Collection DIBICA Classique

Tous les articles créés ou soumis au cours des vingt premières années du projet, de 1995 à 2015.

Ekong, Jonathan Udo

1881-1982
Luthérien
Nigeria

Dans l’histoire de l’église luthérienne du Nigéria, Jonathan Udo Ekong est considéré le patriarche. Ekong fait figure, pour ainsi dire, de tremplin entre les luthériens aux Etats-Unis et les luthériens au Nigéria. Ekong a beaucoup travaillé pour qu’il y ait une église et une école à Ibesikpo, son village natal dans l’état Akwa Ibom au Nigéria. Ses efforts ont été si vaillants qu’avant sa mort, en 1982, il y avait non seulement des églises et des écoles dans tous les villages Ibesikpo, mais aussi des luthériens nigérians qui servaient leurs communautés avec distinction dans l’ensemble du Nigéria, dans la plupart des occupations et des professions. Ekong était le premier membre du clan Ibesikpo à battre le clocher/tronc d’arbre pour appeler les gens au culte. Ainsi, dans un sens bien réel, Ekong était un pionnier et un éclaireur.

Ekong est né en 1881 dans la famille du chef Udo Ekong Nedem Ekping et de sa femme Ubaha Anwa d’Afaha, du clan Ibesikpo, dans la région gouvernemental (L.G.A.) d’Ibesipko-Asutam de l’état actuel d’Akwa Ibom. Avec la mort de plusieurs de ses frères et sœurs, il était le fils aîné de la famille. Pour ses parents, Ekong était Kponesip, qui veut dire, en traduction littérale, “[celui qui] grandit pour redevenir petit.” Ce nom, en Ibesikpo, indiquerait que ses parents avaient perdus beaucoup d’enfants en bas-âge. C’est plus tard quand Ekong a été baptisé qu’il a reçu le nom de Jonathan.

On sait peu de choses sur les premières années de sa vie, parce qu’on ne s’y intéressait pas à l’époque. Néanmoins, comme tout fils Ibibio, Ekong a été initié à tous les cultes et à toutes les sociétés mâles du village. Ces cultes jouaient le rôle de gendarme et de cour d’appel pour toutes les questions qui touchaient à la vie de la communauté.

En 1909, la mission Qua Iboe a établi une petite école de village à Aka-Offot, un village situé à peu près à cinq kilomètres à vol d’oiseau d’Afaha Ibesikpo. Un missionnaire qui s’appelait W. G. Westgarth était installé à Itam. Quand le jeune Ekong et quelques amis ont entendu parler de l’arrivée du Rév. Westgarth, ils sont allés à sa rencontre et ont participé aux cantiques, aux prières, et à l’étude biblique dirigés par le missionnaire.

Quand les gens du village ont entendu parler de la visite des garçons chez le missionnaire, ils étaient très en colère et ont convoqué Ekong à la place du village. Ils se sont plaints amèrement, disant que si une église était établie parmi eux, elle interdirait les danses masquées de la société Ekpo. De plus, si un membre de la société Ekpo mourrait, et que son fils fréquentait l’église, on ne lui permettrait pas de voir le visage de son père. Ils ont aussi protesté en disant que le père d’Ekong, qui était leader proéminent Ekpo, ne pourrait plus désormais sacrifier son fils Ekong pour une cause Ekpo. Les villageois, par conséquent, ont voulu éliminer Ekong pour qu’il ne puisse plus amener les autres jeunes avec lui à l’église, et les membres du culte Ekpo ont attaqué Ekong et ses compagnons.

Quand Ekong et ses compatriotes ont enfin décidé d’inviter le missionnaire à établir une église dans leur village, ils se sont retrouvés face à un autre obstacle surprenant et encore plus important. Le missionnaire leur a dit qu’il revenait aux adultes de demander une église, s’ils en désiraient une. Comme ils étaient toujours enfants, ils ne pouvaient ni obtenir un terrain pour le bâtiment, ni obtenir le matériel nécessaire.

Le 12 janvier, 1913, l’Eglise Libre Unie de l’Ecosse a enfin établi une église à Afaha Ibesikpo. La première sainte communion a été célébrée le 10 octobre 1914, à Afaha. Ce même jour, Ekong a été baptisé et a communié, et quelques mariages ont aussi été solennisés. Même si le premier contact d’Ekong avait été avec l’église Qua Iboe, c’est l’Église Libre Unie, en fait, qui a commencé une mission à Afaha. C’est dans cette église qu’Ekong a enfin été baptisé et a reçu le nom de Jonathan.

Cependant, après quelque temps, l’Eglise Libre Unie n’est pas arrivée sur place pour continuer le travail sur l’église parce que la région Afaha se trouvait à l’intérieur des limites qui avaient été établies pour les autres confessions, comme les Méthodistes, les Qua Iboe, et l’Église africaine. Comme l’Église Libre Unie n’avait pas l’intention de se disputer avec l’Église Qua Iboe, ils ont décidé de s’écarter d’Afaha. Ekong et ses compagnons n’étaient pas heureux, car ils avaient abordé l’église Qua Iboe au début, et celle-ci avait refusé leur demande parce qu’ils étaient enfants.

