Collection DIBICA Classique

Tous les articles créés ou soumis au cours des vingt premières années du projet, de 1995 à 2015.

Libermann, François Marie Paul (A)

1802-1852
Église Catholique
Non Africains

“Faites-vous nègres avec les nègres.” –François Libermann

Jaigel Libermann, descendant d’une famille juive polonaise, allait devenir rabbin de deuxième génération quand il s’est converti au christianisme. L’érudit alsacien du Talmud avait vingt ans, et avait été influencé par David Drach, un grand intellectuel parisien qui s’était converti au catholicisme. Le 12 novembre 1825, Libermann aussi a été converti et a été baptisé quelques jours plus tard. Il a pris le nom de François après St. François d’Assise. Libermann a fait des études pour devenir prêtre, mais il avait souvent des crises d’épilepsie, et il n’a pas été ordonné jusqu’en 1841, à l’âge de trente-neuf ans. Il ne lui restait que treize ans de ministère actif, mais au cours de ces années, il est devenu une des voix missionnaires françaises les plus importantes du dix-neuvième siècle.

Peu après avoir été ordonné, il a ouvert un noviciat pour la Société du Sacré-Coeur de Marie, pour envoyer des prêtres à l’étranger. Ce nouveau prêtre s’intéressait depuis longtemps aux colonies noires de la France, ayant posé des questions précises aux missionnaires qui avaient servi à la Réunion, au Madagascar, et en Haïti. Au début, seulement trois missionnaires se sont proposés. Le Haïti et l’île Maurice étaient interdits pour des raisons politiques, et les Pères du Saint-Esprit, établis de longue date, considéraient que l’Afrique de l’ouest francophone était leur territoire. En attendant, en réponse au mouvement contre l’esclavage, Rome avait crée le Vicariat Apostolique des deux Guinées, qui s’étendait sur huit mille kilomètres le long de la côte ouest africaine. Le père Libermann a contribué sept prêtres et trois ouvriers laïcs, qui se sont embarqués pour Cap Palmas en 1843. Comme c’était souvent le cas, la maladie et la mort ont vite diminué les rangs des missionnaires. La première station permanente n’a pas été fondée avant le 28 septembre 1844, et elle s’appelait Ste. Marie du Gabon. On a nommé le site Libreville, la contrepartie française de Monrovia, au Libéria, et Libreville est devenu une base pour la lutte contre l’esclavage.

En 1848, Libermann a brisé l’impasse qui existait avec les Pères du Saint-Esprit, et les deux ordres se sont unis. C’est ainsi que Libermann est devenu directeur de la nouvelle Congrégation du Saint-Esprit. L’accord comprenait la supervision d’un séminaire qui servirait à préparer le clergé colonial, et – le point le plus controversé – le projet de former un clergé indigène africain. Entre 1869 et 1910, vingt-deux africains ont été ordonnés prêtres catholiques.

Dans une lettre adressée à ses prêtres au Dakar et au Gabon le 19 novembre 1847, Libermann a dressé une liste de ses idées sur le rôle missionnaire des chrétiens dans un langage parallèle à celui de St. Paul. Il a particulièrement souligné le besoin de kénose, le fait de se vider soi-même pour arriver à la pauvreté et à la solidarité avec les africains. Libermann s’inspirait d’un texte qui se trouve dans Philippiens (2:5-11) selon lequel le Christ, en entrant dans le monde, ne s’est pas établi comme l’égal de Dieu, mais est venu comme serviteur. Dans cette qualité-là, le Christ était prêt à être humilié et à mourir sur la croix. Le texte suivant est la déclaration la plus complète de Libermann du kénose tel qu’il s’applique à une situation missionnaire:

Videz-vous de l’Europe, de ses manières et de sa mentalité; devenez noir avec les noirs et c’est ainsi que vous les comprendrez tel qu’il faut les comprendre; faites-vous noir avec les noirs pour les former comme il faut les former, et non pas à l’européenne. Non, laissez-leur plutôt ce qui leur appartient, et comportez-vous comme des serviteurs se comportent auprès de leurs maîtres, s’adaptant aux coutumes, aux attitudes et aux habitudes de leurs maîtres. [1]

Tourmenté par les migraines et le retour de l’épilepsie, Libermann est mort au début du mois de février 1852. Il n’avait que cinquante ans, et n’avait été actif au champ missionnaire qu’une dizaine d’années, mais son énergie prodigieuse, sa spiritualité profonde, et ses intérêts très divers ont contribué à ce que ses accomplissements figurent parmi les plus durables dans l’histoire missionnaire française: il s’est fait le champion de l’église indigène, qui allait inclure un clergé indigène soigneusement formé et une hiérarchie; il était pour la séparation de l’église de l’état français; il était l’exemple même de la sainteté personnelle, vécue en communauté religieuse; c’était aussi un leader dans l’effort plus grand, la mission civilisatrice des officiers coloniaux français. [2]

Juif polonais, en formation pour devenir rabbin, vous avez trouvé votre chemin vers le Christ et l’Afrique. Erudit et administrateur, dont la vie terrestre a été tourmentée par la mauvaise santé, vous avez trouvé le modèle et la mission de l’église pour votre siècle et le nôtre dans le Christ, qui s’est vidé lui-même pour tout donner sur la croix. Amen.

Frederick Quinn


Notes:

  1. Cité dans Hastings, The Church in Africa [L’église en Afrique], 296.

  2. John Bauer, 2000 Years of Christianity in Africa: An African Church History [2000 ans de christianisme en Afrique: une histoire de l’église en Afrique] (Nairobi, Kenya: Paulines Publications, 1998), 136-141.


Cet article est reproduit, avec permission, de African Saints: Saints, Martyrs, and Holy People from the Continent of Africa [Saints Africains: Saints, Martyres, et Personnes Saintes du Continent Africain], copyright (c) 2002 par Frederick Quinn, Crossroads Publishing Company, New York, New York. Tous droits réservés.