Collection DIBICA Classique

Tous les articles créés ou soumis au cours des vingt premières années du projet, de 1995 à 2015.

Nesib, Onesimus

Noms alternatifs: Hika
1856-1931
Église Évangélique Éthiopienne Mekane Yesus
Ethiopie

image Onesimus Nesib est né vers 1856 près de Hurumu, dans l’Illu Abbaboora présent. Il s’appelait Hika, un nom Oromo qui veut dire “traducteur.” Son père est mort quand il avait quatre ans. Lors d’un raid tribal, Hika a été enlevé de sa mère et vendu comme esclave avec un nouveau nom, Nesib.

Une fois de plus, Nesib a été enlevé et revendu quatre fois avant qu’il ne trouve la liberté grâce à Werner Munzinger (1832-1875), vice consul du consulat français. Il a été libéré à Massewa, aux côtes de la Mer Rouge, où se trouvait une école de garçons établie par des missionnaires de la mission évangélique suédoise (SEM) qui était dirigée par le révérend Bengt Peter Lundahl (1840-1885). C’est là que Nesib est devenu serviteur de M. W. Ahlborg (SEM) en octobre 1870, et qu’il est devenu élève dans cette école. Son premier instituteur était M. P.E. Lager (SEM), mais Lundahl a pris la relève en décembre de la même année. Nesib était un élève intelligent, et il a bientôt été converti. A l’âge de seize ans, il a été baptisé le dimanche de Pâques (le 31 mars, 1872), et a pris le nom chrétien d’Onesime (Onesimus).

Même quand il était encore jeune, Nesib menait une vie chrétienne dévote, et il a terminé ses études à Massawa en cinq ans. Il s’est proposé comme missionnaire dans l’espoir de faire l’évangélisation du peuple Oromo. Sa prière était la suivante : “Combien de temps, Seigneur, combien de temps faudra-t-il attendre pour que tu y envoies quelqu’un qui prêche l’évangile?”

En 1876, Lindahl a envoyé Onesimus en Suède pour qu’il y reçoive une formation plus avancée à l’Institut de Formation Théologique de Johannelund. Il y est resté cinq ans, et il est rentré à Massawa à l’automne, en 1881, prêt à partir pour prêcher l’évangile dans son pays. Un de ses camarades de classe, A.W. Pahlman (1852-1931) l’a accompagné comme bénévole. Comme Onesimus avait épousé Mehret Hailu, qui avait dix-neuf ans, elle aussi est venue, accompagnée de son père et de trois autres, pour faire le voyage jusqu’à Wellega. C’était le première “expédition Oromo” mais elle a échoué dès le début parce que les armées de l’empereur Menilik, qui faisaient des raids, empêchaient les déplacements sûrs vers le sud.

Par conséquent, Lundahl a planifié une deuxième “expédition Oromo” qui devait passer par le Soudan pour arriver à Wellega. La voie courte qui passait par la région montagneuse était impassable à cause du décret de l’empereur contre les missions occidentales. Onesimus et son groupe ont donc pris la mer au nord du port de Massawa jusqu’à Suakin, où ils ont été reçus favorablement par le gouverneur. De là ils ont entrepris une marche de douze jours pour traverser le désert nubien en chameau. A Berber, ils ont traversé le Nil en bateau et sont arrivés à Khartoum début décembre. Après avoir obtenu un permis de voyage, ils ont ensuite remonté le Nil pendant deux semaines et ont continué en chameau. Le 4 janvier, 1882, ils sont arrivés à Famaka, le poste de frontière égyptien sur le Nil, et se sont réjouis de voir les collines éthiopiennes qui se dégageaient de la plaine. Cependant, on leur a dit qu’ils ne pouvaient pas atteindre le pays Oromo aussi facilement qu’ils avaient pensé, et on leur a conseillé de passer par Asosa. Trois d’entre eux sont allés à Asosa, mais ils ont découvert qu’il était impossible d’arriver à Wellega en passant par là. On leur a conseillé d’essayer de passer par Metema. En attendant, ils ont commencé à souffrir de la fièvre à Famaka, et on a interdit aux deux étrangers de passer par Metema à cause du décret impérial, malgré le fait qu’ils n’étaient maintenant qu’à deux semaines de voyage de Wellega.

