Collection DIBICA Classique

Tous les articles créés ou soumis au cours des vingt premières années du projet, de 1995 à 2015.

Aupiais, Francis

1877-1945
Église Catholique
Bénin

Francis Aupiais Francis Aupiais était missionnaire, éducateur et ethnographe. Né en France en 1877 à Saint-Père-en-Rentz, Aupiais entre au séminaire de la Société des Missions Africaines (SMA) à Lyon en 1901, et il est ordonné prêtre en 1902. L’année suivante il arrive au Dahomey (la République du Bénin présente) et (sans compter une réassignation au Dakar pendant la première guerre mondiale de 1915 à 1918), il travaille au Dahomey d’abord comme enseignant, et ensuite comme directeur des écoles de la mission jusqu’en 1926. En 1925, il fonde le journal dahoméen, La Reconnaissance Africaine non seulement pour promouvoir la reconnaissance des qualités positives des traditions africaines mais aussi pour encourager et pour faire publier les études ethnographiques des sociétés africaines faites par les chercheurs indigènes. Lors de son retour en France en 1926, il a mené une campagne contre la pratique française des travaux forcés dans les colonies. Il est devenu membre du comité exécutif de la Semaine annuelle de Missiologie de Louvain organisée par le missiologue jésuite René Charles. De 1926 à 1928, il a fait des études au nouvel Institut d’Ethnologie à Paris. En 1928, il est nommé provincial de la province lyonnaise de la SMA, et il tient ce poste jusqu’en 1931, pour le reprendre en 1937 et le garder, cette-fois, jusqu’à sa mort. Dans Le Missionnaire, œuvre publiée en 1938, Aupiais a fait un survol de la vie et du travail missionnaire en Afrique coloniale francophone. En 1939, il est nommé à l’Académie des Sciences Coloniales (l’Académie des Territoires d’Outre Mer présente), et il est élu député de la première assemblée de la quatrième République française de la section électorale du Dahomey-Togo en 1945. Malheureusement, il meurt avant l’inauguration de celle-ci.

Aupiais tenait en haute estime les coutumes traditionnelles africaines religieuses, sociales, intellectuelles et morales. Il trouvait qu’il y avait dans la religion traditionnelle une terre fertile pour le christianisme, et il a identifié des pierres d’attente qui préparaient le terrain, pour ainsi dire, des africains, les rendant plus ouverts à la transformation de la foi chrétienne: le caractère religieux de l’âme africaine, le désir inné de plaire à Dieu et de se soumettre à sa volonté, et le respect profond du rituel et du sens qu’on y attribue dans la religion traditionnelle. Il pensait aussi que les africains pouvaient enrichir la liturgie catholique si on leur permettait de s’y exprimer selon leur propre compréhension du rapport qui existe entre l’homme et Dieu. C’est pourquoi il intégrait la musique, la danse et les costumes traditionnels aux célébrations des jours de fête chrétiennes. C’est aussi pourquoi il voulait que la foi chrétienne adopte non seulement les lieux de culte, mais aussi les pratiques religieuses de la religion traditionnelle.

Aupiais se souciait des effets nuisibles de la rupture radicale d’avec la tradition qui était exigée par les écoles missionnaires. A cette fin, il a mis en vigueur une stratégie qui mettait en valeur et qui favorisait la culture indigène: son programme scolaire comprenait l’étude du folklore, des chants, des proverbes et de la sculpture dahoméenne. Il était partisan de la formation d’un clergé indigène et travaillait pour qu’on enseigne aux séminaristes la valeur de la littérature de la tradition orale et la pratique de ses divers genres. Il voulait empêcher que l’on inculque aux séminaristes un biais rationaliste et européen qui ne servirait qu’à créer des difficultés entre ceux-ci et leurs paroissiens.

