Moussounga, Jacques Emmanuel

1961–2020
Église Évangélique du Congo
Congo

Jacques Emmanuel Moussounga

Connu de ses étudiants par le surnom « Papa Mouss » et dans sa famille et parmi ses amis par « Grand Mayas », « Grand Emma », « Ya Emma », Jacques Emmanuel Moussounga était un homme honnête, compatissant, dévoué à son Seigneur.

Il est né le 07 février 1961 à Deschavanne, en République du Congo. Ses jeunes parents, Moussounga Jacques, largement connu sous le nom Papa Jacques (23 ans) et Malombe Antoinette ou Madame Jacques (19 ans), avaient déjà une petite fille de quatre ans (Thérèse) et avaient perdu leur deuxième enfant, Dieudonné. Après la prophétie donnée par l’évangéliste Ngoma Moïse : « je vois deux enfants ; un garçon, puis une fille », leur foi fut encouragée par la naissance de Jacques Emmanuel. Et leur reconnaissance au Dieu qui est fidèle et qui console ceux qui ont le cœur brisé était évidente le jour de la bénédiction de leur fils. [1]

Plus tard, Papa Jacques et Mme Jacques ont donné naissance à une fille (Medine), comme le Seigneur leur a promis, ensuite deux autres garçons (Eliser et Aime Anicet) et enfin une dernière fille (Gracia Lucienne). A l’âge de 33 ans et 29 ans, Ils étaient parents de 7 enfants ; 4 garçons (y compris celui qui est mort dans l’enfance) et 3 filles. Jacques Emmanuel était très actif parmi ses frères et sœurs et il aimait les taquiner.

En 1965, Papa Jacques qui travaillait pour la compagnie ferroviaire congolaise : Chemin de Fer Congo Océan, fut affecté à Pointe Noire où il déménage toute sa famille dans le quartier Km4. Au centre du quartier se trouvait la pompe publique où les familles venaient faire la queue chaque soir pour puiser de l’eau potable. C’est dans ce quartier qu’en 1966, âgé de 5 ans, Jacques Emmanuel commence l’école maternelle.

Les parents de Jacques Emmanuel encourageaient sa curiosité ; ils élevaient leurs enfants dans un environnement propice à l’épanouissement spirituel, affectif, émotionnel, physique et mental. Les fermes limites de discipline mises en place leur donnaient un sens de sécurité dans leurs propres personnalités. A l’âge de 6 ans Jacques Emmanuel commence ses études primaires à l’école Saint Pierre B. Il étudie ici jusqu’à l’âge de 12 ans quand il réussit à son certificat d’études primaire élémentaires (CEPE) qui lui donne accès au collège.

Les enfants Moussounga allaient à l’école toujours en groupe, accompagnés d’autres enfants du quartier, car entre leur maison et l’école, il y avait une rivière avec sables mouvants qui s’appelait Tchinouka (un enfant y était mort), une longue traversée de la voie ferrée, une plaine avec une petite forêt, une deuxième rivière remplie de sangsues et enfin l’école. Le chemin pour l’école était aussi infesté de bandits qui violaient puis tuaient surtout les enfants et les femmes. Il y avait plus de sécurité en groupe que dans la solitude.

Un jour Jacques Emmanuel et son ami Michel allèrent à la pêche derrière l’école de Pita. Alors qu’ils pêchaient ils virent un monsieur à l’air sinistre qui débroussaillait une place de l’autre cote de la rivière. Les deux pré-adolescents prirent leurs effets et se mirent à courir. Dès que le bandit les vit, il traversa la rivière et se mit à les poursuivre. Ils furent sauvés parce qu’ils déambulèrent dans la cour de l’école où il y avait beaucoup de personnes.

Les années passées à Pointe Noire étaient très formatrices pour le jeune Jacques Emmanuel. Les heures passées dans la nature entrain de pêcher, nager ou jouer avec ses amis et la consommation d’une alimentation équilibrée, étaient très bénéficiaires pour son développement physique. Les enseignements reçus à l’école de dimanche contribuaient à sa formation spirituelle.