Tous ces obstacles, ainsi que l’agitation tribale de la région, la traite d’esclaves conduite en secret par les autorités égyptiennes en dépit des efforts européens de la contrer, et enfin les conseillers malhonnêtes qui les faisaient errer ont contribué à leur désespoir. Ils ont quitté Famaka pour Khartoum le 2 mars, 1882. Ils ne pouvaient pas le savoir, mais en fait ils n’étaient qu’à environ soixante kilomètres d’Asosa, où habitait le peuple Sibu Oromo, un groupe qui n’avait pas encore été contacté ni par les orthodoxes, ni par les musulmans.

Lors du voyage de retour un homme est mort, Pahlman gisait inconscient sur le pont, et Onesimus souffrait tellement que son seul désir était de mourir et d’aller retrouver le Seigneur. Ils sont enfin arrivés à Khartoum le 10 avril, 1882, lorsque la révolte Mahdi avait éclaté sur la majorité du territoire soudanais. Onesimus était près de la mort, mais les autres ont petit à petit retrouvé leurs forces. Un couple, qui était encore assez faible, à été renvoyé à Imkullu, mais Mehiret et Arrhenius, le médecin, sont restés à Khartoum jusqu’à ce qu’Onesimus reprenne des forces.

Quelques jours plus tard on a informé le groupe à Khartoum que la voie qui allait de Metema et passait par Gojjam était désormais ouverte non seulement aux éthiopiens, mais aussi aux étrangers. Ils s’étaient préparés à prendre la route pour Imkullu, s’étant équippés pour le voyage, et ayant acheté les billets lorsque, soudainement, le 30 mai 1882, Arrhenius est mort. Après l’avoir enterré, Mihiret et Onesimus sont partis pour Imkullu mais les difficultés se sont multipliées au désert nubien, et ils ont failli y être enterrés par une tempête de sable. Leurs réserves d’eau se sont épuisées, ils ont souffert plusieurs fois de la fièvre, et Onesimus désespérait de revoir Imkullu. Cependant, vers la mi-juillet 1882, ils y sont enfin arrivés. Ils se sont reposés pendant plusieurs semaines pour permettre à Onesimus de se remettre de la maladie et de retrouver des forces. Le 5 septembre 1882, il a écrit une lettre à Stockholm dans laquelle il proposait de reprendre le voyage. En attendant la réponse, il a commencé à écrire son premier recueil de cantiques, intitulé 100 chansons et Psaumes. Il a aussi entamé la traduction en Oromo de cantiques et de petits livrets tels que Le cœur de l’homme par Bunyan, et le catéchisme de Luther. Ces premiers livres ont été publiés à Imkullu un an plus tard.

En janvier 1883, un commerçant de Jimma qui s’appelait Damote est venu à Imkullu pour raconter à Onesimus l’histoire incroyable d’Abba Jufar II (1861-1932), un jeune sultan qui avait hâte d’introduire l’éducation moderne à Jimma et qui voulait engager des enseignants à Massawa. Damote lui a raconté comment les messagers du sultan étaient allés à Famaka pour inviter les missionnaires étrangers à Jimma, mais qu’ils étaient arrivés deux semaines après leur départ.

Onesimus a posé beaucoup de questions au visiteur pour tenter de savoir si les gens étaient ouverts à l’évangélisation. Damote lui a dit que les gens étaient très prêts à apprendre des choses sur Dieu. Il a donc demandé au siège à Stockholm d’envoyer des messagers de paix à Jimma par voie de Harer, et a demandé la permission de les accompagner. Il a proposé cette idée parce qu’un baron allemand qui allait à Harer était passé par Imkullu pour trouver un interprète. Harer était un centre d’échange commercial lié à Jimma.

