Collection DIBICA Classique

Tous les articles créés ou soumis au cours des vingt premières années du projet, de 1995 à 2015.

Ssebuggwawo, Denis

1870-1886
Église Catholique
Ouganda

Denis Ssebuggwawo est né à Kigoloba, dans le Compté de Bulemezi, au royaume de Buganda. Sa mère, Nsonga, était membre de la tribu avoisinante Soga. Elle avait été enlevée comme enfant par Nkalubo Ssebuggwawo du clan des rats de canne (Musu), qui l’avait donnée à son fils Kajansi. Nsonga lui a donné neuf enfants, dont trois paires de jumeaux. Denis Ssebuggwawo Wasswa et Isaac Kajane Kato étaient les deux premiers jumeaux, Wasswa et Kato étant les noms traditionnels pour des enfants jumeaux mâles. Peu après leur naissance, Kalubo a été mis à mort par le roi Mutesa I, et Kajansi est allé s’installer à Bunono, dans le Compté de Busiro. C’est là que les deux jumeaux ont grandi jusqu’à ce qu’ils soient présentés à la cour, au successeur de Mutesa, par le membre de leur clan, le chancelier (katikiro) Mukasa, en 1884. Le chancelier a présenté ses propres fils, Mwafu et Kasamitala, à la même occasion.

Ces quatre garçons sont tous devenus pages royaux dans les appartements du jeune roi, Mwanga, sous le contrôle du majordome et futur martyr catholique Joseph Mukasa Balikuddembe. Sous l’influence de ce dernier, Ssebuggwawo et son frère sont devenus des catéchumènes catholiques assidus. Cependant, Kajane a été promu chef avant le début de la persécution de 1885-1886, et a quitté la cour. Mwafu était beau garçon, et il a vite succombé aux propensions homosexuelles du roi, devenant en fait son joujou favori. Ssebuggwawo cependant, résista aux flatteries du roi. Accompagné de Kajane, les deux garcons suivaient passionément l’instruction religieuse chez Joseph Mukasa, qui avait sa propre résidence près du palais. Chaque fois qu’ils le pouvaient, les deux garçons prêchaient leur nouvelle foi parmi leur compagnons à la cour. Une fois, Kajane a même tenté de convertir le roi. Plus tard, lors de la persécution, Kajane n’a pas été martyrisé, mais il a été jeté en prison pendant deux ans.

Quand son mentor Joseph Mukasa a été exécuté en novembre 1885, Ssebuggwawo n’a pas été intimidé. Bien au contraire, son désir de devenir chrétien s’est affermi encore plus, ainsi que sa volonté de mourir pour sa foi, s’il le fallait. Dans la nuit du 16 novembre, 1885, le jour après le martyre de Joseph et la menace du roi, selon laquelle il voulait tuer tous les pages chrétiens, Ssebuggwawo était parmi ceux qui ont quitté le palais en douce pour demander le baptême à la mission catholique. Les missionnaires, émerveillés par le courage et la fermeté des jeunes hommes, ont accédé à leur demande. Ssebuggwawo a été baptisé tout de suite, et a reçu le nom de Denis, patron de la France.

Dans l’après-midi fatidique du 25 mai, 1886, Mwanga est rentré de son expédition de chasse à l’hippopotame à Munyonyo. Ils n’avaient pas vu d’hippopotames, et n’ayant réussi à prendre que quelques oiseaux, le roi était de mauvaise humeur. Les pages n’étaient pas là pour le recevoir à sa rentrée, et il a suggéré avec colère qu’ils étaient partis à leur instruction chrétienne. “Le pays n’est plus à moi!” s’était-il écrié. Au palais, il a appelé les pages, et Ssebuggwawo et Mwafu sont venus en courant. Enragé, le roi s’est attaqué à la porte du dépôt d’armes, y est rentré, et a saisi une petite lance qui avait appartenu à son père Mutesa. Le roi a exigé que les garçons lui disent où ils avaient été. D’après ce que les garçons ont répondu, il a été déterminé que Ssebuggwawo avait été avec Mwafu, qu’il lui faisait une instruction religieuse, et que Mwafu espérait devenir chrétien comme Ssebuggwawo.

Ayant découvert que les affections de son page préféré étaient en train d’être réprimés par l’enseignement chrétien qu’il avait interdit dans son palais, Mwanga a battu Ssebuggwawo sans cesse avec la lance qu’il avait à la main, jusqu’à ce que la lance casse, le blessant à la tête, au cou et au dos. Il a ensuite saisi le garçon par le bras et l’a traîné jusqu’à la cour de la salle d’audiences, tout en criant à haute voix que des hommes viennent le tuer, et menaçant de tuer tous les chrétiens. Deux compagnons musulmans du roi, Kyayambadde et Mberenge, se sont avancés pour prendre Ssebuggwawo. En attendant, le roi, fou furieux, est passé par les enclos du palais, battant le trésorier assistant, Apolo Kaggwa, qui était protestant, et donnant l’ordre de castrer l’honoré catholique Nyonyintono, qui était successeur au majordome Joseph Mukasa. Peu après tout cela, il a rassemblé tous ses serviteurs et pages, et a condamné à mort tous ceux qui se disaient chrétiens.

Kyayambadde et Mberenge ont amené Ssebuggwawo jusqu’à l’extérieur du portail principal et l’ont mis à nu. Comme ils n’avaient pas d’arme, ils ont saisi un couteau de boucher dans une maison avoisinante dans l’intention de lui couper la tête. A ce moment-là, un des bourreaux officiels, Mpinga Kaloke, est arrivé sur scène et a pris les choses en main. Il a amené Ssebuggwawo chez lui et l’a laissé y passer la nuit, lui donnant un petit bout de tissu écorce pour se recouvrir. Le garçon a passé la nuit sans dire un seul mot.

Le bourreau ne voulait pas faire les choses trop rapidement, car Ssebuggwawo était neveu de Mukasa, le chancelier. Cependant, le lendemain Mpinga a donné l’ordre à ses hommes de mettre Ssebuggwawo à mort, et ils l’ont tué dans les bois près de là. Le fait qu’ils n’avaient que des couteaux suggère que le martyr a été tué à coups de couteau. Ils ont laissé son corps dans les bois, et six jours après, un témoin a vu des vautours se nourrissant de ses restes. Se sera le témoignage de Denis Ssebuggwawo qui aura allumé la mèche qui a fait éclater la colère du roi lors de ce jour terrible, le jour qui aura vu le martyre de tant d’autres chrétiens. Denis Ssebuggwawo a été béatifié par le Pape Bénédicte XV en 1920, et a été déclaré saint canonisé par le Pape Paul VI en 1964.

Aylward Shorter M. Afr.


Bibliographie

J.F. Faupel, African Holocaust [Holocauste africain] (Nairobi, St. Paul’s Publications Africa, 1984 [1962]).

J.P. Thoonen, Black Martyrs [Martyrs noirs] (London: Sheed and Ward, 1941).


Cet article, soumis en 2003, a été recherché et rédigé par le dr. Aylward Shorter M. Afr., directeur émérite de Tangaza College Nairobi, université catholique de l’ Afrique de l’Est.