Le Dictionnaire Biographique des Chrétiens d’Afrique: La cartographie ecclésiastique et le continent invisible

Jonathan J. Bonk

On suppose naturellement que les cartes géographiques dépeignent le monde avec objectivité. Le message de ce livre est que cette supposition est fausse et que les innombrables subjectivités de ces cartes servent à les établir comme des produits significatifs et centraux de leurs cultures mères.-Peter Whitfield, The Image of the World (L’image du monde)

Pour les cartographes [post-Colombiens], les cartes géographiques devinrent des documents éphémères qu’il fallait sans cesse remettre à jour avec de nouvelles informations. Les monstres marins et les fioritures ornamentales disparurent pour laisser la place aux nouveaux bloc continentaux dont les formes étaient dessinées avec de plus en plus d’exactitude. -David S. Landes, The Wealth and the Poverty of Nations (La richesse et la pauvreté des nations)

Le Mappa Mundi d’Hereford, une des cartes géographiques les plus connues au Moyen Âge datant d’environ 1300, illustre de façon frappante la projection historique et théologique sur une image du monde physique. La carte donne de nombreux détails de l’Europe et de la mer Méditerranée, et les villes et villages bien connus s’y bousculent d’Édinbourg et Oxford à Rome et Antioche. Sur ce terrain familier se projettent tous les événements historiques et théologiques importants-la chute de l’homme, la crucifixion, et l’apocalypse. Quant au reste du monde, la plus grande partie de l’Afrique et de l’Asie représente des masses indistinctes remplies d’illustrations grotesques et complexes de mythes répandus à l’époque et de violentes forces démoniaques. [1]

Deux siècles plus tard, le mappemonde Catalan illustre beaucoup plus l’ignorance européenne que la vérité géographique. “La caractéristique géographique la plus étrange,” note Whitfield, “c’est la forme de l’Afrique: à l’extrémité du Golfe de Guinée, une rivière ou un détroit relie l’Atlantique à l’Océan Indien, alors qu’un énorme bloc continental remplit le bas de la carte. Aucun nom de localité géographique n’y est inscrit.” Le continent déborde de rois avec des têtes de chiens, et le paradis se trouve en Éthiopie. Au delà des confins de l’Europe, les lois de Dieu et de la nature étaient apparemment suspendus, et tout était possible. Cette carte représente, selon Whitfield, “une image puissante et dramatique mais non logique et cohérente du monde.” [2]

L’Afrique en tant que “terra incognita” ecclésiastique

Alors qu’on a achevé une clarté considérable dans la cartographie du point de vue de la géographie et de la culture, il est encore vrai, par contraste, que les “cartes” ecclésiastiques représentent mal ou de façon incomplète-si elles n’ignorent pas complètement-l’état actuel des affaires dans le monde, surtout en Afrique.

Un des phénomènes les plus stupéfiants du vingtième siècle était la croissance du christianisme en Afrique. Comme l’a récemment observé Lamin Sanneh,

En 1900, l’Afrique comptait presque quatre fois plus de musulmans que de chrétiens, avec 34,5 millions de musulmans, ou 32 pourcent de la population. En 1962, quand l’Afrique avait plus ou moins échappé à la domination coloniale, il y avait à peu près 60 millions de chrétiens, avec environ 145 millions de musulmans. Parmi ces chrétiens, 23 millions étaient protestants et 27 millions catholiques. Le reste de ces chrétiens, 10 millions, était coptes ou orthodoxes (d’Éthiopie). [3]

Quarante ans plus tard, les chrétiens en Afrique étaient six fois plus nombreux, atteignant près de 380 millions: ce nombre dépasse celui de la population musulmane et représente approximativement 48.37 pourcent de la population totale de 800 millions. [4] Entre 1900 et 2000, la population catholique en Afrique a connue une croissance phénoménale de 6708 pourcent, allant de 1.909.812 à 130.018.400. Dans les cinquante dernières années le nombre de membres de l’église catholique a augmenté de 708 pourcent. [5]

Pourtant, bizarrement, même les spécialistes reconnus de l’histoire ecclésiastique, dans leurs tentatives les plus récentes pour aider séminaristes et leaders d’églises à se retrouver sur la terre ferme du christianisme mondial contemporain, ne font pratiquement pas mention de l’Afrique. En 2002, par exemple, la maison d’édition Westminster John Knox Press a publié un ouvrage de 654 pages de Randall Balmer intitulé Encyclopedia of Evangelicalism (Encyclopédie du mouvement évangélique). L’auteur de ce volume, loin de s’excuser pour l’absence notoire de référence à tout contenu africain ou non-occidental, a simplement reconnu que “le volume favorise nettement l’Amérique du Nord.” [6] L’Afrique est représenté par un petit nombre symbolique de missions occidentales comme Africa Inland Mission.