Il s’agissait donc à présent de la troisième “expédition d’Oromo” et on a donné la permission à Onesimus et sa femme, et à trois autres personnes, d’aller à Shoa. Ayant attendu jusqu’au mois de mars 1885, ils ont enfin entrepris le voyage et sont arrivés aux portes de Shoa après avoir rencontré des dangers sévères en route. Sur ordre de Menilek II, on a envoyé le groupe à Aliu Amba, à Shoa, pour qu’ils puissent se remettre de la fièvre. Ils y sont restés jusqu’à ce qu’ils retrouvent tous la santé. Comme cet endroit était un centre commercial, les membres de l’expédition d’Imkullu ont passé leur séjour prolongé à faire de l’évangélisation et à donner des soins médicaux. Onesimus a trouvé qu’il était possible d’annoncer l’évangile non seulement aux habitants locaux mais aussi aux nombreux marchands qui venaient des différentes régions de l’Ethiopie. A. Bergman (1855-1923) a soigné plus de deux mille personnes. La plupart des malades souffraient de la syphilis, des maladies des yeux, ou de blessures.

Cependant, on a demandé à tous les missionnaires, y compris Onesimus et son groupe, de devenir croyants orthodoxes ou de partir. Ils ont choisi de s’en aller et ont pris la route pour Imkullu, où ils sont arrivés en 1886. Lors du voyage de retour, vers mai 1885, Onesimus a été heureux de rencontrer un groupe de ses compatriotes qui avaient été libérés de l’esclavage. Cette rencontre l’a beaucoup inspiré à enseigner, et il est resté avec eux pendant quelque temps. Certains d’entre eux étaient destinés à lui venir en aide dans sa carrière future, y compris une jeune femme. Une fois de retour à Imkullu, il a rejoint le corps d’enseignants qui s’y trouvait.

Son recueil de chants était maintenant prêt à être utilisé dans l’école de filles. En dépit du fait qu’il avait été très découragé par la nécessité de quitter Shoa, cette nouvelle responsabilité lui a présenté un tel défi et lui a donné tellement d’énergie qu’il a rapporté, “C’est dans la joie et le bonheur que je travaille avec les filles Galla qui viennent d’arriver…quelle joie de leur faire des cours dans notre langue maternelle.” Une de ces filles qui était douée pour les langues et la littérature s’appelait Aster Ganno (1874-1964). Dès qu’il a découvert son don, Onesimus a demandé à Emelie Lundahl de lui faire cadeau d’une Bible à Noël en 1887 pour l’encourager à faire fructifier ses dons. Par la suite, elle a fait une contribution importante à la littérature Oromo en assistant Onesimus.

En 1886, Onesimus a décidé d’ajouter à son travail d’enseignement celui de la traduction : il a commencé à traduire la Bible en Oromo. Cependant, il était bien plus difficile de traduire la Bible que de traduire les autres textes qu’il avait entrepris, parce qu’il n’avait pas suffisamment de connaissances dans sa langue maternelle. N’ayant pas vécu dans la culture Oromo depuis son enfance, il lui manquait beaucoup d’idiomes et de vocabulaire. Heureusement, Aster Ganno a pu lui venir en aide dans ce domaine. Après avoir fini ses études, on lui a donné la tâche de composer un dictionnaire de mots Oromo purs. Il fallait qu’elle établisse des listes de termes dérivés de chaque racine particulière et qu’elle épure les formes dialectiques et étrangères. Elle a servi de ressource constante à Onesimus lors de son travail sur le Nouveau Testament, qui a été révisé et publié par l’imprimerie d’Imkullu en 1893. En dépit de sa contribution à cet ouvrage, son travail n’a jamais été reconnu.

Cette traduction du Nouveau Testament était maintenant prête pour la quatrième expédition Oromo. Un groupe est parti vers le sud avec ce livre, mais Onesimus est resté pour continuer l’œuvre de la traduction de l’Ancien Testament. Aster, à son tour, a entamé la traduction des Histoires de la Bible écrit par dr. Barth, et elle a écrit, de mémoire, quelque cinq cents devinettes, fables, proverbes, paraboles, ballades et berceuses dans la langue Oromo. Ces deux auteurs ont créé un Lectionnaire Oromo en assemblant une sélection des versions qu’elle avait assemblées.