Emotionnellement, il était entouré de l’amour de sa famille. Quand le demi-frère de son père, qui était maire de Mossendjo, s’est retrouvé sans travail à cause des troubles politiques dans le pays, Papa Jacques l’accueillit dans sa maison. La famille Moussounga pris soin de ses besoins physiques, tout en priant pour lui et sa famille restée au village. Ensuite, quand sa famille le rejoignit à Pointe Noire, papa Jacques subvint à leurs besoins pendant tout le temps qu’il fallut à son demi-frère de trouver du travail.

Etant exposé à ce genre de générosité, Jacques Emmanuel développa une sensibilité aux besoins des autres. Un jour, il sauva la vie de sa cadette Medine qui en témoigne ici :

A l’âge de 9 ans, alors que je m’amusais au bord de la mer, une grande vague vint me propulser dans les profondes eaux et je n’eus pas le temps de revenir vers le bord de la mer comme les autres fois. Je fus entrainée par la vague dans l’eau profonde et je commençais à boire « la tasse ». Jacques Emmanuel, âgé de 11 ans, était trop jeune pour me sauver et le cousin qui était chargé de garder un œil sur nous, était en pleine conversation avec d’autres personnes loin de là où nous. Jacques Emmanuel couru demander de l’aide à un monsieur qui vint à ma rescousse et me ramena sur le rivage. Mon ventre était plein à craquer et je me mis à vomir cette eau salée. Si Emmanuel n’était pas là pour moi j’aurais pu me noyer ce jour-là. Le Dieu de mes parents m’avait certainement protégée en utilisant mon frère. [2]

La foi du jeune Jacques Emmanuel grandit en voyant les miracles de Dieu dans sa famille. Pour Papa Jacques, Dieu n’était pas un être inaccessible, mais un ami en qui il se confiait. La guérison de Gracia, la dernière-née de la famille Moussounga, en est un exemple. En 1972, Gracia avait environ 10 mois et soufrait de la méningite. Selon le médecin français qui les reçut à l’hôpital, il n’y avait aucun espoir de la sauver. Ce soir-là un des amis de Papa Jacques l’exhorta de ne pas déranger Dieu pour un cas aussi désespéré mais plutôt de commencer à faire des démarches pour l’enterrement imminent de sa fille. Au lieu de cela, cette nuit Papa Jacques et sa femme la passèrent en prière, demandant à Dieu d’épargner la vie de la petite Gracia.

Le lendemain matin lorsque le médecin arriva, il s’attendait à ce qu’on lui apprenne la mort de l’enfant qui avait la méningite. Cependant, il trouva Papa Jacques en prière avec sa Bible ouverte et il vit l’enfant qui était très mal en point certes, mais qui respirait encore. En outre, il apprit que Papa Jacques avait réussi à faire prendre à Gracia un peu de lait maternelle pendant la nuit en utilisant une petite cuillère. Le médecin demanda à Papa Jacques qui était son Dieu car selon lui, puisque l’enfant avait survécu cette nuit, elle avait une chance de vivre. Papa Jacques lui parla de son Sauveur Jésus Christ. La santé de Gracia s’améliora progressivement et Dieu la guérit complètement au point où l’évangéliste Ngani Martin l’appelait toujours Lazare. Jacques Emmanuel a aussi expérimenté une guérison miraculeuse dans sa jeune vie alors qu’il avait une forte fièvre. Son père pria pour lui et il fut instantanément guérit.

Sa réussite au Certificat d’Etudes Primaires Elémentaire coïncida avec l’affectation de Papa Jacques dans le village de Mvouti où de nouvelles aventures attendaient le jeune enfant sur la pointe de l’adolescence. Mvouti est un village de plus d’une centaine d’habitants, répandus dans les quartiers : la gare, la poste, Massanvou, etc. Mvouti est situé sur la voie ferrée, dans la zone du Mayombe. C’est le domaine de la tribu des Yombés, mais il y a aussi des gens venant d’autres tribus.

A Mvouti, Papa Jacques et sa famille s’installèrent dans l’une des constructions coloniales solides de l’époque. Le rez-de-chaussée constituait la gare ferroviaire, avec ses bureaux et guichets pour les billets. La partie supérieure était le domicile de Papa Jacques, le chef de gare, constitué de 3 chambres, une salle de bains, des toilettes, un salon et la cuisine.