Sur ce point, le Biographical Dictionary of Evangelicals (Dictionnaire biographique des évangéliques), publié à la fin de l’année 2003, laisse aussi beaucoup à désirer. Ce volume de 789 pages, replet d’informations sur les figures évangéliques des années 1730 jusqu’au présent “offre une lecture fascinante tout en fournissant des informations historiques solides,” comme l’atteste la page de garde, et pourtant un seul noir africain-Samuel Adjai Crowther-est jugé digne d’inclusion. L’introduction explique,

Géographiquement, le champ de référence est le monde anglophone, compris dans le sens traditionnel comme le Royaume Uni, les Etats-Unis, le Canada, l’Australie, la Nouvelle Zélande, et l’Afrique du Sud. Quelques figures de pays non-anglophones ont été inclus si leurs ministères ou leurs réputations ont eu un impact considérable sur les évangéliques anglophones.

Cette focalisation correspond à l’objectif déclaré qui est d’inclure “les personalités pouvant intéresser les chercheurs, pasteurs, ordinands, étudiants et d’autres qui s’intéressent à l’histoire du mouvement évangélique.” [7]

Étant donné que les études cartographiques sont autant la cause que le résultat de l’histoire, si l’on continue à se servir de ces cartes géographiques obsolètes, c’est certain que les guides chrétiens et leurs protégés continueront à se perdre sur le terrain du monde ecclésiastique. Ainsi, malgré les très modestes résultats des efforts de missionnaires du dix-neuvième siècle comme David Livingstone, Robert Moffat, Mary Slessor, et C. T. Studd, leurs noms sont connues partout; par contraste, alors que le nombre des chrétiens en Afrique s’est multiplié de façon astronomique, allant de 8,8 millions en 1900 à 382,3 millions en 2004 [8], les personnages responsables pour cette croissance incroyable, c’est à dire les catéchistes et évangélistes africains, restent pratiquement inconnus. [9]

Qu’un tel état d’affaires persiste, malgré l’énorme déplacement démographique, spirituel, et intellectuel du christianisme mondial du nord au sud et de l’ouest à l’est, s’explique en partie par les facteurs présentés par Andrew Walls dans son article datant de 1991 et intitulé “Structural Problems in Mission Studies” (Problèmes structurelles dans l’étude des missions). Malgré la transformation globale du christianisme, écrit Walls, non seulement les programmes d’études occidentales ne font pas mention de ce phénomène mais encore ils

…ont été adoptés sur les continents de l’hémisphère sud comme s’ils avaient une sorte de statut universelle. Maintenant ils sont obsolètes même pour les chrétiens occidentaux. Par conséquent, beaucoup de pasteurs ayant fait des études conventionnelles ne possèdent ni le matériel intellectuel, ni les connaissances fondamentales pour comprendre l’église telle qu’elle est. [10]

Mais ne serait-ce pas possible que cette lacune troublante dans les ouvrages de référence existants soit, en partie, le résultat d’une absence d’outils de référence fondamentaux donnant un accès facile aux informations sur les chrétiens non-occidentaux,-ces outils nécessaires aux enseignants qui doivent garder le rythme, sous la pression de toutes les responsabilités ordinaires de l’enseignement? Je crois que c’est au moins partiellement vrai. Comme les nouvelles cartes ecclésiastiques n’ont pas encore été créées, les anciennes doivent servir. L’histoire de l’église en Afrique continue ainsi de n’être qu’une parenthèse dans l’histoire des tribus européennes et dans la montée de l’ouest à l’hégémonie mondiale dans le domaine militaire, économique, et social,-une ascension qui a duré 500 ans. L’Afrique reste une “terra incognita,” une masse indistincte sur l’horizon du christianisme si mal compris dans son état actuel.

La plus grande explosion dans l’histoire du christianisme a eu lieu en Afrique dans les cent dernières années et cette croissance continue sur son trajectoire foudroyant jusque dans le vingt-et-unième siècle. On peut donc trouver décevant et alarmant qu’une autre génération de leaders et de chercheurs chrétiens, ainsi que leurs protégés, qui utilisent les ouvrages de référence existants, y compris ceux récemment publiés, ne découvrent pratiquement rien de ce phénomène remarquable, ou des hommes et des femmes qui ont servi (et servent encore) comme les catalyseurs de ce mouvement. L’Afrique reste “le continent mystérieux,” non pas par manque de lumière mais parce que l’académie religieuse, ayant la vision obscurcie, discerne l’Afrique à peine.

Peut-être ne faut-il pas blâmer les rédacteurs de ces ouvrages de référence autrement utiles pour ne pas avoir inclu de sujets africains. En fait, les informations sur les hommes et les femmes qui ont donné naissance à l’église en Afrique sont souvent tout simplement introuvables parmi les ouvrages publiés. Les rares informations qu’on trouve sont souvent inaccessibles sauf aux chercheurs les plus zélés et intrépides.

