Collection DIBICA Classique

Tous les articles créés ou soumis au cours des vingt premières années du projet, de 1995 à 2015.

Creux, Ernest (B)

1845-1929
Protestant
Afrique Du Sud

Ernest Creux, le pionnier de la Mission Romande, est né à Lausanne en 1845. C’est là, aussi, qu’il fait ses classes et ses études de théologie avec son ami Paul Berthoud.

En 1869, à quelques mois des examens finals de la Faculté, il adresse, avec Paul Berthoud, une lettre enjoignant le synode de la petite Eglise libre au Canton de Vaud d’envisager une action missionnaire en terre païenne. Creux et Berthoud se sentaient appelés.

On sait que l’Eglise Vaudoise causa de la chose avec la Société des Missions Evangéliques de Paris. Il fut convenu que les jeunes suisses apprendraient leur «métier» de missionnaires au Lesotho. Ceci réglé, en 1872, Ernest Creux épouse Marie Ansell et tous deux partent pour l’Afrique australe.

En 1874, un champ de missions est découvert aux Spelonken, au nord du Transvaal, et la Mission Vaudoise est fondée. Le 16 avril 1875, les Creux et les Berthoud quittent le Lesotho et font le voyage, en wagons à bœufs, jusqu’au bas-pays du nord. Depuis le Lesotho, jusqu’aux Spelonken, au pied des Zoutpansbergs, on mesure, à vol d’oiseau, 750 km. Mais les voyageurs, eux, traverseront lentement les hauts-plateaux de l’Orange, du Transvaal (quelques troupeaux broutent sur l’emplacement qui devait devenir le plus puissant ensemble industriel et minier d’Afrique: Johannesburg et le Rand). Ils descendent dans le creux de Pretoria qui n’est qu’un centre de la paysannerie Boer avec ses églises, ses magasins. Tout cela bien sommaire! Ils arrivent à destination le 9 juillet de la même année. On est aux Spelonken face à la chaîne des Zoutpansbergs, on fonde la station de Valdezia!

Nos missionnaires se voient bientôt pris dans une situation politique confuse. Ils sont emprisonnés par les Boers, puis les maladies tropicales frappent les familles, des enfants meurent. Cependant les tâches missionnaires sont pressantes. Il faut apprendre une langue, il faut, pour la première fois, l’écrire et la faire lire. On chante beaucoup et Creux, enfant du réveil, transcrit de nombreux cantiques. Creux collabore à la traduction de portions de la Bible.

Dans un climat de tensions politiques et tribales, Ernest Creux ouvre la station d’Elim. C’était en 1879. Mais en 1883, un parti Boer prend les armes pour liquider un chef montagnard. Ce dernier projetait de chasser les fermiers Boers du pays et de soumettre les Gouambas (Ma-Kouapa). Une prompte alliance des fermiers et des Gouambas suivit. Allait-on se battre? Le général Joubert, commandant la troupe Boer, demande à Ernest Creux d’aller parlementer avec le montagnard. Le missionnaire possède et l’autorité et le savoir-faire, voulus en telle circonstance. Son intervention ramène la paix, son nom est béni dans tout le pays.

De pastorale et agricole qu’elle était à l’origine, la tribu des Makouapa (ou magouamba ou, encore, Thongas) était devenue guerrière sous la domination des Zoulous. Mais la découverte des diamants à Kimberley, dès 1869, puis de l’or, à Johannesburg, depuis 1886, fit des Thongas les meilleurs mineurs de l’Afrique australe.

Mais, depuis longtemps déjà, la capitale, Pretoria, a besoin d’employés de maison, de garçons de bureaux, de policiers, d’aides-infirmiers. Et c’est tout un monde qui déserte la brousse, se détribalise, s’urbanise et va s’entassant dans les banlieues de tôle rouillée. C’est une débâcle sociale, les £ en or ouvrent aux noirs les paradis maudits. L’évangile a-t-il un message pour cette Afrique de la ville?

De 1902 à 1910 Ernest Creux fut un des missionnaires des noirs de Pretoria. Avec ses collaborateurs, noirs et blancs, il ouvre des salles de cultes, des écoles du soir, il organise des sections d’Unions Chrétiennes de Jeunes-Gens. Mais, bientôt, le ministère d’Ernest Creux s’oriente vers les malades. L’asile des lépreux indigènes est le théâtre de troubles inquiétants. Les malades africains critiquent et grognent, l’esprit de la maison est détestable. Le directeur appelle Creux à l’aide. Quelques mois passent et l’attitude des malades a changé.

En 1910, Ernest Creux prend sa retraite. Mais pourquoi s’arrêterait-il? Il reste le chapelain des lépreux, on l’appelle auprès des aliénés, mais il se dépense aussi auprès de centaines de prisonniers parqués dans trois pénitenciers. Et, chaque année, plusieurs de ces prisonniers seront pendus. La partie la plus éprouvante de ce ministère est d’approcher ces condamnés, d’engager le dialogue avec eux, dialogues de l’homme, chrétien âgé, et du jeune condamné. Si, quelques fois, le missionnaire découvrit des cas d’erreur judicaire, et réussit à obtenir que le dossier du condamné soit rouvert, il dut accompagner près de quatre cents condamnés jusqu’à leur dernière nuit. Mais beaucoup sont morts sans crainte, en chantant même! Ils avaient saisi le mystère de la passion du Christ.

Ernest Creux est mort à Pretoria, en juillet 1929.

André Clerc


Cet article, réimprîmé ici avec permission, est tiré d’Hommes et Destins : Dictionnaire biographique d’Outre-Mer, tome 2, volume 1, publié en 1977 par l’Académie des Sciences d’Outre-Mer (15, rue la Pérouse, 75116 Paris, France). Tous droits réservés.