Avec l’aide continue d’Aster, Onesimus a terminé la traduction de l’Ancien Testament en juin 1897. Ayant révisé le manuscrit, il l’a amené à l’imprimerie de St. Crischona, où il a supervisé l’imprimerie du texte. Il se faisait du souci parce qu’il avait laissé sa famille en Erythrée. En octobre 1898 il a été choqué d’apprendre que sa fille enfante était morte et que les deux autres enfants étaient malades. Il voulait rentrer chez lui pour être avec sa femme, Lydia Dembo, qui était de Sayo à Wellaga. Il avait épousé celle-ci parce que Mihiret était morte en accouchant en novembre 1888. Cependant, Lydie, qui portait beaucoup d’intérêt à l’évangile, lui a écrit pour lui dire de ne pas interrompre son travail. Cela lui a permis de rester à St. Crischona jusqu’en juin 1899, date à laquelle la Bible entière avait enfin été imprimée. Cette traduction remarquable est en usage depuis plus de soixante-quinze ans et ce n’est que récemment qu’un groupe de spécialistes s’est réuni pour entreprendre une révision.

Tout le monde s’attendait à ce qu’Onesimus rentre à Wellega avec sa nouvelle Bible, mais il craignait de le faire parce qu’il était complètement épuisé. Il a expliqué dans une lettre à un ami que les épreuves d’un tel voyage seraient trop pénibles pour lui et sa famille. Il est donc rentré en Erythrée vers la mi-août 1899 et a commencé l’évangélisation du groupe d’environ cinq cent Oromos à Asmara. Ce travail, qu’il faisait surtout à la place du marché, a donné fruit, même s’il n’y avait parfois qu’une vingtaine de personnes dans l’assemblée.

Le 13 avril 1903, Onesimus a reçu une lettre de Boji, à Wellega, dans laquelle les pionniers lui ont dit que l’œuvre d’évangélisation était prometteuse parce que deux leaders avaient offert leur protection. Cette nouvelle l’a poussé à quitter Asmara et de rentrer chez lui parce que le voyage était maintenant plus facile grâce à la ligne de chemin de fer qui avait été bâtie entre Djibouti et Dire Dawa en 1902.

L’assemblée d’Asmara a donc mandaté Onesimus, sa famille de quatre, Aster, et quatre autres personnes comme messagers aux Oromo de la part de l’église. C’était le 6 décembre, 1903. Le jour suivant, l’assemblée entière s’est présentée pour le grand départ de leur voyage. Onesimus s’attendait à pouvoir rencontrer son ami le missionnaire suédois Karl Cederqvist au port de Djibouti, mais cette réunion s’est avérée impossible parce que Cederqvist avait six semaines de retard sur son programme. Onesimus et son groupe ont continué leur chemin vers Addis Ababa.

Kentiba Gebru Desta a présenté Onesimus à Abune Mateos, l’archevêque de l’Ethiopie. Pendant la conversation, Onesimus a pu librement présenter l’évangiletant qu’il évitait les disputes sur les questions délicates comme le jeûne et le rôle de la Vierge Marie et des saints. Aussi, l’archevêque l’a aidé à rendre visite à l’empereur, et celui-ci lui a donné un sauf-conduit pour le voyage jusqu’à Naqamte, la capitale de Wellega. Cet ensemble de faveurs inattendues a rendu Onesimus très heureux parce qu’il croyait que tout avait été fait sincèrement. Le groupe a donc continué vers l’ouest à Wellega le 28 mars, 1904, comme Cederqvist allait seulement arriver à Addis Ababa un jour après leur départ. Il semblait que la volonté de Dieu devait s’accomplir par les indigènes, sans personnel étranger.

Cederqvist a choisi de vivre et de travailler à Addis Ababa, et il y est resté jusqu’à sa mort le 11 novembre, 1919. Son ministère d’évangélisation, son travail de service médical et son établissement d’une école anglaise ont posé les fondements pour l’œuvre de la mission évangélique suédoise à Addis Ababa.

