Collection DIBICA Classique

Tous les articles créés ou soumis au cours des vingt premières années du projet, de 1995 à 2015.

Sikatana, Eleazare

1902-1955
Protestant
Zambie

Membre de la tribu des Malozi (Zambie) il naquit en 1902, alors que son pays, Barotseland, était administré par la British South Africa Company, dans un village tout proche de la station missionnaire de Sefula, fondée par François Coillard de la Société des Missions Evangéliques de Paris. Son père, Zakea Munalula, un des premiers convertis au christianisme, était renommé dans tout le pays pour son habileté à couvrir les toits de chaume, selon une méthode introduite dans le pays par William Waddell, un écossais collaborateur de François Coillard.

Le jeune Sikatana, encouragé par ses parents chrétiens, fit d’excellentes études à l’Ecole de Sefula, et à sa sortie de l’Ecole Normale pour instituteurs indigènes, que la mission avait fondée en 1908, le Directeur Augusto Coïsson le voulut à ses côtés pour aider à la formation de futurs instituteurs chrétiens.

En 1921 le gouvernement britannique prit directement à sa charge l’administration de la Rhodésie du Nord. Alors que précédemment l’œuvre scolaire indigène avait été systématiquement négligée par la British South Africa Company et laissée entièrement entre les mains des sociétés missionnaires, le gouvernement colonial prit une série d’initiatives pour développer graduellement et réglementer le travail poursuivi par les missions.

Des hommes intelligents et honnêtes comme Eleazare Sikatana ont collaboré à la bonne poursuite de ce développement avec enthousiasme et persévérance, malgré de grandes difficultés, se heurtant souvent à l’indifférence, et même l’opposition, de la population indigène et de beaucoup de Blancs. Quand en 1928 le gouvernement institua pour les instituteurs indigènes un examen leur donnant droit à un certificat et à un subside permettant une majoration des modestes salaires donnés par les missions, Eleazare Sikatana se classa parmi les tout premiers.

Lorsqu’en 1930 le gouvernement fonda une école dénommée “Jeanes School,” pour la formation d’hommes capables de poursuivre une œuvre de persuasion parmi les villageois pour les amener à améliorer leur niveau de vie et veiller à ce que les écoles contribuent activement à cela, Eleazare Sikatana fut un des premiers élèves. Revenu dans son pays, il exerça une influence étendue et très appréciée auprès des instituteurs et des gens du pays. Un paysan déclara un jour, après l’avoir entendu parler dans un village de la brousse: “J’ai entendu beaucoup de personnes parler et enseigner, mais l’enseignement de Sikatana est extraordinaire.”

Le Conseil des chefs du Barotseland, ayant apprécié la valeur de cet homme, pionnier de l’enseignement dans la région, et voulant bénéficier directement de sa collaboration, lui confia, en 1949, le secrétariat du conseil, en lui donnant le titre de Katema. Comme tel il fit partie de la délégation des Malozi qui accompagna le Chef Suprême Mwanawina III en Angleterre, lors du couronnement de la reine Elizabeth II, et se rendit ensuite avec lui à Paris et en Suisse. Il n’a rien publié personnellement, mais a collaboré de bien des manières à l’élaboration de livres et textes pour les écoles du Barotseland. Comment aurait-il pu se dédier à la littérature alors que sa vie était si active, constamment dédiée au contact personnel avec le peuple, et au service de ceux qu’il pouvait aider à s’acheminer sur la voie du progrès matériel, moral et spirituel ? Le riche héritage qu’il a laissé à son peuple, à sa mort en 1955, c’est toute une génération d’instituteurs et de jeunes hommes et de jeunes femmes, qui travaillent ensemble à la création de la nation de la Zambie, dont le Barotseland fait maintenant partie.

L’un de ses élèves, devenu par la suite un des meilleurs instituteurs de la Mission de Paris au Barotseland, termine par ces mots une brève biographie en Lozi, publiée en 1972, qui a inspiré la rédaction de ces notes: “Partout le chef Katema était connu pour son entière consécration à toutes les tâches qui lui furent confiées. Sa bonté, sa cordialité étaient, pour tous sans distinction. Il a servi Dieu fidèlement; il ne travaillait pas pour être loué par les hommes, mais par amour pour son pays, sa province et toute la Zambie.”

Roberto Coïsson


Bibliographie

Thomas M. Mwikisa Muwindwa, Bupilo bwa Eléazar Sikatana, 1972, Multimédia Publications, Lusaka, Zambie.


Cet article, réimprîmé ici avec permission, est tiré d’Hommes et Destins: Dictionnaire biographique d’Outre-Mer, tome 2, volume 2, publié en 1977 par l’Académie des Sciences d’Outre-Mer (15, rue la Pérouse, 75116 Paris, France). Tous droits réservés.