Collection DIBICA Classique

Tous les articles créés ou soumis au cours des vingt premières années du projet, de 1995 à 2015.

Senfuma, Thomas Lugudde

1861-1929
Communion Anglicane
Ouganda

Thomas Lugudde Senfuma était un des premiers pionniers à créer des églises au Royaume de Buganda. C’était aussi un vrai travailleur chrétien, un évangéliste, un missionnaire, et un porte-parole pour le Royaume Buganda pendant une période très difficile. Il voulait que le Christ et que les Buganda puissent accomplir de grandes choses dans la région des grands lacs et au-delà.

Senfuma est né en 1861, le deuxième enfant de Yayiro Bulezi. Ses parents ont eu six enfants–une fille et cinq garçons. Le nom Senfuma est originaire du clan des Mmamba (les poisson-chat), mais Lugudde est la forme abrégée de “Lugudde ku Munyoro omuganda ye sekere,” qui se traduit “le destin est tombé sur les Banyoro–que les Baganda rient.” Les Banyoro étaient les grands ennemis des Baganda. Comme le grand-père de Senfuma, Siyita mu Kyoto, avait à charge l’éducation des princes du roi Muteesa I, il était entendu que Senfuma était potentiellement prêt à attaquer ceux qui s’opposaient au roi, et le nom Lugudde servait à indiquer cela.

Senfuma a grandi avec les princes et avait connu le prince Mwanga depuis son enfance. Adolescent, il a quitté son village natal de Kanyike Mawokota et son grand-père pour devenir page au palais du roi Muteesa. C’est là qu’il a acquis des qualités de leadership et qu’il a pu faire preuve de ses compétences. Suite à son mariage, le roi l’a nommé Munakulya, ou chef du compté de Kiboga-Ssingo, où il a servi pendant plusieurs ans.

Lorsque les missionnaires sont arrivés en 1877, Senfuma était déjà au palais. Il a rejoint un des premiers groupes à être baptisés, et selon la tradition, son baptême aurait eu lieu en 1883, un an avant la mort du roi Muteesa.

Plus tard, Senfuma a participé aux conflits religieux. Entre 1888 et 1889 il y a eu des guerres entre les différents groupes religieux à la cour du roi : c’est-à-dire entre les chrétiens et les musulmans, mais aussi entre les protestants et les catholiques. Tous ces conflits ont causé l’interruption de la croissance spirituelle de Senfuma. Il a lutté contre les musulmans et les chrétiens ont gagné. Quand les désaccords terribles entre les catholiques et les protestants ont provoqué la guerre, Senfuma a lutté sous la direction du chevalier Apollo Kaggwa, qui a éventuellement donné la victoire aux protestants.

Senfuma avait beaucoup d’estime pour le roi Mwanga. Mwanga était son pair - ils avaient grandi ensemble. Senfuma s’est tenu à ses côtés et lui a été fidèle en toutes circonstances. Senfuma, le chevalier Apollo Kaggwa, Kisingiri et d’autres chrétiens importants sont venus à l’aide du roi maintes fois. Ils l’ont gardé de la foi musulmane, même si plusieurs fils de Mwanga sont devenus musulmans. Comme tous les enfants de Mwanga ont été tués lors des guerres de religion, Senfuma, Zakalia Kisingiri, Apollo Kaggwa et Yonasani Kayizzi se sont rapprochés de lui et l’ont soutenu dans la prière, lui amenant un soutien moral aussi, à l’occasion. Pour les Baganda, l’amour d’une mère pour son fils ne vaut pas l’amour d’un Baganda pour le roi.

Plus tard, en 1896, quand Mwanga a eu un fils (Dawudi Chwa), ce groupe de protestants du cercle intime, qui comprenait Senfuma, ainsi que plusieurs missionnaires blancs, se sont occupés du jeune prince. Les premiers prêtres anglicans avaient été très clairs sur ce point : la mission qui avait pour but de protéger le royaume Buganda devait aller la main dans la main avec l’œuvre de la prédication de l’évangile du Christ. Senfuma et ses collègues ont donc joué deux rôles lorsque Buganda a été incorporé au protectorat de l’Ouganda en 1894. La survie du Royaume de Buganda nécessitait une base chrétienne solide et bien établie auprès des leaders de l’église et du royaume.

Après les guerres, Senfuma a continué sa formation chrétienne jusqu’à son ordination, en 1896. [1] C’était un des cinq diacres qui sont devenus les premiers prêtres à être ordonnés en Ouganda. C’est l’évêque Alfred Tucker qui les a tous ordonnés : le révérend Batulumaayo Musoke Zimbe, le révérend Nasanairi Mudeeka, le révérend Yonasaani Kayizzi, le révérend Henry Dutta Kitaakule, et le révérend Tomasi Lugudde Senfuma. L’évêque Tucker a assigné Senfuma à Masindi-Bunyoro pendant plusieurs ans avant qu’il ne travaille à Buganda. C’est à Bunyoro qu’il a acquis le surnom “Lugudde”.

