Collection DIBICA Classique

Tous les articles créés ou soumis au cours des vingt premières années du projet, de 1995 à 2015.

Rafaravavy, Marie (A)

1808-1848
La Société Missionnaire Londonienne
Madagascar , Maurice

Marie Rafaravavy était parmi les jeunes chrétiens de sa génération convertis sous l’enseignement des missionnaires de la L.M.S. (London Missionary Society) et qui ne voulaient pas renier leur foi lors de la “Proclamation de l’interdiction du christianisme” publiée le 1er mars 1835 par la reine Ranavalona I. Elle était de la même génération que la martyre Rasalama.

Rafaravavy, dont le nom signifie “la dernière née de la famille,” était de noble naissance, fille d’Andrianjaza, un des dignitaires de la cour royale. Elle est née en 1808 et avait presque dix ans quand les missionnaires de la London Missionary Society sont arrivés à Madagascar pour propager l’Evangile. Elle se maria et donna naissance à une fille.

Elle se convertit au christianisme d’une façon inattendue. Un jour, elle et son mari consultèrent un féticheur pour avoir un enfant. Longtemps après leur visite, un jeune chrétien est venu voir Rafaravavy et lui a lu des versets bibliques dont le contenu lui rappela tout ce qui s’était passé chez le féticheur. Elle fut abasourdie par la ressemblance des faits et décida de se convertir au christianisme. Elle était parmi les huit personnes baptisées par le missionnaire Griffiths à Ambatonakanga, le 5 juin 1831, lors de l’inauguration du temple. Elle choisit Marie comme nom de baptême.

La reine Ranavalona, qui succéda à Radama I, avait très peu d’affection pour le christianisme. Par conséquent, le 1er mars 1835 elle proclama l’interdiction du christianisme dans son royaume–un geste qui sema la peur dans Antananarivo et ses environs. Peu après, tous les missionnaires durent quitter le pays et la persécution commença. Ceux qu’on dénonçait comme chrétiens devaient abjurer ou se désolidariser publiquement de la communauté chrétienne par d’abominables imprécations.

Quand la surveillance se relâcha un peu, les chrétiens en profitèrent pour s’organiser et se fortifier les uns les autres. Marie Rafaravavy fut la première à organiser chez elle, à Ambohitsoa, un quartier assez écarté de la ville, des réunions de prières qui servirent puissamment à soutenir le courage des persécutés. D’autres chrétiens l’imitèrent, et la plupart des convertis prirent l’habitude de se réunir tantôt chez l’un, tantôt chez l’autre pour prier ensemble la nuit.

Le dimanche 17 juillet 1836, l’épreuve s’abattit sur Marie Rafaravavy après qu’elle fut dénoncée par trois de ses esclaves (femmes) auprès de Rajery, un des conseillers de la reine et frère de Rainiharo, premier ministre. Par ce geste, les esclaves espéraient obtenir leur libération, mais en vain. Au contraire, elles furent mises au fer par Andrianjaza, le père de Rafaravavy. Elles n’en furent relâchées que grâce aux interventions de cette dernière qui arriva même à convertir deux d’entre elles au christianisme.

Selon les règles édictées par le roi Andrianampoinimerina (qui fut succédé par son fils Radama I), une accusation d’esclave était irrecevable. Cependant, cela n’empêcha pas la reine d’accepter l’accusation portée contre Rafaravavy. Celle-ci apprit le jour même l’accusation dont elle était l’objet et en fut consternée car il lui fallait choisir entre mourir ou renier Dieu. Son père essaya de la convaincre d’abjurer sa foi. Cependant après de longues et ferventes prières, et malgré l’amour et le respect qu’elle ressentait pour les siens, surtout sa fille unique, son mari, et son vieux père, Rafaravavy choisit de ne pas renier sa foi. Ni les menaces, ni les supplications ne purent avoir raison de sa détermination.

Pourtant à causes des services rendus à la reine par son père, on autorisa ce dernier à implorer la clémence royale et la peine de mort fut commuée en condamnation à l’esclavage, avec facilité pour les parents de la coupable de la racheter. Cependant la moitié des biens de Rafaravavy demeurèrent propriété de la reine. Rafaravavy vendit donc sa maison à Ambohitsoa–car on ne pouvait plus y pratiquer le culte–et alla vivre à Ambatonakanga.

L’année suivante, elle fut dénoncée une seconde fois avec seize de ses compagnons. De plus, on s’efforça de l’amener à dénoncer d’autres chrétiens, lui faisant espérer la vie sauve si elle y consentait. Mais elle s’y refusa absolument. Des amis se portèrent garant pour elle et elle put demeurer chez elle à Ambatonakanga.