C’est dans ce village que Jacques Emmanuel a commencé ses années de collège. Mvouti était très réputé pour ses serpents de toutes sortes. Un jour, alors que Jacques Emmanuel se rendait au C.E.G, il vit un mamba noir qui s’était enroulé un peu par la queue et s’était érigé tout droit, prêt à mordre. Il recula sans faire du bruit et détala à toute vitesse, remerciant Dieu de ce qu’il avait aperçu le serpent avant que celui-ci ne le morde.

La gare de Mvouti était dangereuse pour les jeunes qui aimaient « gabarer » ; c’est-à-dire ils montaient sur des trains en marche pour descendre plus loin. La plupart des jeunes gens le faisaient, y compris Jacques Emmanuel. Un jour, un jeune homme qui était très doué dans l’art de monter et de descendre du train en marche, se mit à « gabarer » et au moment de descendre, il perdit son équilibre et fut écrasé par le train. Sa mort traumatisa beaucoup de personnes. Le chef de gare décida d’interdire aux jeunes de monter sur les trains en marche. Jacques Emmanuel appris une leçon sur la fragilité de la vie et décida d’obéir à la nouvelle règlementation.

Jacques Emmanuel était un adolescent responsable. Cela se faisait voir dans la façon dont il prenait soin de sa famille. Par exemple, en juillet 1973, sa petite sœur Medine devait aller passer les vacances chez leur tante, accompagnée par le neveu de leur père. Papa Jacques donna à Emmanuel la carte de voyage pour qu’il les accompagne à Dolisie où ils allaient faire la correspondance pour le train qui allait au village.

Après avoir installé Medine (11 ans) dans le train, le neveu fut escorté hors de la gare par un groupe de personnes très en colère. Medine était seule dans le train, sans billet, sans protection et entrain de pleurer et prier. Le train de Jacques Emmanuel était sur le point de partir, mais il décida de s’assurer une fois de plus que tout allait bien pour sa petite sœur, même s’il lui avait déjà dit au revoir, avant de s’installer dans son train. Lorsqu’il vit les larmes dans les yeux de sa sœur et entendit l’histoire, il pris sa sœur et les deux valises et ils repartirent à Mvouti.

Dans ce village, Jacques Emmanuel a continué à jouir de son loisir favori : la pêche. Il passait beaucoup de temps à la rivière Loukoula qui serpente autour de Mvouti. C’est aussi à la rivière que Jacques Emmanuel et ses frères et sœurs ont appris des leçons importantes. Par exemple Madame Jacques disait souvent à ses enfants « nzali a tengimi dwe li busiha » (la rivière s’est lancée dans un parcours tortueux parce qu’elle voyage seule). Par cet adage, elle enseignait à ses enfants l’importance de la famille et de la communauté ; personne n’est un ilot isolé ; la formation du caractère d’une personne se fait en communauté.

Mvouti est aussi le lieu où la foi de Jacques Emmanuel s’est épanouie au point où il a pris une décision personnelle pour Jésus. Quand la famille Moussounga est arrivée à Mvouti, l’église était presque morte : le moniteur de l’école de Dimanche avait commit l’inceste avec sa petite sœur ; l’évangéliste avait commis l’adultère. C’était une atmosphère qui n’était pas propice à l’épanouissement spirituel. C’est alors que Papa Jacques et son ami Ngocko Martin, se mirent à évangéliser la population de Mvouti et à affermir les nouveaux chrétiens par un enseignement biblique solide. Le nombre de chrétiens augmenta car plusieurs personnes étaient touchées par l’Esprit de Dieu, y compris Jacques Emmanuel. Le fait que ses parents prenaient le temps de lire et d’expliquer la parole de Dieu à leurs enfants, et ensuite de prier avec eux, était très important dans la maturation spirituelle du Jeune Emmanuel. C’est ainsi que le 18 mai 1975, jour de la Pentecôte, Jacques Emmanuel fut baptisé, après avoir rendu témoignage publiquement qu’il avait donné son cœur à Jésus et qu’il avait maintenant une relation personnelle avec son sauveur.

