Collection DIBICA Classique

Tous les articles créés ou soumis au cours des vingt premières années du projet, de 1995 à 2015.

Kitagana, Yohanna (A)

1858-1936
Église Catholique
Ouganda

Yohana Kitagana, catéchiste laïc, était le premier missionnaire catholique à Ankola et à Kigezi, au sud-ouest de l’Ouganda. Kitagana est né au royaume du Buganda, sur l’île de Busi, au lac Victoria. Sa mère s’appelait Bwayinga. Kitagana appartenait au clan des poissons poumon et il est entré au service de Madzi, le chef de Koki. Quand les missionnaires catholiques sont arrivés à Buganda en 1879, Kitagana avait entre vingt et trente ans. Il s’était déjà enrichi d’une petite fortune et il avait cinq femmes et une fille esclave qui était aussi concubine. Pendant la guerre de 1892, il est allé au royaume d’Ankole pour représenter les réfugiés Ganda dans les négociations. Suite à son retour à Buganda, Kitagana a commencé à s’intéresser au christianisme. Par hasard, il a suivi un cours de catéchèse catholique et a été influencé par l’exemple des chefs catholiques, et surtout par la conversion de chef Kagolo. L’intérêt qu’il a porté au christianisme a grandi alors qu’il travaillait pour le chef Jumba à Bunjako. Une à une, ses femmes l’ont abandonné, et il a donné la liberté à la fille esclave.

Avant d’aller au cours de catéchisme en 1892, Kitagana avait été analphabète. C’est comme catéchumène qu’il a appris à lire et à écrire. Quand il a été baptisé à Kisubi en 1896, il avait déjà décidé de rester seul pour le reste de sa vie. Le nom de baptême de Kitagana était Yohana, où Jean. Lorsqu’il était âgé de presque quarante ans, Kitagana était grand et assez mince, de caractère très agréable. Il s’est installé à la mission de Mitala Maria, et a été fait chef vers 1900. Cependant, au cours d’une retraite qu’il a faite pendant la semaine sainte en 1901, il a ressenti l’appel au service missionnaire. Il a arrêté d’être chef, et a commencé à être catéchiste à Busoga et à Teso, dans l’est de l’Ouganda.

Impressionné par son engagement et par la qualité de son travail, l’évêque Henri Streicher a envoyé Kitagana à Bunyoro pour qu’il puisse travailler avec les missionnaires à Hoima. En attendant, un centre de formation pour catéchistes avait ouvert ses portes à Rubaga, et c’est là qu’on a envoyé Kitagana pour sa formation. Le fait que Kitagana prêchait ardemment le catholicisme à Bunyoro à été interprété comme une forme d’opposition au gouvernement colonial et à l’établissement protestant. On a donc envoyé Kitagana au royaume d’Ankole, à Bunyaruguru, où les britanniques avaient établi une enclave sous les chefs Ganda. Kitagana a commencé une œuvre médicale apostolique se servant de médicaments occidentaux et traditionnels. Il vivait en pauvreté, cultivant sa propre nourriture, et il a commencé à attirer les jeunes de la région. Son premier catéchisme a attiré quatre-vingt personnes. Certains abus de la part des chefs Ganda ont amené la population locale à lui faire des menaces de mort. Quand une révolte Ankole contre les chefs Ganda a eu lieu en 1908, la vie de Kitagana était en danger, mais sa réputation l’a sauvé. Kitagana à fait des reproches aux chefs catholiques vis-à-vis de leurs abus, tout en gardant de bons rapports avec le chef protestant, Kasigano. Il a aussi contesté l’influence des guérisseurs traditionnels et des médiums.

En 1909 les prêtres missionnaires catholiques ont enfin rejoint Kitagana à Ankole et il a demandé d’être affecté à Kigezi en 1910. Kitagana s’est installé à Kagamba, à Mpororo, sous le chef Yohana Ssebalojja, qui était originaire de Bunyaruguru. Comme c’était la coutume, Kitagana a enseigné la religion à la cour du chef. Il a aussi contesté la secte de possession d’esprit Nyabingi, qui avait beaucoup d’influence dans la région. Pendant treize ans Kitagana a préparé le terrain à Kigezi en attendant l’arrivée éventuelle des prêtres missionnaires à Rushoroza, Kabale, en 1923. Une fois de plus, Kitagana a demandé s’il pouvait entreprendre le travail d’évangélisation pionnier, cette fois-ci à Bufumbira. Après encore seize ans, et souvent face à des situations très dangereuses dans une région très traditionnelle et opposée au christianisme, Kitagana est mort et a été enterré au cimetière de Kabale.

Dans l’œuvre qu’il a accomplie, Kitagana a incarné l’expérience ougandaise des évangélistes laïcs africains qui ont précédé l’arrivée du clergé missionnaire étranger. Le succès de l’église catholique dans les régions où il avait fait de l’évangélisation vient en grande mesure de sa piété, de sa foi, et de son travail assidu. Yohana Kitagana était un vrai saint de Dieu. Selon l’historienne Louise M. Pirouet, Kitagana était, “un catéchisre catholique hors mesure.”

Aylward Shorter M. Afr.


Bibliographie

Amand Duval, Yohana Kitagana Catéchiste (Condé-sur-Noireau, France: Editions Corlet, 2002.)

Louise M. Pirouet, Black Evangelists - The Spread of Christianity in Uganda 1891-1914 [Les évangélistes noirs - l’expansion du christianisme en Ouganda 1891-1914] (London: Rex Collings, 1978).


Ce récit, soumis en 2003, a été rédigé et recherché par le dr. Aylward Shorter M. Afr., directeur émérite de Tangaza College Nairobi, université catholique de l’Afrique de l’Est.