Collection DIBICA Classique

Tous les articles créés ou soumis au cours des vingt premières années du projet, de 1995 à 2015.

Chaumont, Jacques

1914-1985
Église Catholique
Sénégal

Jacques-Henri de Vauchaussade de Chaumont naquit en 1914 d’une grande famille de la région de Bordeaux. Il bénéficia d’une éducation et d’une formation solides dans un milieu profondément chrétien. Après ses études, il s’engagea dans la carrière militaire. Il était officier quand, en 1940, il décida de rentrer dans les Ordres. Prêtre en 1947 dans la Congrégation du St-Esprit, il commença son ministère en France comme propagandiste et animateur missionnaire. Jacques ne s’était pas fait spiritain pour rester en France: il obtint en 1950 sa nomination pour la Guyane où il passa six ans, dans le climat humide de l’Amazonie.

Ensuite, en 1956, ce fut le Sénégal où il devait œuvrer près de trente ans: en Casamance d’abord, huit ans à Balandine, la vie de brousse, deux ans, procureur du diocèse.

En 1967, le Père de Chaumont est nommé à St-Louis du Sénégal: il y resta seize ans, tour à tour curé de Sor et curé de la cathédrale. A la suite d’ennuis de santé, Jacques vint à Dakar en 1983. Il fut d’abord vicaire, puis curé de la paroisse du Sacré-Cœur. Nous avons pu constater lors de ses obsèques, combien il s’était acquis d’estime et d’amitié dans son apostolat missionnaire.

Par suite du manque de personnel, les Spiritains durent laisser en 1984 la Paroisse du S. C. Jacques étant “libre” demanda à ses supérieurs une autre affectation missionnaire. Malgré une carrière déjà bien remplie, malgré une santé fragile et son âge, le père de Chaumont ne voulait pas entendre parler de retraite. Au contraire, il accepta de venir à Tamba pour continuer à servir selon ses possibilités. Tambacounda, vous le savez, n’est point un lieu de douce villégiature. Pendant ces cinq mois, nous avons été témoins de son courage: il ne s’est jamais plaint jusqu’à ce jour du 24 avril où il resta dans sa case, alité. Evacué sur Dakar, son organisme usé par tant d’années de labeur, ne devait pas résister à la congestion pulmonaire qui l’a emporté ce 15 mai 1985. Jacques avait soixante et onze ans.

Il y aurait beaucoup de grandes et belles choses à dire de la vie du père de Chaumont. Je l’ai longtemps connu en Casamance, mais je pense que des confrères, qui ont plus longtemps vécu avec lui en communauté, sont mieux autorisés, que moi pour rédiger sa notice nécrologique.

Pour les lecteurs du bulletin de “l’Eglise au S.O.”, je voudrais en quelques mots, vous dire ce qui m’a le plus impressionné chez Jacques de Chaumont.

Noblesse et modestie le caractérisaient. Sa charité lui donnait une puissance d’accueil peu ordinaire.

Fils de grand famille, Jacques ne s’est jamais prévalu de ses origines ni de ses grades ou talents.

Il gardait néanmoins, dans sa vie quotidienne et dans ses relations, une démarche naturellement noble, avec un soupçon de rigidité militaire.

Le père de Chaumont n’était pas homme à transiger sur les principes, mais sa charité non feinte et une urbanité exquise, lui facilitaient accueil et relations.

Jacques était un artiste non dénué de talents. Peintre et poète à ses heures, il nous laisse des souvenirs que nous garderons précieusement. Son œuvre artistique est toujours frappée d’une spiritualité profonde. Sur le mur de sa case à Tamba, il nous laisse une belle fresque de l’Ascension, ce qui n’a pas manqué ces jours-ci de remuer plus d’un, car Jacques nous a quitté la veille de l’Ascension, pour rejoindre le Premier Né d’entre les morts.

De nombreux poèmes bibliques et de circonstance, ont émaillé sa vie et son ministère.

Il fut plusieurs fois en relation de correspondance avec le Président Senghor, à qui il avait dédié l’un ou l’autre de ses poèmes.

Voici ce que lui répondait Senghor le 21 février 1968:

Mon Père, j’ai bien reçu votre lettre et les deux poèmes que vous avez bien voulu me dédier. En lisant ces poèmes, j’ai constaté que vous avez des dons naturels pour chanter la vie, l’action, et pour prier… Ainsi, vous vous placez au-delà de l’individuel pour atteindre le collectif et l’universel. C’est l’attitude d’un véritable poète…J’ai été très ému de ressentir à travers vos poèmes, la chaleur de votre amour pour mon peuple et mon pays.

Il serait très incomplet de ne pas insister sur la profondeur de la vie spirituelle du père de Chaumont. Sa régularité dans les exercices de la vie religieuse, ses homélies jamais banales. Ses poésies, je l’ai dit, sont toujours sous-tendues d’une forte spiritualité et empreintes d’optimisme. A ce sujet, je vous fais part d’un de ses poèmes typiquement optimiste. La Mort et la Joie.

Cette spiritualité du père de Chaumont est singulièrement marquée d’une délicate dévotion à la Vierge Marie. Le cardinal Thiandoum le savait bien, lui qui a présidé aux obsèques: il a fait mention de son poème à Notre-Dame de Poponguine, et, à l’issue de la cérémonie, il a fait entonner le “Salve Regina.”

Père Jean Bernard


Bibliographie

Père Jean Bernard, (1914-1985), Discours au P. de Chaumont, Afrique nouvelle, Nº 1875, p. 12-18.


Cet article, réimprîmé ici avec permission, est tiré d’Hommes et Destins: Dictionnaire biographique d’Outre-Mer, tome 9, publié en 1977 par l’Académie des Sciences d’Outre-Mer (15, rue la Pérouse, 75116 Paris, France). Tous droits réservés.