Un telle vide n’est pas vraiment surprenant, si l’on considère combien c’est difficile de documenter les vies de personnes qui, même si elles savent lire et écrire, ne laissent aucun écrit de leur vie. [11] Mais cela aggrave la tendance troublante déjà existante parmi les ouvrages de référence du christianisme mondial,-une tendance qui perpétue l’illusion de la centralité de l’église occidentale dans le monde chrétien. Quand cette illusion est remise en question, les cartographes ecclésiastiques d’aujourd’hui résistent autant à cette nouvelle perspective, semble-t-il, que l’église catholique a, jadis, résisté à la cosmologie radicale de Copernic. En fait, il n’existe pas d’outils de référence fondamentaux où l’on pourrait trouver les informations sur ceux et celles qui, par leurs vies et leurs ministères, ont produit en Afrique une révolution chrétienne sans précédent dans l’histoire du monde.

Le Dictionnaire Biographique des Chrétiens d’Afrique (DIBICA)

Entre le 31 août et le 2 septembre 1995, une consultation académique de modestes proportions a eu lieu à Overseas Ministries Study Center à New Haven, Connecticut, aux États-Unis. L’objectif en était de discuter le besoin d’un dictionnaire international de biographies de chrétiens non-occidentaux. Le titre proposé pour le premier volume était: Un registre d’histoire orale de biographies de chrétiens d’Afrique. L’annonce officielle publiée par les participants à la conclusion de la consultation résumait la raison d’être et le modus operandi dudit Dictionnaire:

Une équipe internationale de chercheurs envisage de créer un Dictionnaire Biographique des Chrétiens d’Afrique. Alors que le caractère et la croissance du christianisme en Afrique est sans précédent historique, les informations sur les personnages locaux importants au coeur de ce mouvement sont presque totalement absentes des ouvrages de référence académiques courants.

Le Dictionnaire traitera du christianisme africain sur tout le continent, de Jésus à nos jours. Ce dictionnaire historique et interconfessionnel fera usage de toute la gamme des ressources écrites et orales. Ce document électronique sera élaboré simultanément en anglais, en français, et en portugais.

Le Dictionnaire stimulera la recherche et la participation locales. Aussi, en tant que base de données électronique, sans droits d’auteur, ce projet unique donne un accès dynamique à des informations vitales permettant de mieux comprendre le christianisme africain. Comme ce dictionnaire n’est pas soumis aux droits d’auteur, il sera possible de le reproduire librement sur le plan local en version imprimée. En effet, de par sa nature électronique, il sera toujours accessible aux lecteurs du monde entier.

Les collaborateurs seront tirés du monde académique, de l’église, et des communautés missionnaires en Afrique et ailleurs. Le Dictionnaire comblera des lacunes importantes dans la littérature académique actuelle. Grâce à sa nature dynamique et à la collaboration internationale qu’il engendre, le Dictionnaire stimulera et enrichira l’église et le monde académique. [12]

Les développements subséquents ont démontré la prescience de cette annonce car l’entreprise n’a pas cessé d’avancer depuis lors. En 2005, il y a 101 institutions de recherche, facultés de théologie, et départements d’université dans 19 pays d’Afrique qui sont maintenant formellement affiliées au DIBICA dans l’effort de produire une base de données qui met en mémoire ces biographies de leaders chrétiens d’Afrique. Nous espérons qu’en 2010, cent autres institutions académiques en Afrique se seront officiellement affiliés au projet DIBICA qui est de rechercher et rédiger l’histoire des fondateurs et fondatrices de l’église africaine.

Les contours du dictionnaire

Chronologiquement, le dictionnaire traite de vingt siècles de la foi chrétienne sur le continent africain, ce qui contrebalance la notion que le christianisme en Afrique n’est que l’excroissance religieuse de l’influence européenne au 19è et 20è siècles. Comme le père John Baur rappelle judicieusement à ses lecteurs, “Le christianisme en Afrique n’est ni un événement récent, ni le sous-produit du colonialisme-ses racines remontent à l’époque des Apôtres.” [13] Actuellement, une grande proportion des articles du DIBICA présentent la vie de personnages ayant vécu avant le 13è siècle: 378 noms font partie de la section appelée “l’église de l’Antiquité” et 160 des plus de 500 personnages associés avec l’Ethiopie orthodoxe ont vécu avant le 12è siècle, comme aussi la majorité des personnages coptes qui sont identifiés comme étant égyptiens.

