé plusieurs jours dans la prière, sans manger. On dit que des serpents se sont approchés de lui sans le mordre. Les gens pensaient qu’il était fou, mais en fait il était en train d’apprendre un autre genre de louange, des noms de mois et de temps. Il reçut l’ordre d’appeler son église “Enfants de Dieu” (Ana a Mulungu) suivant l’évangile de Matthieu 5 v. 9 qui dit, “Heureux ceux qui procurent la paix, car ils seront appelés fils de Dieu.” L’année suivante, en 1935, au village de Kaponda, il fonda une communauté quasi religieuse qu’il appela Ziyoni ya Yehovah (Zion de Jéhovah). Il attira un groupe important d’adhérents qui avaient tous, dès 1939, bâti des maisons en lignes bien nettes des deux côtés d’une petite colline ou se trouvait la maison de Gudu. L’activité du petit village était composée, de manière unique, de travail industriel et de piété religieuse. Chaque jour commençait par la prière en commun, et ensuite, chacun faisait le travail que la communauté lui assignait. Ces activités comprenaient: l’agriculture, la menuiserie, la cordonnerie, l’ouvrage de tailleur, la poterie, le tissage et la vannerie. Tous travaillaient aussi dans un jardin collectif et en partageaient le rendement. Pendant la journée, les enfants allaient dans une école primaire qui appartenait à la communauté. Ils se réunissaient tous à midi pour la prière et retournaient à leurs occupations diverses et se réunissant encore au coucher du soleil dans le kachisi (temple).

Ceux qui devenaient membres de l’église Ana a Mulungu – qu’il s’agisse d’enfants ou d’adultes – n’étaient pas baptisés, mais on leur imposait les mains. Personne ne cherchait un emploi en dehors de la communauté, et tous devaient porter des vêtements blancs, symbole de pureté. La discipline était stricte, et les coupables étaient suspendus et expulsés de Ziyoni ya Yehovah. Ayant reçu une révélation divine, Gudu et sa communauté avaient adapté le système juif de mois et de moments de la journée.

Le prophète Wilfred Gudu faisait figure impressionnante. Il était grand et bien bâti, de teint clair et d’élocution puissante marquée d’un accent Ngoni/Chewa. La plupart du temps il avait l’air sérieux, et il parlait comme s’il grondait quelqu’un. Il portait généralement une robe blanche sans collier qui lui descendait presque jusqu’aux genoux, et une paire de pantalons blancs cousus à la main. Il avait deux clés en bois autour du cou : une pour ouvrir les portes de l’asservissement sur terre, et l’autre pour les portes du paradis.

Dans tous ses sermons, il prétendait être le seul homme à avoir l’évangile véritable qui venait de Dieu. Aussi il était très critique des missionnaires. Il a exprimé ses convictions religieuses plus ouvertement quand son projet d’agriculture–pour rendre sa communauté Ziyoni ya Yehovah d’être autonome–allait à l’encontre des règlements des chefs locaux et du gouvernement colonial. Lui et ses adhérents ont été accusés d’avoir acquis de la terre de manière illégale, et ils en ont été expulsés. Dans la confusion générale autour de cette affaire, il est dit que Dieu a rendu visite à Gudu dans un rêve, lui disant qu’il était temps de se séparer des Européens, et que le gouvernement, désormais, ce serait Wilfred Gudu. A partir de ce moment là, il décida de ne pas payer d’impôt, car selon lui, ceux qui payaient les impôts, c’étaient les fils du mal. Il a même écrit au gouvernement pour les avertir de sa décision. A partir de ce moment-là, Gudu a développé une attitude non coopérative vis-à-vis de l’administration coloniale. Il refusa, par exemple, de fournir l’information exigée par les règlements sur les statistiques religieuses, et en 1937, lui et ses adhérents ont refusé de payer l’impôt sur les huttes. Suite à cela, lui et quelques adhérents ont été arrêtés et envoyés en prison.