Le 15 avril, 1904, Onesimus est arrivé à Naqamte avec ses compagnons d’Erythrée. Il était déjà connu dans la région comme celui qui avait traduit la Bible en Oromo et il a été reçu avec grand honneur par le gouverneur de Wellega, Dezajmach Gebre-Egziabler.

Le gouverneur lui a donné un terrain et lui a bâti une maison près de sa résidence. Onesimus s’est installé et a ouvert une école dans l’espoir qu’elle servirait à faire de l’évangélisation. Cependant, comme il n’était pas prêtre, il n’avait pas les éléments de base orthodoxes de son ami Gebre Ewostateos (un leader et pionnier dans l’église qui le devançait), et se gardait de présenter des idées et des pratiques dans l’église Kidane Mehret à Najo, comme le dernier avait fait dans l’église Mariam à Boji. Néanmoins, les deux hommes se rencontraient de temps en temps pour discuter des questions qui les concernaient tous les deux, mais en public, ils agissaient indépendamment.

Vers le début du mois de septembre, 1904, Onesimus avait inscrit vingt étudiants qui étaient répartis en trois classes. Il disait que l’éducation était tellement importante pour les jeunes qu’il accepterait plusieurs centaines d’élèves si seulement il avait les instituteurs et les salles de classe. Presque tous les parents étaient favorables à son enseignement de leurs enfants. Il a aussi commencé à proclamer l’évangile à ses élèves, mettant les prêtres de l’EOC (église orthodoxe éthiopienne) mal à l’aise. Ils avaient reçu une lettre de la part de l’archevêque qui disait, “Si son enseignement dévie de notre foi et de notre église, laissez-le enseigner, et ne permettez à personne de le prévenir.” Le clergé orthodoxe maugréait contre la lettre de l’archevêque mais ils n’étaient pas encore en position de se plaindre ouvertement. Onesimus était au courant de leur mécontentement, mais il n’y prêtait pas attention. Il se réjouissait de pouvoir faire de l’évangélisation parmi son propre peuple, et il a demandé à ses amis en Erythrée de lui envoyer plus d’évangélistes et beaucoup plus de Bibles.

En réponse à sa demande, deux familles sont venues de l’Erythrée à Wellega, escortées par trois hommes qui avaient été envoyés là-bas pour les chercher. Le voyage leur a pris quatre mois et ils se sont enfin installés à Boji et à Najo. Les dirigeants de l’église orthodoxe étaient contre cette activité à Wellega mais le gouverneur de la province était sympathique envers les chrétiens évangéliques qui travaillaient secrètement dans l’église Mairam à Boji. C’est dans cette église qu’un prêtre converti avait servi pendant un certain temps avant de périr dans un incendie. Tous les évangéliques qui venaient d’Erythrée - y compris Onesimus - étaient des laïcs. Par conséquent, le mouvement évangélique de l’époque était un mouvement laïc. En fait, ses mentors suédois voulaient l’ordonner comme ministre dans l’église protestante dès 1883, mais il a refusé trois fois de suite. Par conséquent, lorsque l’opposition du clergé orthodoxe au mouvement évangélique a grandi, Onesimus est devenu leur plus grande cible.

Au début, par égard pour le clergé de Gojjam, Onesimus prêchait en Amharic (la langue officielle de l’Ethiopie) et quelqu’un traduisait en Oromo pour qu’ils ne puissent pas porter plainte contre lui. Malheureusement, la personne qui lui avait conseillé de prêcher ainsi est morte et Onesimus a commencé à prêcher en Oromo. Le clergé qui ne parlait que l’Amharic ne le comprenait pas et ils ont porté plainte contre lui. Suite à cela, on a ordonné à Onesimus d’aller à Addis Ababa pour se défendre.

Au début, l’archevêque avait aidé Onesimus et l’avait encouragé à prêcher que Jésus Christ était le seul sauveur du monde. Cette fois-ci, cependant, en présence des accusateurs d’Onesimus, l’archevêque a dit que son enseignement nuisait à la paix des fidèles. Ce n’est que plus tard qu’Onesimus a compris les tours que l’Abun lui jouait. Néanmoins, quand Gebre-Egziabher (le gouverneur) a rendu son témoignage devant Menelik quelques mois plus tard, on a permis à Onesimus d’accompagner le gouverneur jusqu’à la capitale, où ils ont rendu hommage à l’archevêque. A cette occasion-là, Onesimus a été très surpris d’avoir été aussi bien reçu par l’archevêque, mais celui-ci a expliqué qu’il ne pouvait pas soutenir son ministère ouvertement sans attirer la condamnation du clergé éthiopien.