Pareillement, du point de vue ecclésiastique, étant donné que l’expression de la foi chrétienne en Afrique ne se prête pas facilement pas aux tests d’orthodoxie euro-américaines, le dictionnaire se veut inclusif plutôt qu’exclusif. [14] Comme avec n’importe quel ouvrage encyclopédique, c’est naturellement au lecteur d’exercer le droit d’exclusion. Ainsi, par exemple, certains personnages clefs associés avec des organisations héterodoxes comme l’Église des Saints des derniers jours (les Mormons), la Société de la Tour de Garde, ou bien encore avec des églises indépendantes africaines parfois très controversées, sont inclus parce que ces communautés se disent chrétiennes. [15]

Les critères d’inclusion sont aussi larges et flexibles que possible. En général, seront inclues les personnes ayant fait une contribution importante au christianisme africain dans leur église, sur le plan local, régional, national, ou continental ou bien si leurs biographies sont essentielles pour comprendre l’église telle qu’elle est. Alors que les articles principaux se limitent en général à ceux qui sont africains de naissance ou par le biais de l’immigration, les personnages non africains comme les missionnaires étrangers seront aussi inclus si, dans l’opinion des Africains, ils ont fait une contribution importante à l’histoire de l’église africaine. Pareillement, alors que la majorité des sujets sont des chrétiens reconnus, certains non chrétiens seront inclus s’ils ont joué un rôle directe et important dans le développement régional ou national du christianisme.

Sur le plan linguistique, les articles du dictionnaire sont maintenant en anglais, avec un petit nombre en français. Il est prévu de rendre le dictionnaire accessible en cinq langues,-les langues parlées dans les régions où la présence chrétienne est vitale: anglais, français, portugais, swahili, et arabe. Comme les articles sont sans droit d’auteur, rien n’empêche qu’une institution de recherche, une faculté ou une personne entreprenante traduise les articles dans n’importe quelle langue. Cependant, notre intention est de recevoir les articles dans une de ces cinq langues et de les faire traduire dans les quatre autres langues. [16]

Des normes pour le format et le contenu ont été établies pour assurer une certaine mesure d’uniformité dans l’information biographique et la structure des articles. [17] Si une donnée comme la date de naissance est connue, elle est inclue. Sinon, il faut essayer de relier la naissance du personnage avec une période particulière ou un événement notable. Quand c’est possible, il faut consulter des ouvrages publiés aussi bien que des sources orales. Quoique la documentation puisse représenter un sérieux challenge, les normes employées sont en général celles utilisées par ceux qui travaillent dans le domaine de l’histoire orale. [18]

Le choix et l’arrangement des noms africains a toujours été un challenge particulier, comme l’indique Norbert C. Brockman dans l’avant-propos de son African Biographical Dictionary (Dictionnaire biographique africain):

Les noms ont des sens symboliques et même descriptifs dans beaucoup de groupes africains et une personne peut avoir plusieurs noms, sans compter les variations dans l’orthographe… On ne met pas toujours les noms dans le même ordre qu’en Occident et les “noms de familles” ne sont pas une coûtume universelle en Afrique.” [19]

Dans le cas du Dictionnaire Biographique des Chrétiens d’Afrique, ceci représente moins un problème grâce à la nature même du moyen de communication. Comme le DIBICA est une base de données électroniques, avec le CD-Rom on peut avoir accès aux informations de plusieurs manières, en utilisant les noms du personnage, le nom des églises auxquelles il est affilié, le pays où il habite, sa nationalité, les langues qu’il parle, son groupe éthnique, etc. De même, le problème des noms de pays qui évoluent avec le temps ou les variations dans la nomenclature régionale se résout grâce au médium électronique qui donne accès, par exemple, à un personnage du premier siècle en cherchant par nom, par pays (ex. l’Egypt), ou par catégorie (ex. l’église de l’Antiquité). Pour ceux qui consultent le dictionnaire sur l’Internet, le processus est encore plus facile. Il suffit de faire une recherche sur Google avec le nom du personnage biographique-par exemple, Biru Dubalä-et l’on vous indiquera la page index de l’Éthiopie dans le Dictionnaire Biographique des Chrétiens d’Afrique.

Recueillir, publier, et distribuer les articles

Le réseau de collecte des données du projet n’est pas hiérarchique mais latérale-une sorte de “toile d’araignée,” avec OMSC qui sert comme lien entre tous les centres de collecte de données affiliés au DIBICA. [20] Cette toile s’étend déjà à de nombreux points et d’institutions partout en Afrique, comme on l’a mentionné ci-dessus. Dans certaines institutions, les étudiants doivent faire la recherche et rédiger un article biographique pour compléter leur cycle d’études. Il faut organiser l’information et rédiger l’article en conformité avec les directives du DIBICA. Pour la version française du DIBICA, les coordinateurs de liaison dans chaque institution envoient les articles au coordinateur régional de l’Afrique francophone qui, lui, les enverra au bureau de New Haven. [21] Le bureau de New Haven est responsable d’entrer les articles dans la base de données.