Quelques mois plus tard, il partit pour Mossendjo pour passer une année d’études. Sa nouvelle foi en Jésus l’a soutenu pendant les difficultés de cette saison. Malgré le fait qu’il logeait dans la maison d’un oncle paternel, Jacques Emmanuel souffrait de la faim. Parfois on lui demandait de faire la vaisselle de toute la maisonnée avant de manger. Le contraste était frappant pour lui : ses parents, en tant que disciples de Christ, vivaient leur foi en accueillant à bras ouverts tous ceux qui venaient chez eux. Ceux qui venaient pour passer des années d’études étaient considérés comme les enfants de la maison. Tandis qu’ici à Mossendjo Jacques Emmanuel n’était pas bien reçu et traité comme un paria et c’était la deuxième fois que cela lui arrivait.

Quatre ans plus tôt, lui et sa sœur Thérèse allèrent en vacances chez un autre oncle qui les traita comme s’il étaient d’une classe inferieure. Jacques Emmanuel (10 ans) et Thérèse (14 ans) ne dormaient pas dans la chambre des enfants comme leur père et mère faisaient pour les invités de la maison, mais cet oncle et sa femme leur donna un « lit Picot » dans lequel les deux dormaient. Ils n’avaient ni couverture ni draps. Ils se protégeaient en utilisant le pagne de Thérèse et leur lit était dans le couloir où des invités passaient pour aller aux toilettes. Ces deux expériences aiguisèrent dans l’esprit de Jacques Emmanuel un sens de justice sociale et d’équité ethnique.

Après cette année à Mossendjo, il revint à Mvouti mûr pour son âge et conscient du fait que toutes les familles n’ont une éthique saine et chrétienne. Son désir de chercher à protéger les faibles et les défavorisés commença à prendre racines. Deux ans plus tard, lorsque Papa Jacques fut affecté dans la ville de Dolisie, et qu’il ne pouvait pas amener toute sa famille, n’ayant pas encore de domicile, Thérèse et Emmanuel repartirent à Mossendjo pour habiter chez leur tante ; alors que les autres enfants se retrouvèrent a Dolisie chez une autre tante. Papa Jacques dormait au Grand Hôtel ; et Madame Jacques et la petite Gracia étaient restées à Mvouti. C’était une période difficile pour la famille Moussounga.

A l’âge susceptible de l’adolescence, Jacques Emmanuel qui avait besoin de la ferme direction de ses parents, se retrouva une fois encore loin d’eux. Comme la plupart des jeunes à cet âge en quête de leur identité, il sortit avec les filles et pris soin de son accoutrement physique. Mais il continua à bien travailler à l’école. A la fin de cette année, Thérèse et Jacques Emmanuel réussirent à leur Brevet d’Etudes Moyennes Générales qui leur ouvrit les portes du lycée.

La famille Moussounga était dans une grande joie lorsque les deux revinrent à Dolisie. Une fois encore Jacques Emmanuel fut encouragé par la protection de Dieu lorsqu’il apprit ce qui était arrivé à son père.

Au début des années 1970, alors que Papa Jacques travaillait encore à Pointe Noire, il y eut un coup d’état politique au Congo, et son voisin, ajouta son nom sur la liste des opposants condamnés à mort. Papa Jacques était à cette époque l’un des leaders du syndicat des cheminots. Quelqu’un de haut gradé, qui savait que papa Jacques ne faisait pas de la politique, effaça son nom et il ne fut pas exécuté.

Mais à cause de sa jalousie, ce même voisin engagea les services d’un tueur à gages pour éliminer Papa Jacques. Pendant plus de trois ans, ce monsieur chercha Papa Jacques dans la ville de pointe Noire pour le tuer, sans jamais réussir. Lorsque finalement il le rencontra, c’était à Dolisie, en 1977 après 7 ans de poursuite, Papa Jacques venait d’être affecté dans cette ville. Et c’est à ce moment-là que le tueur à gages arriva dans Dolisie et se renseigna sur le grand changement survenu dans cette gare ferroviaire. Il apprit que Jacques Moussounga en était l’auteur et il décida de le rencontrer. Dès que le tueur à gages le vit, il lui posa la question qui brulait probablement sur ses lèvres depuis un certain temps : « Qui est le féticheur qui te protège? » Sans hésiter, papa Jacques lui répondit : « Jésus Christ » ; et il saisit cette occasion pour témoigner une fois de plus de son Dieu qui est le sauveur de tous. Cette histoire encouragea la foi de Jacques Emmanuel au Dieu qui accomplit des miracles en faveur de ses enfants, et il rendit grâce à Dieu d’avoir protéger la vie de son père.