Suite à cette réunion, on a convoqué les accusateurs d’Onesimus à Addis Ababa pour qu’ils mettent au point leurs accusations. Comme ils ne sont pas venus, on a décidé de remettre la question jusqu’à après les pluies. Le 6 juin 1906, Onesimus est parti pour rentrer à Naqamte, et il semble que le gouverneur est resté à Addis Ababa. Dès qu’Onesimus est arrivé chez lui, cependant, il a reçu une lettre de la part du gouverneur qui l’ordonnait à revenir se défendre devant l’archevêque puisque ses critiques ainsi que quelques témoins étaient arrivés à Addis Ababa. On lui a dit de faire vite, “de courir nuit et jour.” C’était juste quand les grandes pluies sont arrivées et que les rivières étaient en crue, et il était très difficile de voyager. Onesimus, qui avait environ cinquante ans à l’époque, a fait le trajet en onze jours - donc, assez rapidement, en vue des circonstances.

Le 13 juin 1906, plusieurs fausses accusations ont été portées contre lui au tribunal. La seule personne à témoigner en sa faveur était Alequa Tegenye. L’archevêque, Abune Mateos, a rejoint les accusateurs et a fait appel au ciel de faire tomber le jugement sur Onesimus. Il a été condamné à perdre tout ce qu’il possédait et, lourdement enchaîné, il a été mis en prison. La même punition devait être infligée à tous ses adhérents à Wellega, y compris le gouverneur de Leqa et de Wellega. Par conséquent, afin d’éviter cette punition, et pour sauver la face auprès du clergé local, le gouverneur a été contraint de suivre les ordres de l’archevêque : il a été obligé d’excommunier Onesimus et de dénoncer son enseignement.

Cependant, l’empereur a refusé de confirmer le verdict de l’archevêque, et a ordonné à Alequa Istifanos, le ministre des affaires de l’église (par la suite Afe Nigus - le porte-parole du roi - et ministre de la justice), d’examiner ce cas. Istifanos, qui avait la réputation de porter un regard juste sur les cas de condamnations sévères, a écouté les deux parties pendant plusieurs heures et a conclu qu’Onesimus n’avait commis aucun crime. La seule accusation que l’on pouvait porter contre lui était celle-ci : il ne croyait pas au rôle médiateur de la Vierge Marie ni des saints. Menelik a donc décidé qu’Onesimus devait arrêter d’enseigner et de prêcher. L’empereur l’a envoyé au ministère du commerce pour voir s’il avait des capacités qui lui permettraient d’y travailler. On a regardé de près ses capacités en langues, en mathématiques, et en arts et métiers. Comme Onesimus n’avait pas de capacités techniques, il a été renvoyé à Naqamte pour qu’il gagne sa vie par le commerce et l’agriculture.

Ses adversaires avaient enlevé à Onesimus l’espoir de pouvoir faire de l’évangélisation, mais ils n’ont pas pu se débarrasser entièrement de lui. En septembre et octobre de 1907, les leaders évangéliques ont tenu un congrès à Naqamte pour discuter des plitiques qu’ils avaient en commun. Suite à une discussion sur les problèmes qu’ils avaient en divers endroits, ils ont résolu de continuer leur évangélisation sans hésitation mais prudemment, ne donnant à leurs adversaires aucune raison de pouvoir les accuser. Ils ont agi indépendamment et ont décidé qu’Onesimus ne devait pas enseigner dans son école, mais qu’il était libre de lire la Bible aux gens chez lui et de vendre ou de donner des Bibles et d’autres livres.