Pour assurer la légitimité du personnage choisi et l’exactitude historique du récit, au bas de chaque article du DIBICA sont inscrits les noms de l’auteur, de l’institution affiliée, et du coordinateur de liaison. Une fois par an, les institutions affiliées reçoivent la version la plus récente du DIBICA sur CD-Rom. Ces institutions sont libres d’utiliser le contenu du DIBICA comme bon leur semble-en indiquant la source de leur information-pour préparer leurs programmes de cours, des lectures supplémentaires, ou des livrets. Il n’y a pas de restriction sur la reproduction du CD-Rom.

Les personnages biographiques-plus de 1000 maintenant-sont inclus si la communauté chrétienne locale estime qu’ils ont joué un rôle remarquable. De plus, les assocíés du DIBICA continuent de rechercher des informations sur les identités et les biographies de chrétiens africains importants dans toutes sortes d’ouvrages publiés: les archives des églises et des missions, les ouvrages sur l’histoire d’une église, d’une mission ou d’une dénomination particulière, les thèses doctorales et de maîtrise, les magazines internes d’églises et de sociétés missionnaires, sans oublier les ouvrages de références et les dictionnaires biographiques existants.

On produit le dictionnaire comme une ressource sur Internet. Chaque année, la version la plus courante est distribuée sous forme de CD-Rom à toutes les institutions affiliées en Afrique. La publication électronique est désirable car, de plus en plus, les ouvrages académiques et les livres de référence apparaissent en version digitale. Il y a presque dix ans, le directeur du Center for Advanced Instructional Media (Centre d’éducation sur les médias) de l’université de Yale a parlé de cette tendance, évoquant les implications sur l’organisation et et les techniques de la publication sur Internet:

Regardez ce qui est arrivé aux encyclopédies: la vente des versions digitales sur CD-Rom a surpassé celle des versions sur papier cette année [1995], et au rythme actuel, il n’y aura peut-être plus d’encyclopédies sur papier en production dans deux ans (que les collectionneurs en soient avertis). Les avantages financiers de la publication sur Internet ou sur CD-Rom sont si grands que, dans le monde des livres académiques et des revues professionnelles sensible à la fluctuation des prix et en manque sérieux de capital, la publication deviendra essentiellement digitale et interconnectée bien avant que les géants principaux de l’édition aient converti leurs ouvrages disponibles en format digital. [22]

Mais comme le proverbe africain le dit avec ironie, “L’endroit le plus sombre de la maison, c’est sous la bougie,” car, il y a dix ans, on a aussi défini un deuxième aspect, plus négatif, de cette tendance inévitable-selon les optimistes–vers la publication électronique. L’information qu’on ne trouve qu’en version digitale peut très vite tomber en désuétude, victime d’une technologie coûteuse et vouée à l’obsolescence rapide. Jeff Rothenberg, un informaticien haut placé dans le départment social de la RAND Corporation à Santa Monica, en Californie (U.S.A.) explique avec éloquence:

Même si les informations digitales sont théoriquement invulnérables aux ravages du temps, le médium physique sur lequel elles sont gardées est loin d’être éternel… Le contenu gardé sur un médium digital s’évapore bien avant les mots imprimés sur du papier de haute qualité. Souvent ce contenu devient obsolète bien avant, quand le médium est remplacé par un nouveau format incompatible-combien de lecteurs se souviennent des vieilles disquettes d’ordinateurs carrées mesurant vingt centimètres? On peut dire, avec juste un peu d’humour, que les informations digitales pour l’éternité-ou cinq ans, cela dépend de ce qui vient d’abord. [23]

Pour ces raisons, on réfléchit à la possibilité de produire une version imprimée du DIBICA, dans une forme abrégée et rigoureusement éditée, qui serait distribuée aux institutions affiliées après 2010.

Depuis le tout début, le DIBICA a toujours affirmé qu’il faut donner aux églises, aux dénominations, et aux maisons d’édition nationales et internationales, le droit de publier librement une version imprimée de toute la base de données ou des parties qui leur seraient utiles. Si le dictionnaire avait été conçu comme un projet rentable avec droits d’auteur, il n’aurait probablement pas pu circuler partout en Afrique. Les Africains n’auraient pas pu acheter une telle base de données et les articles auraient été inaccessibles aux Africains eux-mêmes. Les frais pour la production et la distribution du dictionnaire, remise à jour, une fois par an, sous forme de CD-Rom sans droits d’auteur, sont pris en charge par le bureau de coordination du projet à New Haven.

La réputation du DIBICA continue de grandir. On nous dit que le dictionnaire est de plus en plus utilisée par les enseignants qui exigent que leurs étudiants prennent l’habitude de consulter la base de données pour leurs devoirs sur l’histoire de l’église africaine. Comme elle représente quasiment la seule source centrale d’informations sur les biographies de chrétiens africains, le site Web du DIBICA reçoit de plus en plus de visiteurs. En juin 2003, la moyenne quotidienne de pages visionnées était de 493 pages alors qu’en février 2004 cette moyenne était de 717. [24] Entre décembre 2004 et mai 2005, la moyenne quotidienne de pages visionnées était environ 1100.