Eventuellement, Senfuma a laissé le travail de protection de Buganda et de l’implantation d’églises à ses collègues pour pouvoir se consacrer entièrement au travail missionnaire. L’église à Buganda avait grandi très rapidement entre 1890 et 1930. Certains membres de l’église étaient capables de traduire les Écritures en luganda et en swahili, les langues les plus courantes dans la région des lacs. Les prêtres et les prédicateurs laïcs étaient très empressés de faire l’éducation chrétienne aux autres, alors Senfuma et beaucoup de ses compagnons du même âge que lui ont entrepris des voyages missionnaires au-delà de Buganda. Dans ces voyages, Senfuma avait pour intention d’encourager ses anciens amis qui avaient fondé des églises ici et là dans le protectorat. Il est allé à Bunyoro, Toro, Ankole et Bukoba (Tanzanie). Il est ainsi devenu en quelque manière un pont missionnaire reliant les églises indigènes de Buganda et les églises à l’extérieur.

Senfuma est rentré à Buganda à l’époque de l’allocation des terres qui a suivi l’accord de 1900. Comme il était déjà le chef des kabaka et prêtre, il a reçu à peu près vingt km carrés de terrain. Avec sa femme Lakeeri (Rachel) il s’est installé à Baale-Bulemeezi, où il a batti une très grande maison (qui existait toujours en 2009) et où ils ont eu leur famille. Leurs enfants s’appelaient : Yuda Buwule, Lydia Nakanyike, Yulia Nambalirwa, et Yayiro Bulezi Katwe. Parmi les petits-enfants, c’est le Dr Elizabeth Nabatanzi Lugudde qui continue la tradition chrétienne (2009).

Senfuma a donné un terrain d’environ 7.5 ha carrés pour que l’on établisse une église à Baale. C’est lui qui a bâti l’église, et celle-ci a éventuellement servi de bureau central pour l’archidiacre. En 1918, le révérend Nasanaeri Mudeeka et un missionnaire blanc qui s’appelait Leak [2] ont voulu que le bureau soit réinstallé à Ndejje, et ont beaucoup travaillé à cette fin. La route qui amenait à Baale était trop boueuse et pratiquement impassable pendant la saison des pluies. C’était un voyage très pénible pour le missionnaire blanc, et Ndejje était beaucoup plus accessible. C’est là, aussi, qu’on avait fait une grande allocation de terres à l’église indigène selon l’accord de 1900.

Quand Senfuma a quitté Baale il s’est installé à Luweero pour établir une nouvelle église sur un terrain d’environ 24 ha carrés qui avait été donné par Zakalia Kisingiri. En 1906 Senfuma y a construit une très grande église provisoire dont la toiture était très élevée. Il n’aurait pas pu imaginer que l’église pour laquelle il avait tellement travaillé devienne un jour la cathédrale du diocèse de Luweero. En 2007, cette église a été rénovée et modernisée par l’évêque Evans Mukasa Kisekka.

Le ministère chrétien de Senfuma s’est terminé en 1929, quand il est mort dans un accident sur la route Mityana-Mubende. Il venait de rentrer chez lui après une de ses tournées missionnaires. Sa pierre tombale se trouve à Jjungo Nakawuka, dans le diocèse de Namirembe. Quand ceux qui l’ont connu à Buganda parlent de lui, son nom évoque le vif souvenir d’une chrétienté orthodoxe dynamique.

James Selugo


Notes:

  1. Selon les comptes-rendus de Mukono (voir Kevin Ward, “History of Bishop Tucker College” [Histoire du collège (de l’évêque) Tucker], p. 49), Senfuma a été ordonné diacre en 1899 et prêtre en 1901. Selon Taylor, (John Vernon Taylor, The Growth of the Church in Buganda; an Attempt at Understanding [La croissance de l’église à Buganda; une tentative de la comprendre], London, SCM Press, 1958), l’évêque Tucker considérait qu’il n’était pas prêt à être ordonné avec le groupe mentionné par Selugo en 1896. [De la part du Dr Kevin Ward, courriel du 3 nov. 2009.]

  2. Il s’agit probablement du révérend R.H. [Richard?] Leakey, qui a travaillé à Bulemezi dans les années 1890, et qui est parent de la célèbre famille Leakey du Kenya (missionnaires et anthropologues). [De la part du Dr Kevin Ward, courriel du 3 nov. 2009.]


Bibliographie

Cook, Albert. Uganda Memories(1897-1940) [Souvenirs de l’Ouganda]. Kampala: Uganda Society, 1945.

Diocèse de Luweero. St. Mark’s Cathedral Centenary [Centenaire de la cathédrale de St. Marc]. Illustré, 2006.

Diocèse de Namirembe. Réunion du conseil diocésain. 1906.

Tucker, Alfred. Eighteen Years in Uganda and East Africa [Dix-huit ans passes en Ouganda et en Afrique de l’Est]. London: Edward Arnold, 1911.

Sources Orales:

Kabonge Besweri, 70 ans, parent, village de Bbowa, 2009.

Kisitu E., 83 ans, village de Kigombe, 2009.

Kiwanuka Musa, le révérend canon, 100 ans, village de Luweero, 1996.

Kyebakutika Israel, 75 ans, village de Luweero, 1996.

Nabbowa Dinah, 80 ans, village de Luweero, 2009.

Nseera Cranmer, révérend, 90 ans, village de Luweero, 1996.


Ce récit, reçu en 2009, a été rédigé et recherché par le révérend canon James Selugo de l’université de Ndejje, Ouganda, où il coordinateur de liaison pour le DIBICA.