En octobre 1908, on a accusé Onesimus de tenir des dévotions et d’enseigner des étudiants chez lui. Le gouverneur a fait semblant de prendre les accusations au sérieux et a écrit une lettre sévère en Amharic pour montrer aux secrétaires Amhara (orthodoxes) qu’il était de leur côté. Dans cette lettre - qu’il n’a expressément pas envoyée à Onesimus - il lui donnait l’ordre d’arrêter tout enseignement immédiatement, y compris l’enseignement de ses propres enfants. Quand les secrétaires ont rappelé au gouverneur qu’il n’avait pas rappelé les trois garçons esclaves qu’il avait demandé à Onesimus de former, il s’est mis en colère et il leur a dit de ne pas se mêler de ses affaires privées. Plus tard, quand Onesimus a reçu la lettre, il a compris le soutien du gouverneur. Néanmoins, quatre ans plus tard, en 1912, le gouverneur a rejoint l’archevêque pour condamner Onesimus à l’exil pour la vie, mais rien n’est arrivé parce que le conseil des ministres n’a pas sanctionné leur sentence. Un an plus tard, vers 1913 ou 1914, l’archevêque a essayé deux fois de convaincre le gouverneur qu’il devrait envoyer des lettres et des messagers à Cederqvist, lui demandant de retirer Onesimus de Wellega. Cependant, Cederqvist n’était pas facilement intimidé, et il a tout simplement refusé. On a donc permis à Onesimus de continuer à vivre chez lui à Naqamte.

Il a continué à travailler pour le Seigneur comme avant, mais à l’automne en 1915 il a rapporté que le travail avait ralenti depuis un an et demi. Ses collègues dans les autres districts sont venus l’aider. Ils ont fait des cours bibliques ensemble et personne ne les a empêchés. Aussi, la vente des Ecritures Saintes augmentait de plus en plus dans certains endroits. Onesimus regrettait de n’avoir pris que cinq étudiants à la fois, car il aurait pu en prendre davantage. En fait, le leader du peuple Sayo Oromo est venu à Naqamte pour recruter des enseignants auprès d’Onesimus, mais, malheureusement, il n’en avait pas à lui fournir.

Au mois d’août 1916, Cederqvist a réussi à obtenir la permission officielle pour l’entreprise évangélique en Ethiopie. Il était désormais possible d’établir deux écoles de filles: une à Naqamte, avec Lydia et Aster comme enseignantes, et l’autre à Addis Ababa avec Desta Schimper comme enseignante (morte en 1976). Onesimus s’est réjoui des nouvelles possibilités de faire de l’évangélisation et il a planifié d’autres centres : un entre Addis Ababa et Naqamte, et un autre entre Naqamte et Sayo. Avec la perspective d’une période plus paisible à l’avenir, il a annoncé son intention de former des jeunes hommes pour cette tâche. Plus particulièrement, il notait qu’il avait Fayissa Alabe et Jammo Sori, deux hommes expérimentés et voués au Seigneur.

En 1916, Lij Iyasus a donné la permission [de prêcher] à Onesimus et a ainsi établi, une fois pour toutes, qu’il était libre de proclamer l’évangile comme il l’avait espéré quand il était venu d’Erythrée à Wellega. Ainsi, les problèmes de cette époque se sont enfin terminés. Le leader suivant, Ras Teferi Mekonnen, a entamé un programme de modernisation qui se caractérisait par des réformes religieuses et politiques de grande portée. En plus, il a fait appel à l’aide de spécialistes étrangers. Bien des années plus tard, l’empereur Haile Selassie I était très conscient des avantages qui accompagnent l’évangile dans les domaines de l’éducation et des soins médicaux. Il a donc permis que l’évangile soit prêché dans beaucoup d’endroits. Par conséquent, l’année 1916 est une année repère pour le christianisme en Ethiopie, ainsi que pour l’histoire de l’Ethiopie en général.