En outre, le Dictionnaire Biographiques des Chrétiens d’Afrique a stimulé des initiatives de collecte de données sembables ailleurs. Pour le Centre for the Study of Christianity in Asia (Centre pour l’étude du christianisme en Asie) à Singapour (Trinity College) le DIBICA est un modèle pour produire une base de données biographiques des chrétiens d’Asie. Le Centre Don Bosco à Shillong en Inde et l’Église Méthodiste de la Trinité à Selangor Dural Ehsan en Malaisie commencent aussi des projets inspirés du DIBICA. En septembre 2003, on m’a informé de la genèse d’un projet biographique sur le modèle du DIBICA sous la coordination du professeur Jacob Thomas avec une équipe éditoriale consistant des membres du département de théologie contextuel de la Union Biblical Seminary à Pune, en Inde, et soutenu par un conseil consultatif composé uniquement d’Indiens. Le projet se concentre sur le sous-continent indien. À sa réunion trimestrielle en juin 2005, le conseil d’administration de Global China Center a décidé, par un vote à l’unanimité, de sponsoriser un Dictionnaire Biographique des Chrétiens d’Asie Orientale inspiré par et basé sur le modèle du DIBICA. Entre le mois de septembre de 2005 et le mois de mai de 2006, le professeur Yading Li, le directeur de ce projet ambitieux, résidera à Overseas Ministries Study Center pour que Mme. Michèle Sigg, la coordinatrice du DIBICA, lui enseigne tout ce qui est relatif au DIBICA et nécessaire pour démarrer l’entreprise.

Conclusion

Un des challenges que le DIBICA continue d’affronter, c’est l’inégalité du contenu par pays, par langue, ou par dénomination. Alors que les articles en anglais sont assez nombreux (>1000), il n’y en a qu’une cinquantaine en français et les trois autres lingua franca (swahili, portugais, et arabe) ne sont pas représentées du tout. Ce fait ne s’explique ni par un oubli ni par la négligence mais par le fait que le DIBICA reflète seulement les articles qui ont été soumis. Ce ne sont pas ceux qui facilitent le projet à New Haven mais plutôt les institutions affiliées et leurs coordinateurs de liaison en Afrique qui jouent le rôle central dans la recherche et la rédaction des articles.

Tous ceux qui explorent le DIBICA se rendront vite compte que la qualité des articles est inégale et que la collection de près de 1000 articles dans la base de données manque de consistence. Certains articles ne contiennent qu’une ou deux phrases tandis que d’autres comptent plusieurs milliers de mots. Certains démontrent une exactitude académique mais bien des articles sont le fruit de rédacteurs qui ne sont ni chercheurs ni historiens. Mais le DIBICA est un outil de la première génération. Si l’on considère aussi que les articles sont sans droits d’auteur, appartenant au peuple africain dans sa totalité, et qu’un peu de mémoire est mieux que l’amnésie totale, il est normal que certains articles soient d’une qualité approximative. On peut tolérer et même accepter cette faiblesse vu les circonstances. Comme c’est un outil des la première génération-une initiative pour essayer de mettre en memoire des informations auxquelles les chercheurs et les leaders des générations suivantes auront accès-une autre génération aura la responsabilité de rectifier les faiblesses et les lacunes inhérentes au DIBICA.

La méthodologie du DIBICA dans le domaine de la recherche, de la rédaction et de la publication des articles est basée sur la cooperation actives des institutions affiliées en Afrique. Parmi les 101 institutions formellement affiliées au DIBICA, un certain nombre n’a pas soumis d’articles. Nous essayons d’encourager ces institutions à incorporer la recherche biographique et la rédaction d’articles dans le programme de leurs cours d’université ou de faculté de théologie, tout en suivant les normes du DIBICA.

Depuis 1999, au cours de mes voyages pour le DIBICA, j’ai visité des dizaines d’universités, de facultés de théologie, et de centres de recherche au Kenya, en Éthiopie, en Ouganda, en Zambie, au Ghana, au Nigéria, en Afrique du Sud, en Namibie, et en Egypt. C’est au Mozambique et en Tanzanie que je prévois de faire mes prochains voyages. À présent, 101 centres d’études dans dix-neuf pays africains se sont formellement inscrits en tant qu’institutions affiliées, et contribuent aux informations biographiques qui arrivent régulièrement au bureau du DIBICA à New Haven. De plus, le DIBICA a aidé à sponsoriser une série d’ateliers sur l’histoire orale (durée: une semaine) au Kenya, en Zambie, et au Madagascar pour des professeurs et des chercheurs d’un grand nombre de pays d’Afrique. De plus en plus d’églises et d’institutions éducatives coopèrent avec le DIBICA en encourageant leurs membres et leurs étudiants à rechercher et rédiger les récits à l’état brut dont on se sert pour créer le DIBICA. Enfin, le DIBICA collabore activement avec International Association for Missions Studies (IAMS-Association Internationale pour l’Étude des Missions) pour faire circuler un manuel d’archives conçu particulièrement pour les institutions non-occidentales. [25]