Plus tard, Ekong a été un dirigeant dans l’église et a servi dans les stations missionnaires, même en tant qu’interprète. Le Rév. Westgarth a aussi demandé à Ekong s’il voulait bien aider à servir la sainte communion. En 1924, Ekong a été formellement nommé évangéliste adjoint et a été envoyé à Itam, avec un salaire respectable de vingt livres sterling par an. Ekong n’avait pas encore un grand désire d’aller à l’école pour réaliser pleinement son potentiel comme serviteur de Dieu.

Au début des années 1920, avec le soutien du Rév. Westgarth, il s’est inscrit à l’Institut Etinan. En décembre 1923, il avait terminé ses études et il est revenu aider le missionnaire Westgarth en qualité d’évangéliste. C’est dans ce poste qu’Ekong a pu rendre visite aux églises de la région Ibesikpo–où il existait jusqu’à quatorze paroisses à l’époque–et qu’il a découvert leurs besoins et leurs problèmes.

En 1926, lors du congrès de l’église Qua Iboe, les leaders Ibesikpo ont fait deux demandes. Ils voulaient une école à Ibesikpo, et ils ont demandé qu’un des leurs reçoive une véritable formation de pasteur. Ils ont demandé qu’Ekong, qui servait alors comme évangéliste à Itam, puisse aller à l’étranger pour recevoir sa formation. Par conséquent, Ekong a obtenu la permission d’aller faire ses études aux Etats-Unis pour qu’il puisse revenir et devenir le pasteur de l’église à Ibesikpo.

Le 31 octobre 1927, Ekong a entamé le voyage vers les Etats-Unis, allant d’Uyo, la capitale de l’état actuel d’Akwa Ibom, à Aba, la ville commerciale qui se trouve dans une région connue aujourd’hui comme l’état d’Abia, pour continuer vers Port Harcourt, la capitale de l’état actuel de Rivers. A Port Harcourt, il a fallu qu’Ekong attende un mois pour reprendre la route vers Lagos en bateau. Il est arrivé à Lagos le 1er décembre 1927, mais là encore, il a été obligé d’attendre, parce que le consul américain s’était rendu à Dakar, au Sénégal.

Enfin, au mois d’avril 1928, après de nombreuses luttes et bien des obstacles, il a pu prendre le bateau vers les Etats-Unis, où il est arrivé en juin. Ekong avait reçu deux mandats très clairs de la part de son peuple : de faire ses études afin de devenir pleinement ministre de l’évangile ; de chercher une église chrétienne vraiment orthodoxe, une église qui serait prête à leur donner la Parole de Dieu.

En 1936, Ekong a obtenu la licence ès sciences, de Howard University.

De 1936 à 1938, Ekong a fait ses études dans la faculté de théologie luthérienne Immanuel, à Greensboro, en Caroline du Nord. Il a été diplômé et aussi ordonné au ministère de l’église luthérienne le 3 juillet 1938.

Pendant ces années passées aux Etats-Unis, il est entré en contact avec le Congrès du Synode Luthérien Évangélique de l’Amérique du Nord. Ce groupe, qui était conscient de l’intégrité de la mission d’Ekong, mais qui n’était pas sûr de ses obligations ni même confiant de ses capacités vis-à-vis de celle-ci, a pris un vote (53 contre 33) pour envoyer une équipe d’évaluation en Afrique. Après avoir brièvement visité le Nigéria, l’équipe a fait un rapport indiquant que le champ [de mission] était prêt.

En 1936, le professeur Henry Nau, directeur de l’équipe et président de la faculté de théologie luthérienne Immanuel, a quitté les Etats-Unis pour se rendre dans la province de Calabar, la région d’Ekong, pour entamer la récolte.

Après avoir surmonté de nombreux obstacles et d’empêchements, Ekong, le premier missionnaire luthérien indigène, est arrivé à Nung Udoe Ibesikpo le soir du 24 avril 1936, pour commencer un ministère parmi son peuple, un ministère qui allait durer quarante-six ans.

Ekong a travaillé sans relâche pour établir l’église luthérienne au Nigéria. L’église a grandi et s’est répandue dans de nombreux districts et de circuits sur l’ensemble du pays. Aujourd’hui, grâce aux efforts singuliers d’Ekong, l’Église luthérienne du Nigéria peut se vanter d’avoir des écoles, des hôpitaux et des centres médicaux, une faculté de théologie, une station de radio chrétienne, une imprimerie, et bien plus.

Jonathan Udo Ekong est entré en gloire éternelle en 1982.

Kemdirim O. Protus


Sources:

Udo, Etuk, Jonathan Udo Ekong, the Log-Bell Ringer: Memoirs of a Patriarch [Jonathan Udo Ekong, le sonneur du clocher/tronc d’arbre : mémoires d’un patriarche]. Publié avec le concours de Concordia Publishing House, St. Louis, MO 63118, 1997.

Onah, A. Emmanuel, mémoire non publié, 2004. Mémoire sur Jonathan Udo Ekong présenté au Département des Études Religieuses et Culturelles, Université de Port Harcourt.


Ce récit, reçu en 2005, est le produit des recherches du professeur Kemdirim O. Protus, maître de conférences au Département des Études Religieuses et Culturelles, Université de Port Harcourt, une institution affiliée au DIBICA. M. Kemdirim O. Protus est aussi coordinateur régional du DIBICA pour le Nigéria et récipiendaire de la bourse du Projet Luc en 2005-2006.