Pendant ses années de lycée, Jacques Emmanuel eut des escapades sur le plan sexuel. La culture populaire au Congo encourage une vie d’immoralité. Jacques Emmanuel a suivi la mêlée tout en sachant au plus profond de son cœur qu’il s’écartait de la voie de Dieu. Le combat au-dedans de lui était constant. Les conseils de ses parents lui revenaient souvent à l’esprit.

Papa Jacques enseignait ses enfants à travers des anecdotes comme l’histoire suivante : un jeune homme succomba à l’immoralité en ayant plusieurs rapports sexuels avec des filles. Quelques temps après, il contracta une maladie sexuellement transmissible. Alors que la maladie continua à ravager son corps, sa foi en Dieu commença à se raviver. Après avoir raconté cette histoire, Papa Jacques regarda chacun de ses enfants et dit : « Dieu a créé la sexualité pour en jouir dans le mariage ; hors du mariage, les rapports sexuels sont un péché contre Dieu et contre la personne avec laquelle vous avez ces relations »

Les parents de Jacques Emmanuel ne considéraient pas la sexualité comme un sujet tabou, c’était important pour eux de poser un solide fondement biblique de la sexualité. Quand il avait des escapades sexuelles avec des filles, Jacques Emmanuel trouvait souvent sa mère le lendemain matin devant sa chambre, prête à lui parler de l’importance de suivre Christ de tout son cœur et de donner tout aspect de sa vie à Dieu, y compris sa sexualité. Mme Jacques lui disait que c’est important de réserver son amour et sa passion physique pour la fille qu’il épouserait un jour, car les conséquences de l’immoralité sont les grosses extra maritales, les maladies sexuellement transmissibles, la destruction de la réputation de la fille, etc. Souvent elle disait à ses enfants : « regarder les poissons dans la rivière ; ceux qui suivent le courant d’eau constamment sont soit malades, soit morts. Un poisson en bonne santé va contre le courant. Parfois il faut aller contre la pression des amis et de la culture pour rester en vie ». L’église de Jésus Christ au Congo a besoin d’aller contre le courant de la culture populaire en enseignant à nos enfants et à nos jeunes l’importance d’une compréhension biblique de la sexualité.

Après plusieurs années de lutte sur le plan sexuel, Jacques Emmanuel a trouvé la délivrance en Jésus. C’est une des raisons pour lesquels il a passé le reste de sa vie adulte à exhorter les jeunes, y compris les membres de sa famille, à faire attention aux pièges et conséquences de l’immoralité. Son désir constant était d’exhorter la future génération à vivre une vie sexuellement pure et soumise à Jésus.

Les trois années de lycée à Pointe Noire culminèrent dans la réussite au baccalauréat lui donnant accès aux études universitaires. En Octobre 1981, Jacques Emmanuel se retrouve à Brazzaville, la capitale de la République du Congo, pour commencer ses études universitaires. Cette saison fut pour lui une période de croissance dans son identité en tant que disciple de Christ.

En 1982 par exemple, Jacques Emmanuel et sa sœur Médine, louaient un appartement au numéro 2 de la rue Joseph Nkeoua, à Bacongo. C’était une année remplie de bénédictions dans leur marche avec le Seigneur. Emmanuel et Médine servaient le Seigneur comme moniteurs de l’école de dimanche. Ils aidaient leurs amis qui n’avaient pas de soutien à Brazzaville en leur ouvrant leur appartement. Certains amis vivaient avec eux et d’autres venaient manger chez eux. Emmanuel et Medine étaient les seuls qui avaient une bourse d’études ; ils payaient la maison et fournissaient la nourriture. Medine se souvient de cette période en ces termes :