Aupiais était persuadé du fait que les populations africaines indigènes possédaient des qualités morales et religieuses louables avant d’avoir été christianisées. Il cherchait donc à faire la documentation des cérémonies et des pratiques religieuses, ainsi que de la littérature orale, afin de pouvoir prouver aux européens que la culture indigène comprenait un sens d’obligation morale, une révérence du surnaturel, et un certain respect de la tradition et de l’autorité. Dans les pages du journal Reconnaissance Africaine, il supervisait la publication de l’étude ethnographique des chants, des récits, des proverbes, des coutumes, des lois et des religions, etc., indigènes, par divers auteurs indigènes. Il pensait que l’art dahoméen pourrait servir à présenter aux européens des sociétés différentes des leurs, et à cette fin, il a regroupé une collection d’œuvres d’art pour l’Exposition Universelle Missionnaire du Pape Pie XI en 1925. Par la suite, il a aussi organisé des expositions d’art en France. De 1929 à 1930, il a fait un film de nature documentaire sur les efforts de la mission catholique au Dahomey, Le Dahomey Chrétien, ainsi qu’un film ethnographique sur les cérémonies traditionnelles religieuses, Le Dahomey religieux. Aupiais a souvent eu des conflits avec ses collègues de la SMA à cause de son œuvre ethnographique, car pour ceux-ci, son évaluation des religions traditionnelles africaines était trop optimiste. En mars 1931 son supérieur, le R.P. Chabert, a censuré son film ethnographique et lui a interdit de le présenter.

Bruce Yoder


Bibliographie

Sources primaries:

Aupiais, Francis. “Les aspirations religieuses des noirs et leur mise en valeur par le christianisme.” Dans Chercher Dieu. Lyon: Editions de L’Abeille, 1943.

——–. La lumière qui luit dans les ténèbres; la morale pratique des peuples du golfe de Guinée: conférences. Paris: 1929.

——–. Le missionnaire. Paris: Larose, 1938.

——–. Les noirs; leurs aspirations, leur avenir. Lille: Editions Univers, 1945.

——–. “Le paysan nègre.” Dans Semaine de Missiologie. L’âme des peuples à évangéliser: compte rendu de la Sixième Semaine de Missiologie de Louvain (1928). Louvain: Editions du Museum Lessianum, 1928.

——–. Les Proverbes. Regards sur la littérature dahoméenne. Cotonou: Pro manuscripto, 1971.

——–. “Une tentative de régionalisme Africain.” Dans Semaine de Missiologie. Les élites en pays de mission: compte rendu de la Cinquième Semaine de Missiologie de Louvain (1927). Louvain: Editions du Museum Lessianum, 1927.

Sources secondaires:

Balard, Martine. Dahomey 1930: mission catholique et culte vaudou: L’oeuvre de Francis Aupiais (1877-1945) Missionnaire et ethnographe. Paris [etc.]: L’Harmattan, 1998.

Hardy, Georges. Un apôtre d’aujourd’hui, le Révérend Père Aupiais, Provincial des Missions Africaines de Lyon. Paris: Larose, 1949.

VV.AA. Pour une Reconnaissance Africaine: Dahomey 1930, des images au service d’une idée: Albert Kahn (1860-1940) et le Père Aupiais (1877-1945). Paris: Musée Albert Kahn, 1996.

Liens internet:

Francis Aupiais, défenseur des cultures africaines: pour une reconnaissance africaine. Diffusion radio par Laburthe-Tolra, Philippe. Canal Académie, 1er avril, 2007. http://www.canalacademie.com/Francis-Aupiais.html

Il formatore delle future élites del Dahomey. P. Francis Aupiais [biographie italienne]. http://www.missioni-africane.org/396__Il_formatore_delle_future_lites_del_Dahomey_P_Francis_Aupiais

Francis Aupiais [biographie française]. http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/biographies/IVRepublique/aupiais-francis-marie-11081877.asp

Bénin: Le Père Aupiais, par Daniel Cardot, sma [biographie française]. http://www.missions-africaines.net/index.php?id=article&tx;_ttnews[tt_news]=21&cHash;=d07142b53e

Texte digital:

Aupiais, Francis. Le Missionnaire. Paris: Larose, 1938. http://catalog.crl.edu/record=b2100746~S1.html


Cet article a été publié avec la permission du site internet de l’université de Boston sur l’histoire de la missiologie (History of Missiology). L’auteur, Bruce Yoder, était missionnaire dans la République du Bénin avec la Mennonite Mission Network (Réseau de la Mission Mennonite, l’agence Missionnaire de l’église Mennonite aux É. U.) de 1999 à 2009. Il est à présent (2010) en congé d’études pour faire des études de doctorat à la faculté de théologie de l’université de Boston.


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Francis Aupiais

Francis Aupiais

[1] http://www.missioni-africane.org/396_Il_formatore_delle_future_lites_del Dahomey_P_Francis_Aupiais

[2] http://www.canalacademie.com/Francis-Aupiais.html