Néanmoins, quatorze jours après son arrestation, on annonça publiquement qu’on livrait ses biens au peuple. Comme elle n’avait pas été avertie quelle ne fut sa surprise en voyant arriver tout d’un coup chez elle une ruée de gens qui s’empressait de s’emparer de ses biens ! En peu de temps, elle vit tout disparaître, y compris la maison elle-même qui fut démolie et emportée. De plus, elle devait être mise à mort à coups de sagaies le lendemain.

Cependant, cette nuit-là, tout le quartier d’Ambohimitsimbina prit feu. L’incendie fit bientôt rage et les flammèches parvinrent même jusque dans la cour du palais de la reine. Ce fut une agitation et une angoisse extrêmes dans toute la ville, devant cet incendie qu’on n’arrivait pas à éteindre. Le premier ministre Rainharo donna l’ordre de surseoir à toutes les affaires officielles y compris l’exécution de Rafaravavy.

Celle-ci fut alors placée comme esclave chez un noble, Andrianandraina, qui la laissa agir à sa guise. Elle en profita pour organiser des réunions de prière clandestines où on lisait les Saintes Écritures.

A nouveau dénoncée, elle décida de fuir avec cinq ou six de ses compagnons. Elle erra pendant presque six mois dans la région de Vonizongo avec ses camarades, se cachant dans des grottes et se réconfortant en lisant des versets bibliques dans des pages arrachées de la Bible et soigneusement cachées sous leurs vêtements. Le 20 septembre 1838, elle partit pour rejoindre “Mr. Johns,” un ancien missionnaire de la L.M.S. à Madagascar qui les attendait, elle et ses amis–Sarah Razafy, David Ratsarahomba, Simeona Andrianomanana, et Josefa Rasoamaka–à Tamatave, pour les aider à s’enfuir en Angleterre.

Leur voyage à Tamatave se fit surtout la nuit, par des sentiers détrempés et surveillés, parcourus par des émissaires du palais dont certains connaissaient bien les fugitifs. Malgré cela, ils arrivèrent enfin à Tamatave. Déguisés en matelots et aidés par Ramiandrahasina, un officier chrétien, ils purent s’embarquer. Le bateau qui quitta Tamatave le 9 octobre 1838, arriva en Angleterre fin mai 1839.

Rafaravavy resta deux années en Angleterre. Avec la machine à imprimer qu’on lui donna, elle publia des tractes et des lettres pour encourager les chrétiens à Madagascar.

Elle quitta l’Angleterre le dimanche 7 novembre 1841 pour revenir à l’Île Maurice dans l’espoir de rentrer à Madagascar. Mais la persécution y battait encore son plein et Rafaravavy fut obligée de s’installer dans la ville de Moka, à Maurice. On lui fit bâtir une maison et une église en pierre et on lui donna aussi du terrain pour cultiver.

C’est là qu’elle passa sa vie à prêcher l’évangile jusqu’à sa mort au mois d’avril 1848. Son corps fut transporté à Port-Louis (Maurice) pour y être inhumé le 23 avril 1848.

Berthe Raminosoa Rasoanalimanga


Bibliographie

William Ellis, Faithful unto Death : The Story of the Founding and the Preservation of The Martyr Church of Madagascar (London: John Snow and Co, 1876).

Revue protestante Gazety Mpanolotsaina [le conseiller], N° 8, oct. 1905, pp. 210-237.

Revue protestante Gazety Mpanolotsaina [le conseiller], N° 9, janvier 1906, pp. 26-42.

Revue protestante Gazety Ranovelona, N° 72, 31 mars 1932, pp. 862-864.

John W. Mears, The Story of Madagascar (Philadelphia: Presbyterian Board of Publication, 1873).

Missions and Martyrs in Madagascar (New York: American Tract Society, 1864).

Louis Molet, “Marie Rafaravavy (1808-1848)” dans Hommes et Destins, Dictionnaire Biographique d’Outre-Mer : Madagascar, Tome III, p. 388-389.

Gustave Mondain, Rafaravavy Marie (1898-1848) : une martyre malgache sous Ranavalona 1ère, (Paris : Société des Missions Évangéliques, 1929).

Pasteur Rabary, Ny daty Malaza: na ny dian’I Jesosy teto Madagasikara [Les dates mémorables sur la trace de Jesus à Madagascar ]. (Antananarivo: Trano Printy Fiangonana Loterana Malagasy, 2004).


Cet article, reçu en 2008, est le produit des recherches de Madame Berthe Raminosoa Rasoanalimanga, directrice du Centre National des Archives FJKM (1984-2007), récipiendaire de la bourse du Projet Luc en 2008-2009.


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le quartier d'Ambohimitsimbina

collier en fer

collier en bois