A la fin de chaque mois quand on recevait notre bourse d’études de 30.000 francs CFA, Grand Emma et moi on prenait du temps pour remercier Dieu. On mettait notre argent sur la table et on priait. Ensuite, chacun enlevait 3.000 pour la dime, 15.000 pour la nourriture, 5.000 pour le loyer et 8.000 pour les dépenses personnelles. Pendant cette saison, Dieu nous a appris à donner généreusement, sans rien attendre en retour. Notre service pour nos frères et sœurs découlait de la joie de connaitre Jésus personnellement ! [3]

En automne1986, après avoir décroché sa maitrise en sciences, Jacques Emmanuel se retrouve à l’université de Reims, en France, où il commence ses études doctorales. Ses années en France étaient remplies de longues heures de recherches dans le laboratoire et à la bibliothèque. Alors qu’il travaillait sur sa thèse, Jacques Emmanuel continuait à rechercher le Seigneur dans les différents aspects de sa vie. Ses longues années d’études culminèrent dans la soutenance de sa thèse de doctorat intitulée : « Reactivité thermique de thiocétènes et de céténimines alpha-insatures. Application en synthèse d’héterocycles», en 1993, sous la direction du professeur Josselin Chuche. Après sa soutenance, Jacques Emmanuel a travaillé en France pendant deux ans, avant de revenir au Congo. Il passa quelques mois avec ses parents à Dolisie puis, vint à Brazzaville chercher du travail.

Malheureusement, la guerre éclata à Brazzaville le 05 juin 1997 et plus tard dans d’autres régions du pays. Pendant la guerre, Jacques Emmanuel risqua sa vie pour protéger sa famille. Alors qu’ils étaient déplacés, il poussait souvent son père handicapé dans une brouette et, si nécessaire, comme lorsqu’il traversèrent une rivière avec un seul rail comme pont ,il portait son père sur son dos. Pendant 18 mois, la famille Moussounga appris à dépendre de Dieu pour leurs besoins et à accepter les humiliations due à leur état de réfugiés. [4] La fin de la guerre n’était pas la fin des difficultés pour la famille Moussounga, plusieurs d’entre eux étant au chômage.

Après une longue période où il cherchait du travail, Jacques Emmanuel a fini par décrocher un poste au niveau de l’Université Marien Ngouabi en tant que professeur de chimie en 2008. Enseignant et chercheur exemplaire et compatissant, il s’est élevé au-dessus des loyautés tribales et régionales traditionnelles pour servir tous ses étudiants et doctorants de la même manière, avec un cœur plein de grâce.

En tant que professeur d’université, Jacques Emmanuel s’est battu contre la pratique du « sexe pour les notes » ou « payer en nature », une pratique utilisée à travers Afrique et qui exige de la part des jeunes filles des rapports sexuels en échange pour une bonne note. Dans son souci de protéger les jeunes femmes qui venaient lui demander de l’aide, Papa Mouss, ou Le Prof. (comme ses étudiants l’appelaient) priait pour elles et les présentait à ses collègues comme ses nièces s’assurant ainsi de leur protection. Une de ses anciennes étudiantes se souvient : « Beaucoup d’étudiants témoignent de la personne qu’était ya ‘Emma’ parce qu’en tant qu’enseignent, il n’avait jamais failli à ses devoirs. Plus encore, il faisait partie de la minorité des enseignants aux bonnes mœurs, tout de moins de bonne moralité et d’éthique ; et ce durant toute sa carrière. » [5]

En tant que chercheur, il a examiné les remèdes traditionnels à base de plantes pour leur efficacité biochimique [6]; il a publié des articles et assisté à des conférences internationales. [7] Un de ses collègues se souvient de lui en ces termes : « Il a été chef de Laboratoire au Centre de Recherche et d’Initiation des Projets de Technologie (CRIPT). Il a travaillé sans relâche comme chercheur et était apprécié de tous par son attitude, son tempérament, son comportement et la cohésion qu’il a su mettre de son vivant au CRIPT. » [8]

Une autre collègue se rappelle de lui :