Il est évident que l’Afrique a, de plus en plus, une place importante dans l’histoire chrétienne, et pourtant trop de chapîtres de l’histoire du christianisme en Afrique restent peu connus, en particulier en Afrique. En outre, dans la conscience du christianisme en Occident, on continue de voir le continent comme une masse dangereuse et menaçante, connu seulement pour sa capacité à créer des situations tragiques qui assurent le revenu des journaux: la corruption omniprésente, les gouvernements incapables, les famines fréquentes, les guerres civiles, et les génocides. Une réalité parallèle et plus importante, c’est celle des communautés chrétiennes qui illustrent la richesse, la diversité, et la prospérité grandissante de l’église en Afrique. Cette réalité passe souvent inaperçu et pourtant ces communautés servent de centres où règnent la normalité, l’intégrité, et l’espoir. Le Dictionnaire Biographique des Chrétiens d’Afrique, le fruit de la coopération internationale et, en particulier, entre pays africains, se propose, humblement, d’être le premier pas d’un processus de remise à jour de nos cartes ecclésiastiques.


Notes

1. Peter Whitfield, The Image of the World: Twenty Centuries of World Maps (San Francisco: Pomegranate Artbooks, en association avec la British Library, 1994), pp. 20-21.
2. Ibid., p. 26.
3. Lamin Sanneh, Whose Religion Is Christianity? The Gospel Beyond the West (Grand Rapids: Eerdmans, 2003), p. 15.
4. Patrick Johnstone et Jason Mandryk, avec Robyn Johnstone, Operation World: Twenty-first Century Edition (Carlisle, U.K.: Paternoster Lifestyle, 2001), pp. 20-21. D’après les statistiques d’Operation World, les musulmans formaient 41,21 pourcent de la population d’Afrique en l’an 2001. Le taux de croissance annuelle pour les chrétiens était de 2,83 pourcent; celui des musulmans, de 2,53 pourcent.
5. Bryan T. Froehle et Mary L. Gautier, Global Catholicism: Portrait of a World Church (Maryknoll, N.Y.: Orbis Books, 2003), p. 5.
6. Randall Balmer, Encyclopedia of Evangelicalism (Louisville, Ky.: Westminster John Knox Press, 2002), p. vii.
7. Timothy Larsen, rédacteur, D. W. Bebbington et Mark A. Noll, rédacteurs à titre consultatif, et Steve Carter, rédacteur pour l’organisation Biographical Dictionary of Evangelicals (Leicester, U.K., et Downers Grove, Ill.: InterVarsity Press, 2003), p. 1.
8. David B. Barrett et Todd M. Johnson, “Annual Statistical Table on Global Mission: 2004,” International Bulletin of Missionary Research 28, no. 1 (Janvier 2004): 25.
9. Elizabeth A. Isichei, History of Christianity in Africa: From Antiquity to the Present (Grand Rapids: Eerdmans, 1995), pp. 98-99.
10. Andrew F. Walls, “Structural Problems in Mission Studies.” International Bulletin of Missionary Research 15, no. 4 (October 1991): 147.
11. Même un personnage important comme l’évangeliste William Wadé Harris qui, en 1926, était connu pour son succès et son impact stupéfiants sur l’établissement de la foi chrétienne parmi les peuples de la Côte d’Ivoire, “n’a laissé aucun écrit, sauf une demi-douzaine de petits messages dictés.” Voir l’article de David A. Shank, “The Legacy of William Wadé Harris,” International Bulletin of Missionary Research 10, no. 4 (Octobre 1986): 170.
12. Cette consultation, tenue au Overseas Ministries Study Center in New Haven, Connecticut, a été financée par un don de Pew Charitable Trusts’ Research Enablement Program (REP).
13. John Bauer, Two Thousand Years of Christianity in Africa (Nairobi: Pauline Publications, 1994), p. 17.
14. Dans une lettre personnelle qui date du 9 avril 1998, le professeur J. F. Ade Ajayi a noté que “la question de savoir exactement qui est et qui n’est pas un chrétien” n’est pas toujours aussi clairement définie en Afrique comme dans d’autres parties du monde. Pour illustrer sa remarque, il a raconté l’anecdote suivante: une femme instruite “a quitté l’Église Apostolique du Christ pour devenir Témoin de Jéhovah sans forcément se rendre compte qu’elle avait ainsi perdu l’importance centrale du Christ.”
