Collection DIBICA Classique

Tous les articles créés ou soumis au cours des vingt premières années du projet, de 1995 à 2015.

Huddleston, Trevor (A)

1913
Communion Anglicane
Afrique Du Sud , Tanzanie , Maurice

L’archevêque Trevor Huddleston, un des fondateurs du mouvement anti-apartheid, est un ecclésiastique qui a servi comme missionnaire au Tanganyika, dans l’île Maurice, et en Afrique du Sud. Cependant, c’est avec l’Afrique du Sud et son mouvement de libération qu’il sera toujours lié.

A l’université d’Oxford dans les années 1930, Huddleston était pacifiste et socialiste chrétien. C’est ce cadre de vie qui l’a amené à entrer dans l’ordre des Pères de la Résurrection, un très petit ordre anglican voué à l’action sociale et mieux connue comme les Pères de Mirfield. C’est dans cet ordre qu’il a trouvé une communion agréable d’un esprit monastique qui était vouée à la justice sociale, et où il se sent toujours “chez lui.” En 1943, Huddleston a été envoyé en Afrique du Sud pour soutenir un petit effort missionnaire. Il a commencé à travailler à Sophiatown, un township de 60000 squatteurs près de Johannesbourg, où il a rencontré les circonstances lamentables des africains dans une société raciste. Dans l’espace de quelques années, il est devenu supérieur régional de l’ordre et s’est installé à une autre mission de township peu éloignée, à Rossetenville. Mirfield soutenait St. Pierre, une grande école utilisée par Huddleston pour le développement de leaders noirs. Peter ABRAHAMS, le romancier, était ancien élève, et le leader de l’African National Congress (ANC [CNA]) Olivier TAMBO, ainsi que l’écrivain Ezekiel MPHALELE, y ont enseigné. Hugh MASAKELA, un des élèves, a reçu sa première trompette de Huddleston, qui l’a aussi aidé à former son premier groupe de jazz.

Quand l’apartheid a été codifié en Afrique du Sud dans les années 1950, Huddleston était parmi les premiers à le contester. Quand Sophiatown a été écrasé par les bulldozers en 1955, sa population dispersée et remplacée par un quartier blanc cyniquement appelé Triomf, Huddleston a écrit Naught for Your Comfort [Rien pour votre confort] (1956), un réquisitoire accablant du racisme, du sectarisme et de la persécution légale. Le livre a reçu une publicité mondiale et a causé des controverses, et Huddleston est devenu de plus en plus actif dans le milieu politique. Il a aidé à organiser le congrès qui a dressé la charte de la liberté, la déclaration des principes de l’ANC [CNA]. Il a reçu le plus grand honneur du CNA au congrès, l’Isitwalandwe, pour son travail. Peu après avoir reçu cet honneur, il a été rappelé en Angleterre pour être le directeur des novices pour la communauté de Mirfield. Selon lui, cette mutation était “le plus difficile brin d’obéissance que j’aie jamais été obligé de regarder de face, un deuil écrasant.” Néanmoins, ce déplacement était providentiel, parce que Huddleston a amené la campagne anti-apartheid en Angleterre, et l’a rendue internationale.

En 1960, Huddleston a été élu évêque de Masasi, à Tanganyika, un diocèse rural et un environnement complètement nouveau. Dans l’espace de huit ans il avait formé un successeur africain, et il était rentré en Angleterre. Ensuite, il a été choisi pour être évêque adjoint de Londres, responsable de Stepney, un quartier pauvre dans l’est de Londres. Il a ressenti le contraste : “La privation dans une société d’abondance est infiniment pire que la pauvreté dans une société du tiers-monde, car la dernière comprend des valeurs de communauté qui sont merveilleuses.” Si Huddleston avait espéré prendre sa retraite à Mirfield dans une dizaine d’années, il a été surpris par son élection comme archevêque de l’océan indien, poste qui l’a emmené dans l’île Maurice. Mais de ce poste-là il a vu quelque chose de nouveau: une société pluriculturelle de nombreuses races, de religions, et de groupes ethniques, vivant en partenariat.

Huddleston est rentré en Angleterre en 1983 pour continuer le mouvement contre l’apartheid. Il a été critique du libéralisme blanc, et a soutenu l’idée que ce libéralisme “avait tellement fait pour garder en place la structure de l’apartheid…par sa philosophie essentielle de changement évolutif.” Un homme radical et combatif, Huddleston a dirigé le mouvement pour les sanctions économiques contre l’Afrique du Sud. En Xhosa, son sobriquet c’est “l’intrépide.” Quand l’interdiction sur le CNA a été levée en 1990, il est allé en Suède pour une cérémonie émouvante lors de laquelle il a présenté les dirigeants du CNA à une foule qui les a vivement acclamés.

Alain PATON a décrit Huddleston comme étant “quelqu’un qui brûle d’une envie de servir le monde,” un personnage critique et prophétique des maux sociaux, chez qui, cependant, “il n’y a point de blâme ni de pruderie.” Grand, sec, frêle, le regard pénétrant, Huddleston fait une impression intensément personnelle. Sa sérénité intérieure et sa sainteté transparente semblent intégrales à son engagement pour la justice, mais sa piété personnelle est de la varié anglicane réservée et sans façons. Un compagnon charmant, il apprécie un bon repas accompagné d’un bon vin. Egalement à l’aise avec Nelson MANDELA ou des foules de gamins, ce sont les autres, surtout, qui sont à l’aise en sa présence. Paton s’est servi de Huddleston comme modèle pour le prêtre qui figure dans Cry, the Beloved Country [Pleure, pays bien-aimé]. Même si par la suite ils ont suivis des chemins politiques différents, Paton a néanmoins dit de Huddleston qu’il était “un des saints les plus humains.”

Norbert C. Brockman


Lecture supplémentaire:

Honore, C. B. Deborah. Trevor Huddleston (1998).


Cet article est reproduit, avec permission, de An African Biographical Dictionary [Un Dictionnaire Biographique Africain], copyright © 1994, édité par Norbert C. Brockman, Santa Barbara, California. Tous droits réservés.