Il était une personne ressource dotée de toutes les qualités d’une personne travaillant en équipe dans tous les laboratoires de recherches dont il faisait partie ; à savoir le laboratoire physicochimique des bioprocédés alimentaires (en sigle LPBA), le laboratoire des bioprocédés alimentaires et médicaux (en sigle LBAM) implantés à l’ENSP. Ses compétences lui ont permis également d’occuper la fonction de chef de laboratoire de génie de procédés au centre de recherches et d’initiation des projets de technologie (en sigle CRIPT) mais également de chef de parcours type ingénieur en industries agroalimentaires. Il remplissait parfaitement ses fonctions en respectant son cahier de charge et rendait compte à qui de droit le travail exercé. [9]

Un de ses étudiants déclare : « Tu as été parmi mes mentors dans la recherche, Tu prenais ton temps de nous expliquer la chimie organique à l ESPN avec des mots simples, Ta passion pour la science, ton amour pour l’enseignement, a fait de toi ce rare professeur que nous anciens étudiants de l’ENSP, UMNG avions rêves avoir. » [10]

Sur le plan spirituel, Jacques Emmanuel a été directeur de l’ECODIM de Mfilou de 2004 à 2007. Après ce mandat il a continué à servir sans relâche les enfants de l’École de Dimanche. Et en 2017 il a été consacré diacre à la paroisse de Diata jusqu’à sa mort. Pendant des années il a enseigné la parole de Dieu aux jeunes au niveau de l’église évangélique du Congo et en France. La voix de Jacques Emmanuel retentissait haut et clair dans ses enseignements : « garde toi pur en t’appuyant sur la grâce de Dieu, malgré ce que les autres disent ». Il disait souvent : « il n’est jamais trop tard de revenir au Seigneur et de te consacrer à nouveau à lui. »

Après la guerre, Jacques Emmanuel est tombé amoureux d’une jeune femme qu’il voulait épouser. Ils ont eu une petite fille qui est devenue la prunelle de ses yeux. Suite à l’échec de leur relation due entre autres choses à la demande d’une somme exorbitante de la dot, Emmanuel a connu une période difficile. L’église de Jésus Christ a besoin de se lever contre la mauvaise utilisation de la dot, coutume qui parfois sert à assouvir la cupidité des gens.

En Décembre 2014, Jacques Emmanuel a plutôt épousé Inès Farya Massolola ; et parce qu’il travaillait à l’université à cette époque-là et aimait Inès, il était en mesure de payer la dot excessive exigée à ce mariage. Sa propre expérience le propulsa à aider financièrement ceux qui voulaient honorer Dieu en se mariant, au lieu de vivre en concubinage, comme le montre le témoignage suivant : « Je suis compté parmi ceux-là que mukutu (le grand frère) a exprimé sa large générosité ; en effet pendant la préparation de ma pré dot à Brazzaville, il s’est présenté comme mon oncle et il a pu payer la grande partie de cette dot. Il n’y aura jamais de mots pour exprimer sa charité, son sens d’humour et sa joie de servir autrui. » [11]

Le 30 août 2020 Jacques Emmanuel a passé la journée en compagnie de sa femme et son beau-père dans leur village. Le lendemain matin, le 31 août 2020, il a mené ses activités normalement jusqu’au moment où il a senti une grande douleur à l’estomac dans l’après-midi ; il s’est effondré par terre. Il a immédiatement perdu l’usage de ses yeux et de ses pieds. Probablement, sachant qu’il allait rencontrer son sauveur dans les minutes qui suivaient, Emmanuel a demandé pardon pour ses péchés et c’est en louant Dieu avec la chanson ci-dessous qu’il est entré dans la gloire du Seigneur :

Je chanterai de tout cœur les merveilles de mon Papa Yahweh
Il m’a ôté des ténèbres, il m’a délivré de tous péchés
Mon papa est fidèle, il ne m’abandonne jamais
Je n’ai plus rien à craindre car Yahweh m’a délivré
Oh je suis dans la joie, une joie immense
Je suis dans l’émotion car Yahweh m’a délivré.