15. Andrew F. Walls identifie six continuités au coeur des branches diverses du christianisme qui persistent à travers les siècles: (1) le culte du Dieu d’Israel; (2) l’importance ultime de Jésus de Nazareth; (3) l’activité de Dieu là où il y a des chrétiens; (4) le fait que les chrétiens appartiennent à une communauté qui transcende le temps et l’espace; (5) l’utilisation d’un ensemble commun d’Écritures; et (6) l’utilisation particulière de pain, de vin, et d’eau. Dans les cas où l’orthodoxie ecclésiastique d’un personnage est douteuse, on peut employer ces critères. Voir l’article de Walls intitulé “Conversion and Christian Continuity,” Mission Focus 18, no. 2 (1990): 17-21.
16. Comme le coût de la traduction professionnelle est astronomique, il faut que la traduction de toutes les biographies dans les cinq langues proposées soit entreprise bénévolement, peut-être par des départements d’études religieuses ou d’histoire.
17. Ces simples directives ont progressivement évolué et sont devenues Un Manuel d’Instructions pour Chercheurs et Rédacteurs (New Haven: Dictionnaire Biographique des Chrétiens d’Afrique, 2005), un livret de 83 pages, traduit et révisé de la deuxième version anglaise. Ce livret explique les techniques essentielles de l’histoire orale et donne des exemples d’articles déjà parus dans le DIBICA.
18. Bien que la recherche dans la tradition orale ne pose pas de problème majeur dans le monde académique, il faut néanmoins observer certaines normes et directives fondamentales: (1) Il faut recueillir les informations orales ouvertement dans un forum ouvert où l’on peut les remettre en question ou y ajouter; (2) ce qui est raconté au chercheur doit être répété à d’autres dans la même région pour vérifier la véracité des faits; (3) il se peut que les traditions orales donnent plusieurs points de vue sur le personnage; et (4) on utilisera la tradition orale pour ajouter aux sources écrites et vice versa. Un des avantages d’une base de données électroniques par rapport à un volume publié, c’est la possibilité d’inclure un champ pour les anecdotes complémentaires (ou même contradictoires) et non corroborées sur le personnage. De telles informations anecdotales donnent du relief et de la perspective sur le personnage, ou au moins sur les points du vue des gens sur celui-ci.
19. Norbert C. Brockman, An African Biographical Dictionary (Santa Barbara, Denver, et Oxford: ABC-CLIO, 1994). Le dictionnaire de Brockman “donne des esquisses de 549 africains d’Afrique Noire de toutes les périodes de l’histoire” (p. vii) Un certain nombre de ces esquisses only été incluses dans le Dictionnaire Biographique des Chrétiens d’Afrique.
20. Le dynamisme du Dictionnaire ne vient pas de fonds occidentaux. Ses articles sont le résultat de l’ingénuité et de l’esprit d’entreprise des africains, plutôt que le sous-produit douteux de fonds étrangers.
21. Le DIBICA a d’abord exploré les possibilités d’installer un bureau de coordination en langue arabe en conjonction avec Global Institute South à Uganda Christian University. Une deuxième possibilité était Khartoum (Soudan). Maintenant le DIBICA explore les possibilités au Caire (Egypt).
22. Patrick J. Lynch, “Publishing on the World Wide Web: Organization and Design,” Syllabus 8, no. 9 (1995): 9.
23. Jeff Rothenberg, “Ensuring the Longevity of Digital Documents,” Scientific American 272, no. 1 (1995): 42. D’après la National Media Lab (www.nml.org), “Les CD-ROMS ont une durée garantie de 10 ans… [alors que] les bandes magnétiques durent entre 5 et 20 ans, les CD conventionnels jusqu’à 50 ans, et le microfilm archival jusqu’à 200 ans. Le champion de la longévité… [c’est] le papier archival, … [qui] devrait durer jusqu’à 500 ans.” De plus, le texte imprimé “évite ce que John Gray, expert de données de l’Université de Michigan, appelle ‘le problème de la technologie instable’-la probabilité que les médias survivront plus longtemps que les appareils capables de les lire.” Voir aussi l’article de Stephen H. Wildstrom, “Bulletin Board: Data Life Span,” Business Week, Juin 17, 1996, p. 22.
24. Cette information sur le site Web vient de Gospelcom Network.
25. Martha Lund Smalley et Rosemary Seton, rédactrices, Sauver la mémoire de nos peuples: Manuel d’archives (New Haven: IAMS, 2003). Des exemplaires de ce manuel, en anglais ou en français sont en vente pour $10 à OMSC, 490 Prospect Street, New Haven, CT 06511.

(Traduction et adaptation de la version française par Michèle Sigg)