Le 6 octobre, 1916, Onesimus a écrit à Cederqvist lui disant que le plus grand magistrat, Tura Wolde-Mariam, avait déclaré publiquement que la ville ne connaîtrait pas la paix jusqu’à ce qu’Onesimus soit bani. Son opposition à Onesimus s’explique par le fait qu’il était devenu catholique. Mais, huit mois plus tard, en 1920, dans un rapport qu’Onesimus a envoyé au conseil à Stockholm, il disait que beaucoup de personnes avaient maintenant leur Bible à eux, et que ceux qui lisaient les Ecritures dans leur propre langue étaient désormais conscients des vérités bibliques, et avaient cessé de croire aux légendes des saints. Ils n’admettaient plus la polygamie, l’esclavage, les faux témoignages et les mensonges, ainsi que d’autres pratiques anciennes que beaucoup d’étudiants de la Bible avaient condamnés. Il a été encouragé par l’arrivée à Wellega d’une équipe médicale qui avait été envoyée par le siège de la mission. Ils ont établi une mission dans une petite hutte, et le médecin et Onesimus y prêchaient tour à tour. C’est ainsi qu’Onesimus a été spirituellement renouvelé après être passé par une longue période de solitude dans son ministère.

Petit à petit, suite à la mort de l’archevêque, l’hostilité entre les leaders de l’église orthodoxe et les leaders de la mission s’est amenuisée. Les missionnaires et Onesimus ont continué à faire de l’évangélisation, à donner des soins médicaux, et à éduquer les jeunes dans les écoles toujours croissantes de la région.

Ayant pu voir tout cela, et la paix qui était survenue, Onesimus est mort le 21 juin 1931, un dimanche, à l’âge de soixante-quinze ans. C’était le jour même de la célébration du soixante-quinzième anniversaire de la mission évangélique suédoise qui se tenait à Stockholm, en Suède. C’était un dimanche matin, et Onesimus devait prêcher. Il s’est donc déplacé très vite vers l’église, sans saluer les gens en cours de route comme il le faisait normalement. Il était très pressé, parce qu’il avait dit ce jour-là qu’il allait mourir. Comme il ne se sentait pas très bien, il s’est d’abord arrêté en chemin à la maison du médecin qui habitait près de l’église. C’est là qu’il est mort soudainement d’une attaque d’apoplexie, avant de pouvoir recevoir une aide médicale.

Dirshaye Menberu


Sources:

Gustav Aren, Envoys of the Gospel in Ethiopia [Messagers de l’évangile en Ethiopie] (EFS forlaget Stockholm: the Evangelical Church Mekane Yesus Addis Ababa, 1999).

Gustav Aren, Evangelical Pioneers in Ethiopia: Origins of the Evangelical Church Mekane Yesus [Les pionniers évangéliques en Ethiopie: les origins de l’église évangélique Mekane Yesus] (Uppsala: Offsetcenter ab, avril 1978).

Terfasa Diga, Onesimus Nesib (Addis Ababa: EECMY, 1999).

Tulu B. Bacha, information obtenue d’un message email ([email protected]).

Oeuvres d’Onesimus Nesib en Oromo:

Galata waqayo Gofta Macha (“Chansons évangéliques et Psaumes”), (Imkullu: n.p., 1887).

Kakku Hara (“Le Nouveau Testament”), (Imkullu: n.p., 1893).

Machafa Qulkullu (“La Sainte Bible”), (St. Chrischona: n.p., 1899).

Katekismos (“Le catéchisme de Luther”), (St. Chrischona: n.p., 1899).

Garan Nama Mana Waqayo Yokis Ido Bulti Setana (“Le Coeur de l’homme”), (St. Chrischona: n.p., 1899).

Oeuvres d’Onesimus Nesib et d’Aster Ganno en Oromo:

Jalqaba Barsisa (“Lectionnaire et abécédaire Galla”), (Imkullu: n.p., 1894).

Dr. Barth’s Bible Stories (les histoires de la Bible de dr. Barth traduites en Oromo), (St. Chrischona: n.p., 1899).


Cet article, reçu en 2005, a été recherché et rédigé par le dr. Dirshaye Menberu, professeur à l’université d’Addis Ababa (retraitée) et boursière du Projet Luc en 2005-2006. Elle est aussi diplomée de l’EGST (Ethiopian Graduate School of Theology - Faculté Supérieure de Théologie Ethiopienne), une institution affiliée du DIBICA.


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