Pour Jacques Emmanuel Moussounga, le psaume 116 :15 s’est réalisé :« Elle a du prix aux yeux de l’Éternel, la mort de ceux qui le craignent »

La mort soudaine de Jacques Emmanuel fut reçue comme un choc par sa famille, la communauté universitaire et évangélique, ses amis et ses connaissances. Les paroles de Liph Merveille Ngolo et Kelson Diele capturent l’atmosphère des commentaires sur Facebook

Ya Emmanuel, pour nous qui avons partagé des moments inoubliables à tes cotés
Quelle tristesse!
triste d’avoir perdu un ainé;
triste de ne pas pouvoir te voir être malade;
triste d’avoir perdu un formateur;
triste d’une disparition aussi brusque;
triste simplement de ne plus jamais t’écouter;
je pleure et je ne puis me ressaisir, la douleur de ta disparition est profonde.
Que ton âme repose en paix [12]

Ya Jacques Emmanuel Moussounga ton départ inopiné nous laisse sans voix.
l’Ecodi perd un frère, la nation perd un cadre, le monde entrepreneurial perd un poids lourd. [13]

Par sa une foi profonde en Christ et sa générosité Jacques Emmanuel a aidé beaucoup de personnes ; il était un père pour les orphelins ou ceux qui étaient abandonnés par leurs parents ; il prenait soin des veuves et des défavorisés. Son impact sur les jeunes et les adultes était tellement profond que plusieurs personnes firent le voyage difficile de Brazzaville à Dolisie pour son enterrement.

Jacques Emmanuel est survécu entre autres par sa fille bien aimée Keren. Il avait envoyé Keren aux USA aux soins de Médine et de son mari Craig, qui, avec l’accord et la bénédiction de Jacques Emmanuel et Raïssa Boyembe (la mère biologique De Keren), plus tard l’ont adoptée comme leur propre fille.

Jacques Emmanuel laisse un héritage d’une vie vécue sous la grâce de Dieu, et une invitation à ouvrir entièrement notre cœur vers le Dieu compatissant qui désire avoir une relation intime et personnelle avec quiconque se tourne vers lui.

Médine Moussounga Keener


Notes :

  1. Au Congo les bébés sont amenés à l’église autour de trois mois pour la bénédiction divine et la présentation a la famille et aux amis.
  2. Témoignage de Medine Moussounga Keener, le 09 novembre 2022
  3. Témoignage Medine Moussounga Keener, le 09 novembre 2022
  4. Une explication détaillée de leur vie en tant que refugies et des miracles que Dieu a accomplis dans leur vie se trouve dans le livre Impossible Love, par Craig Keener et Médine Moussounga Keener.
  5. Dr. Pambou-Tobi Nadia ; témoignage reçu le 19 janvier 2021
  6. En 2017, 2018 et 2019 il a participé aux ateliers organisés par L’UNESCO comme son exposé oral à l’’atelier sur « Atelier sur l’utilisation des énergies renouvelables dans la valorisation des denrées alimentaires de base en partenariat avec l’UNESCO » organisé à Brazzaville le 23 juin 2017 à la cité Scientifique de Brazzaville par le Centre de Recherche et d’Initiation des Projets de Technologie (CRIPT).
  7. Voici un des articles publiés par Jacques Emmanuel et collègues Moussounga J.E., DZONDO Gadet M., Pambou Tobi N. P. G., Tamba Sompila A. W. G., Zassi-Boulou A. G., Diaboua J. F. and Desobry S. “Physicochemical characterization and technological valorization of Python fat (Python sebae) of Congo Brazzaville”. (2018), International journal of current research, vol. 10, Issue, 02, pp.6531565322, DOI: https://doi.org/10.24941/ijcr.2017 Published: February 2018; IF: 7,749. Indexée dans CASSI, ISSN: 0975-833X. http://www.journalcra.com/sites/default/files/issue-pdf/28744.pdf
  8. Dr. Arnaud Tamba, Docteur chercheur au CRIPT, témoignage reçu le 19 janvier 2021
  9. Dr. Pambou-Tobi Nadia, témoignage reçu le 19 janvier 2021
  10. Waris BK, temoignage sur facebook, le 1er septembre 2020
  11. Témoignage de Dandy Marcinel Godlive Ottoniky, le 19 décembre 2021
  12. Liph Merveille Ngolo, publication Facebook le 1er septembre 2020
  13. KI Kelson Diele, publication Facebook le 12 septembre 2020

Cet article, reçu en 2023, est le produit des recherches de Dr. Médine Moussounga Keener, maître de conférences à Eastern University à Philadelphie, Pennsylvanie, U.S.A.


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