En prison il a passé la plupart du temps à lire la Bible et à marquer les passages qui avaient un rapport à situation désespérée. Vers la fin de sa peine, son fichier a été revu. Par crainte qu’il ne provoque davantage d’ennuis dès sa rentrée, on a prononcé une sentence de quatre ans contre lui, mais cette sentence lui accordait une maison, une table, et un revenu annuel pour le soutenir à Zomba. Son devoir était de prêcher la parole de Dieu dans les villages environnants, et beaucoup de gens se sont convertis grâce à son activité. Après cela, Gudu était un homme libre pendant dix ans. Son église a grandi et s’est répandue au delà du district de Thyolo.

Après la première guerre mondiale, le gouvernement colonial a entamé avec une certaine détermination la formulation d’une politique sur la question de la conservation du sol. La question principale dans cette politique concernait la démarcation de bandes de contour dans certaines régions et la construction de barrages de contrôle et d’égouts pluviaux. Cela n’a pas été bien reçu par les indigènes, mais ils s’y sont conformés. Gudu, de sa propre initiative, a refusé de coopérer, pour des motifs “de conscience” ou de religion. Pour lui, la Bible ne disait rien sur l’endiguement et les levées de terre. Pour soutenir sa position, il citait le verset biblique, “Les eaux de la terre auront libre cours.” Lui et ses adhérents ont refusé de créer des digues et ont même démoli les digues créés par le gouvernement sur leurs terrains. Il a été arrêté suite à cet incident et, une fois relâché, il a été déporté loin de Ziyonih ya Yehovah. Dans cet autre endroit, il a aussi eu des ennuis sur la question de la terre avec une société qui cultivait le thé, la Central Africa Company. On lui a interdit de cultiver les champs, et il a été obligé de dépendre des fonds communs de ses adhérents.

Eventuellement, Wilfred Gudu a divorcé sa femme Maggie et a épousé quatre autres femmes, qui selon lui, correspondaient aux quatre coins du monde. Cette action a troublé certains adhérents, et beaucoup d’entre eux l’ont quitté. Il est mort le 14 mars 1963, à Ziyoni ya Yehovah, et a été succédé par Gédéon Stivin, qui est devenu le dirigeant.

Louis W. Ndekha


Bibliographie

  1. J. C. Chakanza, Voices of Preacher in Protest [Voix d’un prédicateur qui proteste] (Blantyre: CLAIM, 1998).

  2. Robert I. Rotberg, The Rise of Nationalism in Central Africa. The Making of Malawi and Zambia: 1873 -1964 [L’essor du nationalisme en Afrique centrale. La création du Malawi et de la Zambie, 1873-1964] (Cambridge, MA: Harvard University Press, 1967).

  3. Albert Kambuwa, “Malawi Ancient and Modern” [Le Malawi ancien et moderne] (manuscrit non publié) (Zomba: University of Malawi, pas de date).

  4. R. B. Boeder, “Wilfred Gudu and Ana a Mulungu,” History Seminar Paper No. 3, Chancellor College 1981 - 1982 [Wilfred Gudu et Ana a Mulungu ; mémoire no. 3 du cours d’études sur l’histoire].

  5. M. C. Hoole, Historical Survey of Native Controlled Churches Operation in Nyasaland 1940, compiled for Police Records MNA, file No. 1A/1341. [Rapport sur l’histoire de l’opération des églises dirigées par les indigènes au Nyasaland en 1940 ; crée pour le compte rendu de la police MNA, fichier no. 1A/1341].

  6. Annual Report of the Provincial Commissioner for the year ended 31st December 1938 (Zomba Government Printer 1939). [Rapport annuel du Commissaire Provincial pour l’année se terminant le 31 décembre, 1938 ; Imprimerie de l’état Zomba, 1939].


Cet article, soumis en 2003, a été rédigé et recherché par Louis W. Ndekha, coordinateur de liaison du DIBICA, surveillé par R. G. Munyenyembe, maître de conférences au Evangelical Bible College of Malawi (Collège Biblique Evangélique du Malawi), une institution affiliée au DIBICA.